Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301344 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, et subsidiairement de l'admettre provisoirement au séjour avec une autorisation de travailler, dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur de fait ;
- la décision en litige méconnait le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, née en 1995, est entrée en France régulièrement, sous couvert d'un visa de court séjour, en 2017. Elle a sollicité, par un courrier du 20 octobre 2022, son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressée fait appel du jugement du 22 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de la décision en litige que la préfète du Bas-Rhin a mentionné l'ensemble des considérations de fait relatives à la situation personnelle et familiale de Mme B... telles qu'elles ressortaient des éléments en sa possession. Si la préfète a indiqué que la requérante a vécu en Algérie jusqu'à son entrée récente en France au mois d'avril 2017, une telle appréciation ne révèle pas un défaut d'examen particulier de sa situation. Il en est de même de la prise en compte des attaches dont l'intéressée disposait en Allemagne, même si elle fait valoir qu'elles ne sont pas intenses au regard de celles qu'elle possède sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
3. En deuxième lieu, si la décision contestée mentionne à tort que Mme B... n'était pas isolée dans son pays d'origine où résidaient encore ses parents alors qu'elle avait précisé dans sa demande de titre de séjour avoir rompu tout lien avec la famille l'ayant prise en charge en raison de la désapprobation de son mariage, il ressort également des motifs de cette décision que la préfète du Bas-Rhin a pris en considération l'âge auquel l'intéressée a quitté l'Algérie ainsi que les liens familiaux qu'elle a en Allemagne pour les comparer à ceux qu'elle a pu tisser en France pour en déduire qu'au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, un refus de séjour ne porterait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, en admettant même que la décision en litige comporte une erreur de fait, l'intéressée ne justifiant pas de la réalité de la rupture de liens avec sa famille en Algérie, il résulte de l'instruction que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas pris une décision différente si elle s'était uniquement fondée sur l'absence de liens intenses en France.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme B... est présente sur le territoire français depuis 2017 et apporte la preuve de ses efforts d'intégration par l'approfondissement de l'apprentissage du français et son implication dans le milieu associatif. Toutefois, la production de quelques attestations, rédigées en des termes convenus et peu circonstanciés, ne suffit pas à établir qu'elle a tissé sur le territoire français des liens d'une intensité particulière. Les circonstances dont elle fait état, tenant notamment au cursus franco-allemand suivi par sa fille aînée et à l'absence de maîtrise par cette dernière de l'algérien, ne sont pas de nature à s'opposer à la reconstitution de sa cellule familiale en Algérie, où sa fille, née en 2017, pourra, eu égard à son jeune âge à la date de la décision en litige, poursuivre sa scolarité. La requérante ne peut utilement se prévaloir de la situation de sa seconde fille née postérieurement à la décision en litige. Si elle allègue également être dépourvue d'attaches familiales en Algérie, en raison d'une dispute avec la famille qui l'a élevée, elle ne l'établit pas. Elle ne justifie pas, en outre, être démunie de liens privés dans ce pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Par suite, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, eu égard notamment aux conditions de son séjour sur le territoire français. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
6. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant et doit être écarté.
7. En cinquième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 5, l'admission au séjour de la requérante ne répond pas à des considérations humanitaires, ni ne se justifie au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait, en prenant la décision contestée, commis une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Il a été exposé au point 5 que la requérante n'établit aucune circonstance qui s'opposerait à ce que sa fille aînée reprenne sa scolarité en Algérie, compte tenu de son jeune âge et de son niveau de scolarité. Par ailleurs, elle ne peut utilement invoquer la situation de sa seconde fille née postérieurement à la décision d'éloignement contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait, en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle, doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il s'ensuit que les conclusions de la requête à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie de l'arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. DupuyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 23NC01992 2