Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 7 juillet 2021 ainsi que la décision implicite par lesquelles le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2008070-2106107 du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2023 ;
3°) d'annuler la décision du 7 juillet 2021 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision du 7 juillet 2021 n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas pris en considération sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stenger, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité marocaine, est entrée en France, munie d'un visa de court séjour, le 9 janvier 2019. Le 25 février 2019, elle a épousé M. C..., de nationalité française, à Amnéville. Le 29 juillet 2019, soit six mois après son mariage, elle a formé auprès de services de la préfecture de la Moselle une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " en tant que conjointe d'un ressortissant français, laquelle a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le 28 septembre 2020, la requérante a demandé la communication des motifs de cette décision de rejet implicite. Par une décision expresse du 7 juillet 2021, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour ainsi sollicité. Par un jugement n° 2008070-2106707 du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que la décision implicite de rejet avait été remplacée par la décision expresse du préfet de la Moselle en date du 7 juillet 2021 et conséquemment, il a regardé les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite comme dirigées contre cette décision expresse. Mme C... relève appel de ce jugement du 21 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 août 2023. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. A l'appui de sa demande, Mme C... soutient que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de ce que la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour, née du silence de l'administration gardé sur sa demande du 29 juillet 2019, n'est pas motivée puisque les services préfectoraux n'ont pas répondu à sa demande de communication des motifs qu'elle avait formée le 28 septembre 2020 en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. Il résulte toutefois du point 2 du jugement attaqué que le tribunal administratif a indiqué, à juste titre, que les conclusions formées par la requérante, dirigées contre la décision implicite en litige, devaient être regardées comme dirigées contre la décision expresse du 7 juillet 2021 qui s'est elle-même substituée à cette décision tacite. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de réponse à un moyen opérant.
Sur la légalité de la décision du 7 juillet 2023 portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, contrairement à ce que persiste à soutenir Mme C... en appel, la décision expresse du 7 juillet 2021 par laquelle le préfet de la Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour s'est substituée à la décision implicite qui est née du silence gardé par l'administration suite à sa demande. Dans ces conditions, et comme l'ont estimé les premiers juges, les conclusions à fin d'annulation dirigée contre la décision implicite doivent être regardées comme dirigées contre la décision expresse du 7 juillet 2021.
6. En deuxième lieu, la décision attaquée du 7 juillet 2021 vise les articles L. 431-1, L. 412-1 et L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet mentionne dans cette décision qu'il a été informé par l'association " Est Accompagnement ", le 21 février 2020, que la communauté de vie de la requérante avec son mari avait cessé et que Mme C... avait été mise à l'abri des violences conjugales commises par son époux. Il ajoute qu'en dépit d'une demande de justificatifs attestant de sa vie commune avec son époux, la requérante, qui n'avait produit aucun élément de nature à établir la réalité d'une telle communauté de vie effective de six mois en France, ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dérogent à l'obligation de possession d'un visa de long séjour. Dans ces conditions, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de Mme C.... Par suite, doit être écarté le moyen tiré du défaut d'examen sérieux.
8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ;
2° Le conjoint a conservé la nationalité française ;
3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-2 dudit code : " L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle a refusé la délivrance du titre de séjour demandé par Mme C... le 8 août 2019 au motif que, comme précédemment mentionné, l'association " Est Accompagnement " lui avait indiqué, le 21 février 2020, que la communauté de vie avec son époux avait cessé, la requérante ayant été mise à l'abri des violences conjugales commises par ce dernier. Par une nouvelle attestation du 8 juin 2022, la directrice de cette même association attestait qu'elle hébergeait la requérante depuis cette même date. Or, contrairement à ce que soutient l'intéressée, elle ne prouve pas, par les avis de réception qu'elle produit, en date du 16 juillet 2020 et du 29 septembre 2020, qu'elle aurait effectivement répondu à la demande de justificatifs qui lui avait été adressée par le préfet le 17 septembre 2020, dès lors que le premier avis de réception est antérieur à cette demande et que le deuxième avis de réception concerne son courrier du 28 septembre 2020 par lequel elle demandait à l'autorité préfectorale la communication des motifs de la décision implicite de rejet. Par ailleurs, par les pièces produites en appel, l'intéressée ne justifie pas de la réalité d'une communauté de vie entretenue avec son époux. A cet égard, les attestations d'enregistrement d'une demande de logement social produites, en date des 8 juillet et 26 août 2022, concernent seulement son époux, la première attestation révélant d'ailleurs que ce dernier a déclaré à l'administration qu'il était alors hébergé chez son fils à D..., ce qui est contradictoire avec le contrat de location au seul nom de M. C... produit pour un logement situé à la même adresse. En outre, les quittances de loyer versées aux débats, les factures d'énergie postérieures à la date de la décision attaquée ainsi que les attestations rédigées en termes généraux et la déclaration de communauté de vie rédigée le 8 mai 2023 par son époux pour les besoins de la cause ne sauraient justifier la réalité d'une vie commune effective. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C..., qui ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, ait transféré en France le centre de ses intérêts personnel et familiaux. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles cités par le 1° et le 2° de cet article L. 423-13 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
11. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 9 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir du bénéfice des dispositions précitées de l'article L.423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ne justifiant pas d'une communauté de vie effective avec son époux, elle ne remplit pas les conditions posées aux dispositions précitées de l'article L. 423-1 du même code. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de soumettre sa demande de titre de séjour à la commission du titre de séjour avant de la rejeter. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions susvisées. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Blanvillain et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
No 23NC02834 2