Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 juin 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2301829-2301830 du 28 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a provisoirement admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires non communiquées, enregistrées le 10 juillet et le 10 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) de lui octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2023 ;
3°) d'annuler les deux arrêtés précités du 15 juin 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur les moyens communs aux deux arrêtés contestés :
- ils ne sont pas suffisamment motivés, notamment en ce que le préfet n'a pas mentionné qu'il réside en France depuis 2005 et qu'il ne fait pas état de son insertion ni du fait qu'il a poursuivi sa scolarité en France et a obtenu en 2009 son brevet d'études professionnelles pour les métiers de la comptabilité.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
- elles ont été signées par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas démontré que la délégation de signature de M. B... a été régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture ;
- le préfet a commis une erreur de fait en indiquant, de manière erronée, l'adresse de sa sœur chez laquelle il réside ;
- le préfet a commis une double erreur de droit dès lors que d'une part, il aurait dû lui notifier un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination puisqu'il avait sollicité, en vain, son admission au séjour pendant la période de la Covid-19 et que d'autre part, le préfet mentionne à tort l'accord franco-algérien dans les visas de l'arrêté du 15 juin 2023 ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- les décisions en litige sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour en France pour une durée d'un an :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa durée dès lors qu'il réside en France depuis dix-sept ans, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence ne représente pas une menace à l'ordre public.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de ses garanties de représentation et de sa situation personnelle ;
- elle est disproportionnée dans son principe et les obligations de contrôle qui lui sont imposées ;
- elle est entachée d'une erreur de fait quant à l'adresse de sa sœur chez qui il réside.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stenger, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant sénégalais né le 11 mai 1990 serait, selon ses déclarations, entré régulièrement en France en 2005 alors qu'il était mineur. Le requérant a été placé en retenue administrative, le 15 juin 2023, pour vérification de son droit au séjour suite à une convocation liée à son passeport retrouvé, périmé depuis le 12 juin 2023. A cette occasion, il a été constaté que sa présence sur le territoire français était irrégulière. Aussi, par deux arrêtés du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement n° 2301829-2301830 du 28 juin 2023 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande après l'avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 septembre 2023. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
3. Il ressort des arrêtés attaqués que le préfet de Meurthe-et-Moselle a mentionné, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il s'est fondé pour prendre les décisions litigieuses. A cet égard, et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a, notamment, indiqué dans l'arrêté en litige que M. A... avait déclaré, lors de son audition, être entré régulièrement en France en 2005 sans l'établir et qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il avait présenté une demande de titre de séjour pendant la période de la Covid-19. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal d'audition produit en défense, que l'intéressé s'est borné à indiquer, de manière générale, qu'il avait fait des études en France sans indiquer avoir obtenu en 2009 le brevet d'études professionnelles dans les métiers de la comptabilité. Dans ces conditions, le requérant ne saurait reprocher au préfet de Meurthe-et-Moselle d'avoir insuffisamment motivé la mesure d'éloignement en ne faisant pas mention de ce diplôme. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice de forme tiré d'une insuffisante motivation.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 juin 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, le requérant se borne à reprendre en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. A.... Par suite, doit être écarté le moyen tiré du défaut d'examen sérieux.
6. En troisième lieu, la circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle ait indiqué de manière erronée que la sœur du requérant, chez laquelle ce dernier réside, habite au 2 rue Pierre Schaeffer à Nancy alors qu'il s'agit du 12, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
7. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
8. Comme l'ont retenu les premiers juges, si M. A... fait valoir qu'il aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour pendant la période de la Covid-19, il ne le démontre pas. Par conséquent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne pouvait pas lui adresser une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais devait lui adresser une décision portant refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français. De même, M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français en 2005 comme il persiste à le soutenir en appel. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées, obliger M. A... à quitter le territoire français.
9. En cinquième lieu, la circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle ait, par erreur, visé, dans l'arrêté contesté, l'accord franco-algérien, qui n'est pas applicable à sa situation, est sans incidence sur la légalité de cet acte.
10. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant à charge sur le territoire français, n'établit pas, comme il l'allègue, résider en France depuis 2005 par la production de son diplôme de brevet d'études professionnelles qu'il a obtenu en 2009 ainsi que par plusieurs attestations, rédigées en des termes généraux, et dont aucune ne fait état d'une arrivée en France en 2005, à l'exception de celle de sa sœur, rédigée pour les besoins de la cause. Par ces éléments, ainsi qu'une promesse d'embauche pour un poste de responsable de salle à temps partiel, datée du 11 mars 2023 mais non signée par le responsable du restaurant, le requérant ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux, alors qu'il a lui-même déclaré lors de son audition que ses parents et une sœur résidaient au Sénégal. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de celui-ci au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France pour une durée d'un an :
12. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui, contrairement à ce qu'il affirme, ne justifie pas résider en France depuis 2005 pour les raisons indiquées au point 11 du présent arrêt, établit seulement une présence en France en 2009 puis à compter de l'année 2019 soit depuis moins de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué. Or, le requérant, qui n'établit pas avoir tenté de régulariser sa situation administrative auprès des services préfectoraux, notamment pendant la période de la Covid-19, doit être regardé comme s'étant maintenu en France de manière irrégulière depuis 2019. En outre, à l'exception des liens qu'il entretient avec sa sœur chez laquelle il réside, l'intéressé n'établit pas disposer en France de liens anciens et stables. Aussi, en dépit des circonstances qu'il n'a pas déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois n'est pas entachée d'aucune erreur d'appréciation quant à sa durée.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 juin 2023 portant assignation à résidence :
14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 733-1 de ce code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ".
15. Le requérant fait valoir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il présente toutes les garanties de représentation et qu'eu égard à sa situation, cette décision n'était ni nécessaire ni proportionnée à l'objectif recherché. Toutefois, la décision en litige, n'a pas été prise au motif que M. A... ne dispose pas des garanties de représentation nécessaires puisqu'elle a été édictée sur le fondement du 1° de l'article L. 731-1, au motif qu'il avait fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé. Cette décision, qui se borne à assigner à résidence le requérant dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, l'oblige à se présenter les lundis et mercredis à 14 h 00 auprès des services de police de Nancy, situés Boulevard Lobau à Nancy, afin de vérifier qu'il respecte la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la durée de l'assignation prononcée ne peut qu'être écarté ainsi que celui tiré de sa disproportion dès lors que si le requérant fait valoir que les contraintes imposées dans cette décision seraient disproportionnées aux buts en vue desquels elle a été prise, il ne justifie cependant d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il s'y soumette. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
16. En dernier lieu, la circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle ait indiqué de manière erronée que la sœur du requérant, chez qui réside le requérant, habite au 2 rue Pierre Schaeffer à Nancy alors qu'il s'agit du 12, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la légalité de la décision portant assignation à résidence.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés précités du 15 juin 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Blanvillain et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC02220 2