Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... F... a demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du 15 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2302734-2302735 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis Mme F... à l'aide juridictionnelle provisoire et renvoyé devant une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour ainsi que ses conclusions accessoires, a annulé les décisions du 15 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ainsi que l'arrêté du 18 avril 2023 portant assignation à résidence.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2023, la préfère du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a annulé la mesure d'éloignement au motif qu'elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme F... du fait d'une possible interruption du suivi médical dont elle faisait l'objet ;
- un rendez-vous médical, antérieur à l'obligation de quitter le territoire, susceptible de rompre le suivi médical de l'intéressée, n'est pas de nature à regarder la mesure d'éloignement comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme F... ;
- le jugement est entaché d'irrégularité car la magistrate a ajouté une condition qui n'est pas prévue par la loi pour obtenir un titre de séjour tenant à l'existence d'une rupture des soins ;
- les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen de la situation de l'intéressée, de l'irrégularité de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration , de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour, de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la violation de la l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'incompétence de l'auteur de l'assignation à résidence, de la méconnaissance du contradictoire, de l'erreur de droit à avoir prononcé une assignation avant l'expiration du délai de départ volontaire et du défaut de base légale ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, Mme F..., représentée par Me Berry, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation des décisions du 15 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi qu'à celle de la décision portant assignation à résidence du 18 avril 2023 ;
3°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que la magistrate a tenu compte de son rendez-vous médical essentiel du 30 mai 2023 qui ne pouvait être fixé dans son pays d'origine : la rupture des soins est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le moyen soulevé par la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondé ;
- en tout état de cause, le jugement sera confirmé au regard des moyens développés en première instance :
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, laquelle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle ne pourra pas effectivement bénéficier d'un suivi régulier et spécialisé en Géorgie ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
sur la décision portant assignation à résidence :
- elle est irrégulière en ce qu'elle n'a pas tenu compte de ses observations, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le délai de départ volontaire n'était pas expiré.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., épouse E..., ressortissante géorgienne, née le 23 février 1975, déclare être entrée en France le 9 décembre 2019. Elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour compte tenu de son état de santé , valable du 15 mars 2021 au 14 mars 2022, dont elle a demandé le renouvellement le 22 avril 2022. Par une décision du 15 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 18 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence. Par un jugement n° 2302734, 2302735 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour devant une formation collégiale et a annulé la décision du 15 mars 2023 en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 18 avril 2023 portant assignation à résidence. Par un jugement n° 2302734 du 26 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de la requérante dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour et ses conclusions accessoires. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 2 mai 2023 qui a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination du 15 mars 2023 ainsi que celle portant assignation à résidence du 18 avril 2023.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme F..., qui a levé le secret médical, souffre d'un lymphome de la zone marginale et de douleurs articulaires. Par ailleurs, par un avis du 26 juillet 2022, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de Mme F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à savoir la Géorgie et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.
3. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, la magistrate désignée a estimé, après avoir relevé que Mme F... établissait, par une convocation médicale antérieure à la décision contestée, avoir un rendez-vous au service de médecine nucléaire de l'institut de cancérologie Strasbourg Europe le 30 mai 2023 afin de réaliser des examens en lien avec son lymphome, que la décision litigieuse avait pour effet d'entraîner une rupture dans son suivi médical, le temps qu'elle puisse à nouveau être suivie dans son pays d'origine, rupture dont les conséquences étaient susceptibles de revêtir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité de sorte que la mesure d'éloignement était entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
4. Toutefois, si l'exécution de la mesure d'éloignement est susceptible de rompre le suivi médical dont bénéficie Mme F... en France, cette seule circonstance n'est pas suffisante à établir que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée alors qu'elle n'a produit, en dehors de cette seule convocation à un examen médical, qui s'inscrit dans un processus de contrôle régulier de sa pathologie, aucun élément de nature à démontrer que l'absence de réalisation de celui-ci aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au demeurant et comme le fait valoir la préfète du Bas-Rhin, l'étranger malade a toujours la possibilité de solliciter l'Office français de l'immigration et de l'intégration afin de bénéficier le cas échéant d'un vol médicalisé dans le cadre d'une aide au retour volontaire, et ce, afin d'être de nouveau pris en charge médicalement sans discontinuité dans son pays d'origine.
5. Dès lors, la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondée sur ce moyen pour annuler la décision du 15 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence, celles du même jour fixant le délai de départ volontaire, le pays de destination et celle du 18 avril 2023 portant assignation à résidence.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions du 15 mars 2023 :
7. Par un arrêté du 4 octobre 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Bas-Rhin du 7 octobre 2022, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. C..., chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions attaquées. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
S'agissant du moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :
8. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
9. En deuxième lieu, la décision attaquée fait état de la date d'entrée sur le territoire français de Mme F..., de sa durée de séjour sur le territoire, de son état de santé, de sa situation familiale et personnelle. Si elle ne mentionne pas que son époux a sollicité un titre de séjour, elle précise que celui-ci ne bénéficie plus d'un droit au séjour. Il ressort ainsi des termes de la décision contestée que la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...)". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...)". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ".
11. La préfète du Bas-Rhin, qui a produit l'avis du 26 juillet 2022 par lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a examiné l'état de santé de Mme F..., justifie de l'existence de cet avis. Par ailleurs, il résulte tant des mentions figurant sur cet avis, que de celles de son bordereau de transmission à la préfecture, que le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un médecin rapporteur qui n'a pas siégé au sein du collège ayant rendu cet avis. En outre, il ressort des pièces du dossier que les médecins composant ce collège ont été désignés par une décision du directeur général de l'OFII du 23 juin 2022, régulièrement publiée sur le site internet de cet office. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de procédure doit être écarté en toutes ses branches.
12. En quatrième lieu aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
13. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
14. A cet égard, d'une part, la " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) se borne à recenser, le cas échéant avec leur adresse, les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. D'autre part, il ne ressort d'aucune obligation légale ou réglementaire ni que le collège des médecins de l'OFII doive regrouper dans un document l'ensemble des recherches effectuées sur chacun des cas qui lui est soumis pour avis, ni que l'administration soit tenue d'élaborer un tel document en vue de sa communication.
15. Ainsi qu'il a été précisé au point 2 du présent arrêt, par un avis du 26 juillet 2022, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à savoir la Géorgie.
16. Si l'intéressée conteste cet avis en faisant valoir que les seules ressources documentaires auxquelles renvoie le site internet de l'OFII ne permettent pas de justifier que la Géorgie dispose des structures et équipements nécessaires pour assurer son suivi médical, il résulte de ce qui a été exposé au point 14que ni le collège de médecins, ni l'autorité préfectorale ne sont tenus de mentionner l'ensemble des documents utilisés alors que, par ailleurs, la conviction du juge se détermine, conformément à ce qui a été indiqué au point 13, en tenant compte de la présomption de l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour, et des échanges contradictoires, complétés le cas échéant, par les mesures d'instruction que le juge estimerait utile.
17. En l'espèce, les certificats médicaux du 29 mars 2023 produits par la requérante, établis pour l'un d'eux par un médecin généraliste et pour l'autre par l'institut de cancérologie Strasbourg Europe (ICANS), qui se bornent à préciser que l'affection de longue durée oncologique, dont Mme F... souffre, nécessite une surveillance à vie, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, sur lequel s'est fondée la préfète du Bas-Rhin pour apprécier l'accessibilité de l'intéressée à un traitement et à un suivi adapté à son état de santé en Géorgie. Il en va de même de la convocation du 2 mars 2023 pour la réalisation, le 30 mai 2023, d'un PET-scan, et des attestations d'hospitalisation d'une journée qui confirment seulement le suivi dont la requérante fait l'objet. Si la requérante se prévaut d'un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 juin 2020 relatif à l'accès aux soins en Géorgie, d'un rapport de la clinique du droit de Sciences Po de 2022, et d'un rapport de " The global health observatory ", qui relèvent de manière globale les insuffisances du système de santé en Géorgie et de la couverture maladie, ils sont néanmoins insuffisamment précis sur le défaut de disponibilité d'un traitement et d'un suivi adaptés à la pathologie de la requérante pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par ailleurs, il ressort de ces documents, et notamment d'un article du 15 juillet 2021, qu'il existe une couverture maladie en Géorgie, même si elle n'est pas toujours intégrale. Ainsi, la requérante, qui n'apporte aucun élément sur sa situation financière, n'établit pas qu'elle ne pourrait pas accéder à un suivi médical effectif dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de solliciter des documents supplémentaires de l'OFII, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
18. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
19. Mme F... fait valoir qu'elle réside depuis trois années en France, avec son époux, et qu'elle a suivi des cours de français. Il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que son mari bénéficierait d'un droit au séjour sur le territoire français. La requérante, en se bornant à évoquer son suivi médical en France, ne se prévaut par ailleurs pas de liens personnels et familiaux d'une particulière intensité sur le territoire français. Elle n'établit pas davantage être dépourvue de liens dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans et où demeurent encore ses deux fils et ses parents. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de séjour, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
S'agissant des autres moyens à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 19, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme F... doit être écarté.
22. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ( ...) ".
23. Compte tenu de ce qui a été dit au point 17, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas fondé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
24. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elle n'est, dès lors, pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
25. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
26. Mme F... soutient qu'elle ne pourra pas disposer d'un traitement effectif en Géorgie et que son espérance de vie est donc réduite. Toutefois, eu égard à ce qui précède, il n'est pas établi que Mme F... ne pourrait pas effectivement disposer d'un traitement adapté à sa pathologie dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.
27. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 17 et 19, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
28. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elle n'est, dès lors, pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.
29. En deuxième lieu, la décision attaquée a été signée Mme D... G..., adjointe au chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière, qui dispose d'une délégation de signature de la préfète du Bas-Rhin régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du même jour de la préfecture du Bas-Rhin du 6 avril 2023, à l'effet de signer une telle décision. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
30. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Et d'autre part, aux termes de l'article L. 730-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ".
31. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la préfète du Bas-Rhin du 15 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le samedi 18 mars 2023. Le délai de trente jours mentionné aux dispositions précitées de l'article L. 612-1, qui n'est pas un délai de procédure, n'est pas un délai franc. Dès lors, le délai de départ volontaire dont bénéficiait la requérante avait pris fin le 16 avril 2023 à minuit lorsque la préfète du Bas-Rhin a, par arrêté du 18 avril 2023, prononcé à son encontre l'assignation à résidence en litige. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a méconnu les dispositions précitées et que le délai de départ volontaire n'était pas expiré.
32. En dernier lieu, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi, prononçant une interdiction de séjour ou sur la décision d'assignation à résidence dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
33. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un courrier du 31 mars 2023 de la préfète du Bas-Rhin l'informant qu'elle envisageait de prendre une assignation à résidence à son encontre, Mme F... a présenté, par un courriel du 6 avril suivant rédigé par son conseil, ses observations. Il n'est aucunement établi, comme elle l'allègue, que la préfète, qui l'a visé dans l'arrêté en litige, n'en aurait pas pris connaissance. Par suite, le moyen tiré de la violation du droit à être entendu procédant du droit de l'Union européenne doit être écarté.
34. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions du 15 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ainsi que celle du 18 avril 2023 portant assignation à résidence.
35. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme F... aux fins d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 3, 4, 5 et 6 du jugement n° 2302734-2302735 du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme F... devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation des décisions du 15 mars 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination et celle du 18 avril 2023 portant assignation à résidence ainsi que les conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au ministre de l'intérieur et à Me Berry.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. B..., premeir conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC01569