Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2208610 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Cissé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 22 novembre 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an prises à son encontre par le préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois ou, défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ;
- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née en 1981, est entrée en France le 21 décembre 2016, selon ses déclarations. Par un arrêté du 22 novembre 2022, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait propres à la situation personnelle de Mme A... sur lesquels le préfet s'est fondé pour refuser de lui délivrer un titre de séjour et est ainsi suffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
4. Mme A... soutient qu'elle réside en France depuis 2016 avec son époux, compatriote albanais, ainsi que leur deux enfants, scolarisés en France, et qu'elle bénéfice d'une bonne intégration en raison notamment de son travail, de sa participation à la vie associative et à ses actions de bénévolat. Cependant, son époux ne réside pas régulièrement sur le territoire français et a fait l'objet d'un arrêté préfectoral du 16 janvier 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. En outre, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine de Mme A... avec son époux et leurs deux enfants qui ont vocation à les suivre. Par ailleurs, si la requérante se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'aide-ménagère et d'un contrat de travail à durée déterminé en qualité d'aide à domicile, elle ne saurait de ce seul fait être regardée comme justifiant d'un motif exceptionnel d'admission au séjour. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de Mme A..., le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de la vie privée et familiale et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste du préfet dans l'appréciation de ses conséquences quant à la situation personnelle de la requérante.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, Mme A... n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'une obligation de quitter le territoire français qui trouve son fondement légal dans le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit pas faire l'objet d'une motivation distincte du refus de titre de séjour, lequel était en l'espèce suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... en prenant notamment en compte la situation de son époux.
11. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés et en l'absence d'autre élément invoqué par la requérante, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision quant à la situation personnelle de Mme A... doivent être écartés.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas établie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et, aux termes de l'article L. 612-8 de ce code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".
14. En premier lieu, il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
15. Il ressort des termes de la décision en litige que pour prononcer à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour en France d'une durée d'un an sur le fondement de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle a retenu que si l'intéressée ne représente pas une menace pour l'ordre public, elle ne justifie pas de la stabilité de sa vie privée et familiale en France, son époux faisant l'objet d'un arrêté de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français du 16 janvier 2020. La décision indique également que Mme A... ne démontre pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où la cellule familiale a vocation à se reconstituer et qu'elle a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutée. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas suffisamment motivé la décision d'interdiction de retour sur le territoire en français en litige.
16. Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, et quand bien même la présence en France de Mme A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, les moyens tirés de ce que le préfet de la Moselle aurait, au regard de sa situation personnelle, fait une inexacte application des dispositions précitées en décidant de lui interdire de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision quant à la situation personnelle de Mme A... doivent être écartés.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Cissé et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Michel, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC02897