Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.
Par un jugement n° 2305760 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté du 7 juillet 2023, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
I. Sous le n° 23NC03374, par une requête enregistrée le 17 novembre 2023, la préfète du Bas-Rhin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 octobre 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les premiers juges ont procédé à un examen superficiel, ont commis plusieurs erreurs de fait confinant à la dénaturation ainsi qu'une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de séjour a été prise par une autorité compétente ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu selon une procédure conforme aux dispositions des articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a rédigé son rapport n'ayant pas siégé au sein du collège des médecins, ces deniers ayant été par ailleurs régulièrement désignés ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'est pas fondé ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;
- le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. A... n'est pas fondé ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- en l'absence d'illégalité de la décision de refus de séjour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité n'est pas fondé ;
- le droit de M. A... d'être entendu préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement n'a pas été méconnu ;
- les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. A... ne sont pas fondés ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- en l'absence d'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions n'est pas fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er mars 2024, 18 mars 2024 et 5 juillet 2024, M. D... A..., représenté par Me Airiau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas commis une erreur de droit pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la préfète du Bas-Rhin a rendu sa décision au vu d'un avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il n'est pas établi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a rendu un rapport n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il n'est pas établi que le médecin rapporteur a été régulièrement désigné par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il n'est pas établi que les signataires de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont été régulièrement désignés ;
- elle méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision au regard de son état de santé ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
- le préfète a commis une erreur de fait en prenant pas compte la naissance de son troisième enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu, garanti comme principe général du droit par le droit de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision de délai de départ volontaire :
- elle méconnaît le droit d'être entendu, garanti comme principe général du droit par le droit de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît le droit d'être entendu, garanti comme principe général du droit par le droit de l'Union européenne.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2024.
Des pièces complémentaires, demandées auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont été produites le 20 mars 2024.
Ces pièces ont été communiquées à la préfète du Bas-Rhin et à M. A....
II. Sous le n° 23NC03375, par une requête enregistrée le 17 novembre 2023, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 18 octobre 2023.
Elle soutient que les moyens de sa requête au principal paraissent sérieux en l'état de l'instruction.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 juillet 2024, M. A..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel la préfète du Bin-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991
Il fait valoir les mêmes moyens que ceux présentés dans l'instance n° 23NC03374.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux anciens articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant algérien, qui a déclaré être entré en France le 15 mars 2020, a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 7 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, la préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 18 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 7 juillet 2023 et demande le sursis à exécution de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention 'vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. En vertu des dispositions des articles R. 425-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 7° de l'accord franco-algérien, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
5. Dans son avis du 10 novembre 2022, versé au dossier, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'il pouvait, eu égard à son état de santé, voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a levé le secret médical, souffre de la maladie de Behçet, diagnostiquée en Algérie en 2017, compliquée d'une ostéoporose cortico-induite et d'une cécité de l'œil gauche. Selon en particulier le certificat médical du 17 mai 2022 du Dr B... du service de rhumatologie de l'hôpital de Hautepierre, non sérieusement remis en cause par les pièces médicales versées au dossier, la maladie de Behçet de M. A... est en rémission. Si M. A... se prévaut d'une aggravation de son état de santé qui a conduit à son hospitalisation du 30 septembre au 5 octobre 2022 en raison de douleurs lombaires ainsi que de la nécessité d'un suivi médical, biologique et radiologique qu'il ne pourrait recevoir en Algérie, il ne ressort pas des pièces médicales versées au dossier et notamment du document de l'établissement public hospitalier de Kolea du 10 septembre 2023, d'ailleurs peu précis et non circonstancié, que M. A... ne pourrait effectivement bénéficier d'un suivi régulier en Algérie pour ses pathologies. Par suite, et alors que la préfète du Bas-Rhin justifie en particulier de la disponibilité pharmacologique du traitement de M. A... par immunosuppresseurs, c'est sans faire une inexacte application des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 que la préfète du Bas-Rhin a rejeté la demande de séjour de M. A... en qualité d'étranger malade.
7. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision de refus de séjour en litige ainsi que par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
9. En premier lieu, la décision en litige a été signée par M. Mathieu Duhamel, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, qui bénéficiait par un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture le 28 octobre suivant, d'une délégation, à l'effet de signer les arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. C... pour signer la décision de refus de titre de séjour contestée doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet. Dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance d'un titre de séjour prévu à l'article R. 431-12 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa.
Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux anciens articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". L'article 4 du même arrêté dispose que : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur (...) ". Enfin, l'article 6 du même arrêté indique que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
11. Il ressort des pièces versées au dossier que la préfète du Bas-Rhin s'est prononcé sur la demande de certificat de résidence de M. A... en qualité d'étranger malade au regard de l'avis préalablement rendu le 10 novembre 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En outre, selon en particulier le bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins au préfet par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le rapport médical relatif à l'état de santé de M. A... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 4 octobre 2022, par un premier médecin, le docteur le Dr E..., et que, conformément à ce que prévoit l'article R. 425-13 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit, il n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis. Ensuite, alors qu'il n'est pas contesté que le Dr E... est inscrite à l'ordre des médecins et qu'elle appartient au service médical de l'Office, il ne ressort d'aucune disposition que ce médecin aurait dû être spécialement désignée pour établir le rapport prévu à l'article L. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, les membres du collège des médecins ayant rendu cet avis ont été désignés par une décision du 1er août 2022 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour siéger au sein de collège, qui a été régulièrement publiée sur le site Internet de l'Office ainsi qu'au bulletin officiel du ministère de l'intérieur.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. A... est entré en France, le 15 mars 2020, accompagné de sa conjointe, compatriote algérienne, et de leurs deux enfants mineurs nés en mars 2015 et février 2016, selon ses déclarations. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que la compagne de M. A... se trouve en situation irrégulière sur le territoire français à la date de la décision en litige et que si leurs deux enfants sont scolarisés, ils ont vocation à suivre leurs parents, ainsi d'ailleurs que leur troisième enfant, né le 6 janvier 2023, alors âgé de six mois à la date du refus de séjour. Par ailleurs, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, M. A... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que la décision contestée n'a pas indiqué la naissance de leur troisième enfant, le refus de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour en litige quant à la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
15. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. Il ressort des pièces des dossiers que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à la suite d'une demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A.... Alors qu'il ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, M. A... ne démontre pas qu'il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soient prises les décisions contestées et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à ces décisions. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu.
16. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 ci-dessus, et en l'absence d'autre élément invoqué par M. A..., les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste du préfet dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.
Sur la décision fixant un délai de départ volontaire :
17. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions doit être écarté.
19. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 7 juillet 2023, lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la demande de sursis à exécution :
21. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2305760 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 octobre 2023. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la préfète du Bas-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2305760 du 18 octobre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23NC03375 de la préfète du Bas-Rhin à fin de sursis à exécution du jugement du 18 octobre 2023.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Michel, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 23NC03374, 23NC03375