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17/10/2024 | FRANCE | N°22NC00274

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 17 octobre 2024, 22NC00274


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Ferro-tech a demandé au tribunal administratif de Nancy à, titre principal, d'annuler la décision du 23 mai 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Grand Est lui a infligé, en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, quatre amendes administratives d'un montant total de 9 800 euros pour non-respect de ses obligations en mati

ère d'hygiène et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces amendes.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ferro-tech a demandé au tribunal administratif de Nancy à, titre principal, d'annuler la décision du 23 mai 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) du Grand Est lui a infligé, en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, quatre amendes administratives d'un montant total de 9 800 euros pour non-respect de ses obligations en matière d'hygiène et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces amendes.

Par un jugement n° 1902194 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 23 mai 2019 en tant qu'elle met à la charge de la SARL Ferro-Tech une amende d'un montant supérieur à 4 200 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 décembre 2021 en tant qu'il a déchargé la SARL Ferro-Tech de l'amende d'un montant de 2 800 euros relative à la non-conformité des cabinets d'aisance.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la mise à disposition de cabinets d'aisance situés à six kilomètres de leur lieu de travail n'était pas de nature à caractériser un manquement aux obligations des articles R. 4228-1 et R. 4228-10 du code du travail ; les constats opérés par l'agent de contrôle, le 31 juillet 2018, ont permis d'établir l'absence de mise à disposition de cabinets d'aisance conformes aux dispositions des articles R. 4228-1 et R. 4228-10 du code du travail ; les dispositions de l'article R. 4228-10 du code du travail exigent que les cabinets d'aisance soient situés à proximité directe du poste ou du lieu de travail, comme cela ressort des dispositions des articles R. 4228-11 et du R. 4534-137 du même code ; la société Ferro-Tech a placé les travailleurs dans une situation de fragilité, a méconnu la garantie de propreté posée à l'article R. 4228-10 du code du travail et a porté atteinte à leur dignité humaine ; il appartenait à la société Ferro-tech de mettre en place des toilettes chimiques conformément au point 6.1.1 du plan général de coordination (PCG), établi dans le cadre du chantier sur lequel elle intervenait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, la SARL Ferro-tech conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation, d'une part, du jugement attaqué en tant qu'il a maintenu à sa charge une amende de 4 200 euros pour non-respect des articles R. 4228-2 et R. 4228-7 du code du travail, d'autre part, de la décision du 23 mai 2019 en tant qu'elle a mis à sa charge une telle amende et enfin, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de L. 761-1 du code de justice administrative..

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés ;

- il y a lieu, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué dès lors qu'elle n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 4228-2 du code du travail relatives aux vestiaires collectifs et aux lavabos qui ne concernent que les sites fixes ; durant le chantier, ses salariés ont eu accès aux vestiaires collectifs, lavabos et réfectoire fixes de la SNCF, conformément au PGC et au plan particulier de sécurité et de prévention de la santé (PPSPS), ces installations étant mutualisées ; elle avait mis à leur disposition sept camionnettes pour leur permettre de se rendre sur les lieux d'intervention quand l'accès par la route était possible ; elle n'a pas non plus méconnu les articles R. 4228-1 et R. 4228-7 du code du travail relatives dès lors qu'elle avait mis à la disposition de ses salariés des lavabos et des vestiaires installés dans des locaux appartenant à la SNCF, situés à la gare de Frouard et à la base de travaux de Champigneulles, complétés par des cabines autonomes loués pour le chantier et équipées de lavabos.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive communautaire 92/57/CEE du Conseil du 24 juin 1992 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,

- les conclusions de Mme A..., Mosser rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les 30 et 31 juillet 2018, les services de l'inspection du travail ont effectué un contrôle de nuit sur le chantier relatif à la ligne n° 070000 reliant Noisy-le-Sec à Strasbourg, devant permettre le remplacement de rails en horaires de nuit, sur un tronçon de ligne ferroviaire appartenant à la SNCF Réseau, situé sur les territoires des communes de Toul, Liverdun, Frouard et Maxéville en Meurthe-et-Moselle. A l'occasion de ce contrôle, les inspecteurs du travail ont constaté la présence de dix salariés de la société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Ferro-Tech, spécialisée en travaux publics et dont le siège social est au Luxembourg, et de quatre travailleurs intérimaires mis à la disposition de cette dernière. Ils ont relevé plusieurs manquements de cette société à ses obligations en matière d'installations sanitaires et de restauration. Aussi, par un courrier du 1 er août 2018, les inspecteurs du travail demandaient à la société Ferro-Tech de lui faire part de ses observations s'agissant notamment de l'absence des installations d'hygiène prévues aux articles R. 4534-137 à R. 4534-145 du code du travail. Après mise en œuvre, par un courrier du 28 janvier 2019, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est, par une décision du 23 mai 2019, a infligé à la société Ferro-Tech quatre amendes administratives pour un montant total de 9 800 euros. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er octobre 2021 en tant qu'il a déchargé la SARL Ferro-Tech de l'amende d'un montant de 2 800 euros relative à la non-conformité des cabinets d'aisance, tandis que, par la voie de l'appel incident, la société Ferro-Tech demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a laissé à sa charge une amende de 4 200 euros pour non-respect des articles R. 4228-2 et R. 4228-7 du code du travail.

Sur les dispositions applicables au chantier litigieux :

2. Aux termes de l'article R. 4534-137 du code du travail : " Sous réserve de l'observation des dispositions correspondantes prévues par la présente section, il peut être dérogé, dans les chantiers dont la durée n'excède pas quatre mois, aux obligations relatives : / 1° Aux installations sanitaires, prévues par les articles R. 4228-2 à R. 4228-7 et R. 4228-10 à R. 4228-18 ".

3. La directive communautaire 92/57/CEE du Conseil du 24 juin 1992 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles a introduit la notion de chantier pour l'application des mesures d'hygiène et de sécurité. Cette directive définit, en son article 2, le chantier temporaire ou mobile comme " tout chantier où s'effectuent des travaux du bâtiment ou du génie civil, dont la liste non exhaustive figure à l'annexe I " et son considérant 8 précise que " lors de la réalisation d'un ouvrage, un défaut de coordination, notamment du fait de la présence simultanée ou successive d'entreprises différentes sur un même chantier temporaire ou mobile, peut entrainer un nombre élevé d'accidents du travail ". Aux termes de l'article L. 235-3 du code du travail, devenu désormais l'article L.4532-2, issu de la loi du 31 décembre 1993 portant transposition de cette directive : " Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions et principes que, pour apprécier l'étendue et le respect des obligations qui pèsent, en matière d'hygiène et de sécurité de leurs salariés, sur chacune des entreprises intervenant sur un chantier temporaire ou mobile de bâtiment et de génie civil imposant la présence simultanée ou successive d'entreprises différentes, la durée totale du chantier, entendue comme la durée d'intervention de l'ensemble des entreprises concourant à la réalisation de l'ouvrage, doit être retenue et non la durée d'intervention de chacune des entreprises pour l'exécution des travaux correspondant au marché ou lot dont elle a été attributaire.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de constat des agents de contrôle du 9 octobre 2018 que si la déclaration préalable de chantier portait sur une durée prévisionnelle de vingt-huit jours à compter du 16 juillet 2018, les informations transmises par le maître d'ouvrage, la SNCF, révélait que ce chantier s'intégrait en réalité dans une opération d'une durée de dix-neuf semaines, soit plus de quatre mois, ce qui d'ailleurs ressort également de la déclaration préalable de chantier qui indique que le chantier s'intègre dans l'opération de " remplacement de rails sur la ligne ferroviaire n° 070000 ( de Noisy-le-Sec à Strasbourg) ". Or, selon les dispositions de l'article R. 4534-137 du code du travail énoncées ci-dessus et en application des principes rappelés au point précédent, sauf à ce que la durée du chantier sur lequel elle déploie ses salariés n'excède pas quatre mois, la société, en sa qualité d'employeur du bâtiment et des travaux publics, était soumise aux obligations relatives aux installations sanitaires, prévues par les articles R. 4228-2 à R. 4228-7 et R. 4228-10 à R. 4228-18 du code du travail. Aussi, la circonstance que les travaux effectués par la société requérante aient pris fin le 5 août 2018 et que son intervention se soit achevée dans la nuit du 9 au 10 août 2018 est sans incidence sur la durée totale du chantier qui est entendue comme la durée d'intervention de l'ensemble des entreprises concourant à la réalisation de l'ouvrage comme une opération d'ensemble. Aussi, la société Ferro-Tech, qui ne reprend d'ailleurs plus ce moyen dans sa défense en appel, ne peut utilement se prévaloir de l'intervention postérieure d'autres sociétés sur ce même chantier pour s'exonérer de ses obligations législatives et réglementaires en la matière. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est s'est fondée sur des dispositions inapplicables pour prendre la décision contestée ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif s'agissant des cabinets d'aisance :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement. ". Aux termes de l'article L. 8115-3 du même code : " Le montant maximal de l'amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 4228-1 du code du travail : " L'employeur met à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle, notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d'aisance et, le cas échéant, des douches ". Aux termes de l'article R. 4228-10 dudit code : " Il existe au moins un cabinet d'aisance et un urinoir pour vingt hommes et deux cabinets pour vingt femmes. L'effectif pris en compte est le nombre maximal de travailleurs présents simultanément dans l'établissement. Un cabinet au moins comporte un poste d'eau. Dans les établissements employant un personnel mixte, les cabinets d'aisance sont séparés pour le personnel féminin et masculin. Les cabinets d'aisance réservés aux femmes comportent un récipient pour garnitures périodiques. ". Aux termes de l'article R. 4228-11 du même code : " Les cabinets d'aisance ne peuvent communiquer directement avec les locaux fermés dans lesquels les travailleurs sont appelés à séjourner. Ils sont aménagés de manière à ne dégager aucune odeur. Ils sont équipés de chasse d'eau et pourvus de papier hygiénique ".

8. Pour annuler partiellement la décision du 23 mai 2019 en tant qu'elle inflige à la société Ferro-Tech une amende d'un montant de 2 800 euros pour non-respect de ses obligations en matière de mise à disposition de ses salariés de cabinets d'aisance, les premiers juges ont estimé qu'étaient suffisantes les modalités mises en œuvre par la société requérante au regard de l'article R. 4228-10 du code du travail qui n'exige pas que ces installations soient situées à proximité du passage des travailleurs. Ils ont ainsi considéré qu'il ressortait de plusieurs attestations, notamment celle d'un salarié de l'entreprise DICS, à qui la SNCF avait confié la mission de coordination de sécurité et protection de la santé, ainsi que de l'extrait du plan particulier de sécurité et de prévention de la santé (PPSPS) produit par la société, que les installations de la SNCF, situées en gare de Frouard et à Champigneulles, comprenaient des cabinets d'aisance qui étaient accessibles aux salariés de la SARL Ferro-Tech. Le tribunal administratif retenait également que les salariés avaient pu emprunter les camionnettes mises à leur disposition pour rejoindre les cabinets d'aisance situés au sein des installations de la SNCF.

9. Toutefois, il résulte de l'instruction que les cabinets d'aisance permanents, situés au kilomètre 344 au sein de la gare de Frouard, ainsi qu'à la base de travaux de Champigneulles située, selon les propres écritures de la société Ferro-Tech, à 4,3 kilomètres de la gare de Frouard, et auxquels les salariés de la société Ferro-Tech avaient accès, se trouvaient à au moins un kilomètre du chantier contrôlé, lequel se situait au kilomètre 343. Par ailleurs, la société Ferro-Tech ne saurait sérieusement faire valoir que ses salariés pouvaient se rendre, grâce à sept camionnettes mises à leur disposition, aux cabinets d'aisance chimiques qui avaient été installés dans la gare de Gondreville, située à plus de 6 km du chantier contrôlé. Enfin, et en tout état de cause, si la société Ferro-Tech affirme en défense qu'un cabinet d'aisance chimique mobile était installé au km 337, soit à six kilomètres du chantier litigieux, elle ne le démontre pas. Or, comme le fait valoir le ministre du travail dans ses écritures, il se déduit des dispositions citées au point 7 ci-dessus que les cabinets d'aisance doivent être situés à proximité du lieu de travail, comme cela ressort des dispositions de l'article R. 4228-11 du code du travail, nonobstant la circonstance que cet article fasse mention des " locaux fermés ". Par ailleurs, il n'est pas contesté que le point 6.1.1 du plan général de coordination, lequel organise le chantier sur lequel la société Ferro-tech intervenait, prévoit que : " selon l'éloignement, certains postes de travail seront équipés d'un WC chimique ". Enfin, il ressort des extraits du plan particulier de sécurité et de prévention de la santé produits à l'instance que : " un container réfectoire mobile et un WC chimique seront mis à disposition dans les zones ou les installations SNCF ne pourront pas être utilisées ". A cet égard, contrairement à ce que soutient la société Ferro-Tech en défense, la circonstance que le chantier litigieux était itinérant est sans incidence sur le bien-fondé de l'amende en litige. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société Ferro-Tech, par les modalités précitées mises en œuvre, avait rempli ses obligations en matière de mise à disposition de ses salariés de cabinets d'aisance, conformément aux dispositions des articles R. 4228-10 du code du travail.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 23 mai 2019 en tant qu'elle met à la charge de la SARL Ferro-Tech une amende d'un montant supérieur à 4 200 euros. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Ferro-Tech à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision en tant qu'elle met à sa charge une amende de 2 800 euros en raison de son manquement à l' article R. 4228-10 du code du travail.

Sur les autres moyens :

11. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 8115-5 du code du travail qui dispose : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. /A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant. (...) ". Il résulte de l'instruction que la décision du 23 mai 2019 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est prononçant l'amende en litige vise les dispositions du code de travail applicables, énonce les circonstances du contrôle effectué par l'inspection du travail, constate que les manquements aux dispositions des articles R. 4228-10 et R. 4228-23 du code du travail sont établis et précise les circonstances prises en compte pour déterminer le montant des amendes prononcées. Par suite, la décision attaquée comporte une motivation satisfaisant à l'obligation résultant de l'article L. 8115-5 du code du travail.

12. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 8115-10 du code du travail : " Par dérogation à l'article R. 8115-2, lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4754-1 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois. / Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient ".

13. Il résulte de l'instruction que l'inspectrice du travail a informé la société Ferro-Tech des manquements constatés lors du contrôle des 30 et 31 juillet 2018 et de son intention de lui infliger des amendes, par deux courriers du 1er août et du 7 septembre 2018. Par un courrier adressé à cette société, le 28 janvier 2019, reçu le 5 février 2019, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est a informé la société requérante des manquements retenus à son encontre, du montant des amendes encourues et de la sanction envisagée et l'a invitée à lui faire part de ses observations, dans le délai d'un mois, en application des dispositions cités au point précédent de l'article R. 8115-10 du code du travail. Par courrier du 8 février et courriel du 22 février 2019, la société Ferro-Tech a demandé à avoir copie du rapport des agents de contrôle daté du 9 octobre 2018 et sollicité un délai supplémentaire pour faire valoir ses observations. Par trois courriels du 25 février 2019, le rapport et ses annexes ont été communiqués à la société requérante et le délai sollicité lui a été accordé par l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ne peut qu'être écarté, sans que puisse être retenue la circonstance que la décision en litige est fondée sur le fait que la société requérante n'établissait pas disposer des clefs permettant à ses employés d'accéder aux installations sanitaires de la SNCF, cet élément n'étant, comme l'ont retenu les premiers juges, qu'une précision apportée par l'administration en réponse aux observations de la société requérante dans son courrier du 26 mars 2019.

14. En troisième lieu, pour les raisons indiquées au point 9 du présent arrêt la société Ferro-Tech n'est pas fondée à soutenir que la matérialité des faits qui fondent les amendes en litige est inexacte. Ce moyen doit être écarté.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2018 : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges. ". La SARL Ferro-Tech soutient que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est n'a pas tenu compte de sa bonne foi pour déterminer le montant des amendes en litige, alors qu'à la suite du contrôle, elle a souhaité améliorer les conditions de travail de ses salariés notamment en investissant dans l'achat de dix " bases vies mobiles " pour un montant de 86 200 euros et qu'elle a procédé à la location de plusieurs roulottes comportant des toilettes le temps que sa commande de bases vies mobiles lui soit livrée. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la date du contrôle des 30 et 31 juillet 2018, la société requérante encourait une amende d'un montant pouvant s'élever à 2 000 euros par salarié et par manquement et que la directrice régionale ne lui a infligé qu'une amende de 200 euros par salarié et par manquement, soit un montant très inférieur par rapport au montant de l'amende susceptible d'être encourue. Dans ces conditions, la SARL Ferro-Tech n'est pas fondée à soutenir que la directrice régionale n'a pas tenu compte de sa bonne foi pour prendre la décision attaquée du 23 mai 2019.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a partiellement annulé la décision du 23 mai 2019 en tant qu'elle a infligé à la société Ferro-Tech une amende d'un montant de 2 800 euros pour non-respect de ses obligations en matière de mise à disposition à ses salariés de cabinets d'aisance.

Sur l'appel incident présenté par la société Ferro-Tech :

17. Aux termes de l'article R. 4228-2 du code du travail : " Les vestiaires collectifs et les lavabos sont installés dans un local spécial de surface convenable, isolé des locaux de travail et de stockage et placé à proximité du passage des travailleurs. / Lorsque les vestiaires et les lavabos sont installés dans des locaux séparés, la communication entre ceux-ci doit pouvoir s'effectuer sans traverser les locaux de travail ou de stockage et sans passer par l'extérieur. /Pour les travailleurs qui ne sont pas obligés de porter des vêtements de travail spécifiques ou des équipements de protection individuelle, l'employeur peut mettre à leur disposition, en lieu et place de vestiaires collectifs, un meuble de rangement sécurisé, dédié à leurs effets personnels, placé à proximité de leur poste de travail. ". Aux termes de l'article R. 4228-7 du même code : " Les lavabos sont à eau potable. L'eau est à température réglable et est distribuée à raison d'un lavabo pour dix travailleurs au plus. Des moyens de nettoyage et de séchage ou d'essuyage appropriés sont mis à la disposition des travailleurs. Ils sont entretenus ou changés chaque fois que cela est nécessaire. ".

18. Il est constant que le chantier sur lequel les salariés de la SARL Ferro-Tech intervenaient était situé à un kilomètre de la gare de Frouard et à plusieurs kilomètres de la base de travaux de Champigneulles, ce qui contraignait les salariés, compte-tenu de l'absence de lavabos et de vestiaires collectifs à proximité de leur passage, d'emprunter des camionnettes pour se rendre aux installations mises à leur disposition dans ces sites de la SNCF. Dans ces conditions, la SARL Ferro-Tech ne peut être regardée comme ayant mis à disposition des salariés des lavabos et des vestiaires à proximité du passage des travailleurs, conformément aux dispositions des articles R. 4228-2 et R. 4228-7 du code du travail. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Grand Est lui a infligé deux amendes d'un montant de 1 400 et 2 800 euros pour les manquements aux obligations mises à sa charge par les dispositions des articles R. 4228-2 et R. 4228-7 du code du travail.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Ferro-Tech demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1902194 du tribunal administratif de Nancy du 9 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge de l'amende infligée à la SARL Ferro-Tech pour un montant de 2 800 euros relative aux cabinets d'aisance et la demande présentée sur ce point par la société Ferro-Tech est rejetée.

Article 2 : L'amende mise à la charge de la SARL Ferro-Tech est rétablie à la somme totale de 7 000 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ensemble des conclusions présentées en appel par la SARL Ferro-Tech est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail et de l'emploi et à la SARL Ferro-Tech.

Délibéré après l'audience publique du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC00274 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00274
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ACD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22nc00274 ?
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