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08/10/2024 | FRANCE | N°23NC02213

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 08 octobre 2024, 23NC02213


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2302075 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour

:



Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023, Mme F... A..., représentée par Me Airiau, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2302075 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2023, Mme F... A..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, et subsidiairement de l'admettre provisoirement au séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait concernant l'absence de justificatif de sa prise en charge par son fils ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a transmis à la préfecture l'ensemble des justificatifs de sa prise en charge par son fils ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une violation des dispositions de la directive 2004/38 du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 et des articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement E... européenne et de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle n'est pas motivée en fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme F... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité de fonctionnement E... européenne ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens E... et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... A..., ressortissante béninoise, née en 1950, est entrée en France régulièrement, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, en 2019. Après avoir bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé, elle a sollicité, le 22 février 2021, un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen E... européenne. Par un arrêté du 13 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Par un jugement du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de réexaminer la situation de l'intéressée. En exécution de cette injonction, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 10 mars 2023, a de nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme F... A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où elle serait légalement admissible. Elle fait appel du jugement du 7 juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouvel arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par Mme F... A... dans son mémoire en réplique contre la décision de refus de titre de séjour, et tiré de ce que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait dès lors que la préfète du Bas-Rhin a estimé, à tort, qu'elle n'avait produit aucun justificatif de sa prise en charge par son fils. Le jugement attaqué doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de cette seule décision.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour et par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions présentées devant le tribunal.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, par un arrêté du 21 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Bas-Rhin le 28 octobre 2022, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. D... à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception des trois séries de décisions parmi lesquelles ne figurent pas les décisions prise en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes. Par suite, Mme F... A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration qui ne sont pas applicables à sa demande. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de cette disposition est inopérant.

6. En troisième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que la préfète du Bas-Rhin, après avoir rappelé les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français de Mme F... A..., a mentionné que selon l'avis du collège de médecins de l'OFII, l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressée, mariée, a eu sept enfants, tous majeurs, dont deux résident au Gabon, un autre en Allemagne et trois autres en France et qu'ainsi elle n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-huit ans. Elle a ajouté que la requérante n'apportait à l'appui de sa demande aucun justificatif de sa prise en charge par son fils en France ou avant son entrée sur le territoire français, qu'il n'était pas démontré que sa fille ne pourrait pas l'assumer au Gabon et qu'elle n'avait pas produit de document délivré par l'autorité compétente de son pays d'origine attestant qu'elle était à la charge de son fils C... A.... Cet arrêté conclut enfin au vu de ces éléments qu'elle ne pouvait pas être admise au séjour en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant E... européenne en application des dispositions de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que la préfète du Bas-Rhin a indiqué le mariage de la requérante avec un compatriote, alors que celui-ci est décédé, n'est pas suffisante à démontrer que la préfète n'aurait pas examiné sa situation personnelle. Si la préfète du Bas-Rhin, qui n'était au demeurant pas tenue de solliciter d'autres pièces que celles exigées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé que l'intéressée n'avait pas fourni de justificatifs de sa situation de dépendance, notamment de l'autorité compétente de son pays d'origine, il ne saurait être déduit ni de cette appréciation, ni d'ailleurs de la similitude de rédaction avec le précédent arrêté annulé, un défaut d'examen sérieux de sa demande. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas examiné sérieusement sa demande de titre de séjour en qualité d'ascendant à charge d'un citoyen E... européenne doit être écarté.

7. En quatrième lieu, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens E... et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ayant été intégralement transposée dans l'ordre juridique français, Mme F... A... ne peut utilement invoquer directement ses dispositions pour contester la légalité de la décision en litige.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen E... européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / (...) ". Aux termes de l'article L. 233-1 du même code : " Les citoyens E... européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen E... européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...)". Aux termes de l'article L. 200-4 du même code : " Par membre de famille d'un citoyen E... européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / 1° Conjoint du citoyen E... européenne ; / (...) 4° Ascendant direct à charge du citoyen E... européenne ou de son conjoint ".

9. D'une part, il résulte des stipulations des articles 20 et 21 du traité sur le fonctionnement E... européenne et de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, telles qu'interprétées par la Cour de justice E... européenne, que les ascendants directs d'un travailleur citoyen E..., qui a exercé sa liberté de circulation en séjournant et en travaillant dans l'Etat membre d'accueil, bénéficient d'un droit de séjour dérivé de plus de trois mois, lorsqu'ils sont " à charge " de ce travailleur.

10. D'autre part, il résulte des dispositions précitées, interprétées à la lumière de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, que pour qu'un ascendant direct d'un citoyen E... européenne puisse être considéré comme étant " à charge " de celui-ci au sens de l'article 2, point 2, sous c), de cette directive, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie. Cette dépendance résulte d'une situation de fait, caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le ressortissant communautaire ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint. Afin de déterminer l'existence d'une telle dépendance, l'Etat membre d'accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, l'ascendant direct d'un citoyen E... européenne ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l'Etat d'origine ou de provenance d'un tel ascendant au moment où il demande à rejoindre ledit citoyen. La preuve de la nécessité d'un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du ressortissant communautaire ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l'existence d'une situation de dépendance réelle de celui-ci. Le fait en revanche, qu'un citoyen E... européenne procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à cet ascendant, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'Etat d'origine, est de nature à démontrer qu'une situation de dépendance réelle de cet ascendant par rapport audit citoyen existe.

11. Pour établir qu'elle remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen E... européenne, et en particulier sa prise en charge par son fils C... A..., ressortissant allemand, travaillant en France où il séjourne régulièrement depuis plus de dix ans, Mme F... A... a produit une attestation d'hébergement de ce dernier, ainsi que des attestations de ses enfants. Pour corroborer ces documents, Mme F... A... a également produit une attestation du Haut Conseil des Béninois de l'étranger du 8 août 2022, selon laquelle elle ne perçoit aucune pension ou allocation du Bénin et qu'elle était prise en charge par son fils lorsqu'elle résidait dans son pays d'origine et depuis son entrée en France. Toutefois, il résulte des dispositions précitées que pour bénéficier du droit de séjourner dans l'Etat membre E... européenne où un citoyen européen a exercé sa liberté de circulation et séjourne, l'ascendant, membre de sa famille, doit établir qu'il était à la charge effective de ce citoyen à la date à laquelle il l'a rejoint, et notamment lorsqu'il résidait encore dans son pays d'origine. Ainsi, la requérante ne peut utilement se prévaloir pour établir sa situation de dépendance vis-à-vis de son fils C..., qui a seul la qualité de citoyen E... ayant exercé sa liberté de circulation, des aides apportées par ses deux autres fils. Par ailleurs, les attestations de tierces personnes, établies pour les besoins de la cause, ne sont pas, à elles-seules, suffisantes pour démontrer que M. C... A... apportait une aide matérielle à sa mère lorsqu'elle était au Bénin. L'attestation du Haut conseil des Béninois de l'étranger n'est pas davantage suffisante, en l'absence d'autres éléments, pour démontrer la dépendance matérielle de la requérante à l'égard de son fils antérieurement à son entrée en France. La requérante ne produit aucun élément probant, tels que des virements durant une période conséquente destinés à subvenir à ses besoins, pour établir l'existence d'une situation de dépendance à l'égard de son fils qu'elle a rejoint en France. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin n'a entaché sa décision ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées.

12. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que les erreurs de fait alléguées commises par la préfète quant à la réalité des justificatifs produits pour établir la dépendance de la requérante en France et à son veuvage sont en tout état de cause sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour qui aurait pu être motivé sur le seul défaut de justificatif attestant de sa prise en charge par son fils, citoyen E... européenne, alors qu'elle résidait encore au Bénin.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... A... n'est présente en France que depuis 2019. Si deux de ses fils résident sur le territoire français, elle a vécu séparé d'eux durant plusieurs années et n'est, par ailleurs, pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où demeure sa fille. En outre, en dehors de membres de sa famille, la requérante n'établit pas avoir tissé des liens particuliers en France. Dans ces conditions, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme F... A....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ". Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait de la décision portant obligation de quitter le territoire français est inopérant et doit, par suite, être écarté.

17. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de l'intéressée doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 10 mars 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 10 mars 2023.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme F... A... en première instance tendant à l'annulation de la décision du 10 mars 2023 portant refus de titre de séjour et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie de l'arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Barteaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

N° 23NC02213 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02213
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;23nc02213 ?
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