La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2024 | FRANCE | N°21NC02760

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 24 octobre 2024, 21NC02760


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Escherange à lui verser la somme de la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2007 par lequel le maire de cette commune a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un immeuble comportant seize logements sur le territoire communal.
r>

Par un jugement n° 1602272 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasb...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Escherange à lui verser la somme de la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2007 par lequel le maire de cette commune a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un immeuble comportant seize logements sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1602272 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Escherange à verser à M. A... la somme de 73 049,29 euros TTC.

Par un arrêt n° 18NC02406 du 3 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy, sur l'appel formé par la commune d'Escherange, a annulé le jugement n° 1602272 du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2018, a rejeté la demande présentée en première instance par M. A... et a mis à la charge de celui-ci le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 438109 du 20 octobre 2021, le Conseil d'Etat, sur le pourvoi formé par M. A..., a annulé l'arrêt n° 18NC02406 de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 décembre 2019, a renvoyé l'affaire à cette cour et a mis à la charge de la commune d'Escherange la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour après renvoi :

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 7 janvier 2022, la commune d'Escherange, représentée par Me Lang, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602272 du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt n° 18NC02406 de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 décembre 2019 n'a été annulé par le Conseil d'Etat qu'en raison d'une faiblesse dans la motivation ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre l'illégalité du premier refus de délivrer un permis de construire à M. A... et les préjudices dont il demande réparation ;

- ce premier refus n'est pas à l'origine de l'impossibilité pour le pétitionnaire de réaliser son projet, dès lors que M. A... a indiqué avoir perdu le bénéfice de la maîtrise foncière du terrain d'assiette postérieurement au second refus, soit au plus tôt à la fin de l'année 2012 ;

- le second refus de permis de construire opposé par la collectivité, devenu définitif, faisait obstacle à la réalisation du projet de M. A... ;

- les fautes commises par M. A..., qui n'a pas sollicité le bénéfice du mécanisme de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, ni la ré-instruction de sa demande de permis de construire, sont de nature à exonérer la collectivité de sa responsabilité ;

- le pétitionnaire n'a subi aucun préjudice en lien direct avec le refus illégal de lui délivrer un permis de construire qui lui a été opposé le 17 décembre 2007 ;

- M. A... s'est borné à demander l'indemnisation des frais d'établissement du dossier de permis de construire, à l'exclusion des frais de préparation des travaux ;

- les factures produites par le pétitionnaire sont peu claires sur le détail des prestations réalisées et ne permettent pas de d'apprécier si elles sont en lien avec l'établissement du dossier de permis de construire.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 18 février 2022, M. B... A..., représenté par Me De Zolt, conclut au rejet de la requête de la commune d'Escherange et à ce que soit mise à sa charge une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- dans son arrêt n° 18NC02406 du 3 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a reconnu que l'illégalité du premier refus de délivrance d'un permis de construire est constitutive d'une faute qui engage la responsabilité de la commune d'Escherange et qu'il avait exposé en pure perte des frais en vue de la constitution de son dossier de demande ;

- il est donc fondé à réclamer le versement d'une somme de 73 049,29 euros TTC au titre de son préjudice financier ; les factures produites correspondent effectivement à des prestations relatives à l'élaboration du dossier de demande de permis de construire ;

- le lien de causalité entre ce préjudice et la faute commise par la commune d'Escherange est direct et certain ;

- l'administration étant tenue de mener une nouvelle instruction de la demande à la suite de l'annulation par le juge d'un refus d'autorisation d'urbanisme, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir sollicité formellement cette ré-instruction ;

- il n'a pas poursuivi la contestation du second refus de délivrance d'un permis de construire, qui lui a été opposé par la commune d'Escherange dès lors que, à la suite du recours gracieux formé contre l'arrêté du 17 octobre 2012, il a perdu la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

- la loi n° 94-112 du 9 février 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Damilot, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 mai 2007, M. B... A... a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la réalisation d'un immeuble de seize logements sur un terrain cadastré section 32 n° 214 et situé rue Principale à Escherange (Moselle). Par un premier arrêté du 17 décembre 2007, le maire de cette commune a refusé de faire droit à la demande. Par un jugement n° 0800734 du 17 mai 2011, confirmé par un arrêt n° 11NC01170 de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 avril 2012 devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 17 décembre 2007. Tirant les conséquences de cette annulation, le maire d'Escherange a procédé à une nouvelle instruction de la demande de permis de construction au regard des dispositions du règlement du nouveau plan local d'urbanisme de la commune approuvé par une délibération du conseil municipal du 1er mars 2012. Par un second arrêté du 17 octobre 2012, il a réitéré son refus initial. Le 28 janvier 2013, il a également rejeté le recours gracieux formé par le pétitionnaire le 5 décembre 2012. Faute d'avoir été contestés par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 octobre 2012 et la décision du 28 janvier 2013 sont devenus définitifs. Estimant que, du fait du refus illégal de délivrance de permis de construire du 17 décembre 2007, il a exposé en pure perte les frais de constitution de son dossier de demande, M. A... a, le 10 mars 2016, adressé au maire d'Escherange une demande préalable d'indemnisation, qui a été rejetée le 30 mars suivant. Le 16 avril 2016, le pétitionnaire a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 73 049,29 euros toutes taxes comprises correspondant au montant de ces frais. Par un jugement n° 1602272 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit aux prétentions indemnitaires de l'intéressé. Ce jugement a été infirmé par un arrêt n° 18NC02406 de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 décembre 2019 en raison de l'absence de lien direct et certain de causalité entre la faute résultant de l'illégalité du refus de permis de construire opposé à M. A... le 17 décembre 2007 et le préjudice financier allégué. Par une décision n° 438109 du 20 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 18NC02406 du 3 décembre 2019 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.

Sur la responsabilité de la commune d'Escherange :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Les dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, issues de l'article 3 de la loi du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction, n'ont eu, ni pour objet, ni pour effet de modifier les règles relatives aux conditions dans lesquelles la responsabilité de l'administration peut être mise en cause.

3. D'autre part, en vertu des règles régissant la responsabilité des personnes publiques, celle-ci ne peut être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct et certain entre la faute et le dommage invoqué. Tel n'est pas le cas lorsque le requérant n'établit pas avoir accompli les diligences appropriées pour prévenir la réalisation du dommage ou a fait preuve de négligence.

4. M. A... fait valoir que, du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté du 17 décembre 2007, il a exposé en pure perte les frais de constitution de son dossier de demande de permis de construire, dont le montant s'élève à 73 049,29 euros toutes taxes comprises. Toutefois, il résulte de l'instruction que, à la date de notification de l'arrêt n° 11NC01170 de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 avril 2012 confirmant définitivement l'annulation de cet arrêté, le préjudice financier, dont l'intéressé demande réparation, n'était pas encore constitué, dès lors que celui-ci conservait la possibilité de solliciter, sur le fondement de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le réexamen de sa demande initiale au regard des dispositions de l'ancien plan d'occupation des sols et d'obtenir ainsi la délivrance du permis sollicité. Il est constant que M. A..., qui, compte tenu de sa profession d'architecte, ne pouvait raisonnablement ignorer l'entrée en vigueur du nouveau plan local d'urbanisme de la commune d'Escherange, approuvé par une délibération du conseil municipal du 1er mars 2012, n'a pas fait usage d'une telle faculté, ni avant l'édiction de l'arrêté du 17 octobre 2012, ni après celle-ci, alors que le délai de six mois prévu à l'article L. 600-2 n'était pas encore expiré. Il n'a manifesté sa volonté d'y recourir que dans le cadre de son recours gracieux formé le 5 décembre 2012 lorsque ce délai était échu. Le pétitionnaire ne saurait reprocher à la commune d'avoir réexaminé d'office, comme elle y était tenue, sa demande de permis au regard des dispositions du règlement du nouveau plan local d'urbanisme, ni d'avoir rejeté une nouvelle fois cette demande avant l'expiration du délai de six mois, aucune disposition ne lui imposant d'attendre l'échéance de ce délai.

5. Dans ces conditions, en l'absence d'explication sur les raisons pour lesquelles, nonobstant l'annulation définitive du premier refus par l'arrêt n° 11NC01170 de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 avril 2012, l'intéressé n'a pas sollicité l'application à son bénéfice de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le préjudice allégué par le requérant résulte, non pas de l'illégalité fautive de l'arrêté du 17 décembre 2007, mais de sa seule négligence. Ainsi, M. A..., dont il est par ailleurs constant qu'il n'a perdu la maîtrise foncière du terrain que postérieurement à l'expiration du délai de 6 mois susmentionné, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'un lien de causalité suffisamment direct et certain entre la faute résultant de l'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2007 et le dommage causé par l'exposition en pure perte des frais de constitution du dossier de permis de construire. Par suite, le pétitionnaire n'est pas fondé à solliciter une indemnisation à ce titre.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Escherange est fondée à demander l'annulation du jugement de première instance, ainsi que le rejet de la demande indemnitaire présentée par M. A....

Sur les frais de justice :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Escherange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune requérante sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1602272 du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par M. A... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Escherange et à

M. B... A....

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

La présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC02760 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02760
Date de la décision : 24/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : PS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-24;21nc02760 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award