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08/10/2024 | FRANCE | N°23NC03071

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 08 octobre 2024, 23NC03071


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2303375 du 16 août 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis M. B... à l'aide juridictionnelle proviso

ire, a rejeté le surplus de sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2303375 du 16 août 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 octobre 2023, M. B..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 août 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 février 2023 de la préfète du Bas-Rhin portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, entretemps, une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros hors taxes au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative combinées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur la décision portant refus de séjour :

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de cet article :

- il a obtenu des fonctions électives au sein de cette communauté et a assuré un rôle moteur vis-à-vis des autres compagnons ;

- la perspective d'intégration telle que prévue par cet article doit être appréciée de manière ouverte et pas seulement en terme d'embauche directe et immédiate comme l'a considéré la préfète dans la décision litigieuse qui a eu une lecture très restrictive de cet article ;

- s'il a produit une promesse d'embauche en tant qu'aide-maçon, sans lien avec sa formation commerciale ou son expérience professionnelle chez Emmaüs, c'était dans le but seulement de démontrer sa capacité à trouver un emploi immédiatement ;

- il parle couramment le français ;

- il est en couple depuis deux ans avec une ressortissante gabonaise qui a obtenu le statut de réfugié ;

- la décision attaquée est également entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est illégale en raison des mêmes moyens que ceux soulevés à l'appui du refus de titre de séjour ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision attaquée est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les observations de Me Bohner, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1977, est entré en France le 18 juin 2017, selon ses déclarations. Il a présenté une demande tendant à son admission au séjour au titre de l'asile, qui a été rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 13 février 2018, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 avril 2019. M. B... a présenté une demande de titre de séjour en se fondant notamment sur les dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 6 février 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement n°2303375 du 16 août 2023 en tant que celui-ci n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 6 février 2023.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 février 2023 :

2. Aux termes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les organismes assurant l'accueil ainsi que l'hébergement ou le logement de personnes en difficultés et qui ne relèvent pas de l'article L. 312-1 peuvent faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Si elles se soumettent aux règles de vie communautaire qui définissent un cadre d'accueil comprenant la participation à un travail destiné à leur insertion sociale, elles ont un statut qui est exclusif de tout lien de subordination. Les organismes visés au premier alinéa garantissent aux personnes accueillies : 1°un hébergement ou un logement décent ; 2°un soutien personnel et un accompagnement social adapté à leurs besoins ; 3°un soutien financier leur assurant des conditions de vie dignes. Les organismes visés au premier alinéa sont agréés par l'Etat dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. L'agrément accordé au niveau national à un groupement auquel sont affiliés plusieurs organismes locaux vaut agrément de ces organismes. Une convention est conclue entre l'Etat et l'organisme national qui précise les modalités selon lesquelles le respect des droits des personnes accueillies est garanti au sein de ses organismes affiliés ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par un étranger sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger, dont la présence en France ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public, est accueilli dans un organisme de travail solidaire et justifie de trois années d'activité ininterrompue auprès d'un ou plusieurs organismes relevant de cette catégorie. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Pour refuser à M. B... le bénéfice des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur les circonstances que bien qu'il soit compagnon d'Emmaüs depuis le 27 mai 2019, il ne démontre pas de projet professionnel sérieux, ni de promesse d'embauche, ni l'existence d'une relation stable et sérieuse et ne présente pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... exerce depuis plus de trois ans une activité bénévole au sein de la communauté Emmaüs de Haguenau. Le requérant, titulaire d'un brevet de technicien supérieur option " communication d'entreprise " obtenu dans son pays d'origine, a occupé différents postes au sein de l'association Emmaüs depuis le 27 mai 2019 et le dernier poste occupé est celui de responsable de la vente au rayon bibelot. Le président de l'association, dans son attestation du 10 juillet 2022, relève ses qualités humaines et son sens du travail en équipe et rappelle la volonté du requérant de trouver un poste dans la vente de mobilier ou dans le secteur de la sécurité. Par suite, le caractère réel et sérieux de son activité au sein de l'association est démontré. Si le requérant n'a pas produit de promesse d'embauche lors de sa demande de titre de séjour, les dispositions de l'article L. 435-2 précitées ne subordonnent pas la délivrance d'un tel titre de séjour à la production d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. Par ailleurs, le requérant maîtrise la langue française et produit une attestation d'une ressortissante gabonaise, bénéficiaire de la protection subsidiaire, démontrant une relation depuis plus de deux ans. Dans ces conditions, le requérant, qui démontre ses perspectives d'intégration, est fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a entaché sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a donc lieu d'annuler la décision portant refus de titre de séjour et par voie de conséquence celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 6 février 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

8. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant également à travailler, sans qu'il soit besoin d'assortir ces injonctions d'une quelconque astreinte.

Sur les frais de l'instance :

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bohner, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Bohner de la somme de 1 000 euros HT.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2303375 du 16 août 2023 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté préfectoral du 6 février 2023 de la préfète du Bas-Rhin sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant également à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bohner, avocate de M. B..., la somme de 1 000 euros HT en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Bohner.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin .

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC03071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03071
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23nc03071 ?
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