La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2024 | FRANCE | N°20NC02734

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 08 octobre 2024, 20NC02734


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune de Salins-les-Bains à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la fermeture de la piscine baignade de l'ancien établissement thermal de la commune au 31 décembre 2016.



Par un jugement n° 1801569 du 17 juillet 2020, le tribunal adminis

tratif de Besançon a rejeté sa demande.







Procédure devant la cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune de Salins-les-Bains à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la fermeture de la piscine baignade de l'ancien établissement thermal de la commune au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1801569 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2020, la société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains, représentée par Me Barberousse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801569 du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de condamner la commune de Salins-les-Bains à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la fermeture de la piscine baignade de l'ancien établissement thermal de la commune au 31 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Salins-les-Bains la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en considérant qu'elle ne disposait d'aucun contrat en cours de validité l'autorisant à utiliser la piscine à la date du 31 décembre 2016 au motif que la commune de Salins-les-Bains en signant, à partir de 2002, une convention annuelle ayant le même objet avec la société Grand hôtel des bains, avait implicitement mais nécessairement entendu résilier unilatéralement de façon anticipée la convention signée avec la société civile immobilière ( SCI) du Complexe immobilier de l'hôtel des bains, les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- alors que par une convention, annexée au bail emphytéotique du 2 avril 1985 et modifiée le 19 janvier 1995, la commune de Salins-les-Bains s'est engagée à mettre à sa disposition la piscine baignade de l'ancien établissement thermal jouxtant le Grand hôtel des bains, la décision de fermer la piscine baignade des anciens thermes à compter du 31 décembre 2016 s'analyse comme une dénonciation anticipée du bail emphytéotique ;

- elle n'a jamais été informée de la dénonciation de cette convention au 31 décembre 2001 et elle ne peut pas, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, être regardée comme ayant nécessairement eu connaissance de cette résiliation anticipée ;

- la régularisation de la première convention annuelle d'utilisation de la piscine le 15 janvier 2003 entre la commune de Salins-les-Bains et la SAS Grand hôtel des bains n'a pu emporter, en application de l'article 1273 du code civil, novation du bail emphytéotique régularisé le 2 avril 1985, et donc disparition de l'obligation de mise à disposition de la piscine contractée par la commune :

- en fermant cette piscine au 31 décembre 2016, la commune de Salins-les-Bains a manqué à son obligation contractuelle de mettre à disposition la piscine baignade des anciens thermes et est tenue de l'indemniser des conséquences financières de cette inexécution fautive, qui ne saurait être justifiée par un motif d'intérêt général ;

- du fait des difficultés économiques rencontrées par l'exploitante, à savoir, la SAS Grand hôtel des bains depuis la fermeture de la piscine, elle est exposée à un risque de dénonciation du bail ou à tout le moins à une diminution du loyer et la valeur de son droit au bail est devenue purement symbolique ;

- la commune de Salins-les-Bains devra être condamnée à l'indemniser de cette moins-value à hauteur des pertes d'un montant de 100 000 euros enregistrées par sa locataire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2022, la commune de Salins-les-Bains, représentée par Me Suissa, société DSC Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la SCI Complexe immobilier de l'hôtel des bains soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains est irrecevable :

- la requérante, qui n'est pas partie à la convention d'utilisation de la piscine, n'a pas intérêt ni qualité à agir ;

- sa demande de première instance était tardive ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains ne sont pas fondés :

. la SCI a été informée de l'évolution de ses rapports contractuels avec la commune : la SAS Grand hôtel les bains et la SCI partagent les mêmes instances de direction et le même siège social et la délibération du conseil municipal du 15 janvier 2003 qui a entendu résilier la convention conclue avec la SCI, a été publiée ;

. la novation, telle que prévue dans l'article 1271 du code civil, ne s'applique que dans les rapports de droit privé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

. il ressort de la chronologie des faits, des conventions conclues et de la délibération du 15 janvier 2003 que la commune a entendu résilier la convention conclue avec la SCI en 1985, modifiée en 1995 ;

. la SCI n'a jamais contesté cette délibération du 15 janvier 2003, devenue définitive, par laquelle la commune a entendu expressément mettre un terme à la relation contractuelle qu'elle entretenait avec la SCI ;

- elle n'a commis aucune faute ;

- le préjudice allégué par la requérante n'est pas établi :

. l'attestation versée au débat se rapporte à l'activité de la SAS, non partie à l'instance, et non de la SCI requérante de sorte qu'elle ne justifie d'aucun préjudice direct et personnel ;

. les demandes préalables, comme la requête, font référence au préjudice consécutif à la fermeture de la piscine seulement ;

. aucun lien de causalité direct et certain n'est établi entre la fermeture de la piscine et la baisse de fréquentation de l'hôtel et du restaurant, laquelle avait débuté dès 2015, soit antérieurement à cette fermeture ;

. si par extraordinaire, la cour devait retenir la responsabilité de la commune, la cour devra réduire les prétentions de l'appelante dans de plus justes proportions compte tenu de la baisse d'activité que connaissait déjà cette dernière depuis 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Clément, représentant la commune de Salins-les-Bains.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 avril 1985, la commune de Salins-les-Bains et la société civile immobilière (SCI) du Complexe immobilier de l'hôtel des bains ont conclu un bail emphytéotique de 99 ans, donnant en location à cette dernière les bâtiments du Grand hôtel des bains afin qu'il y soit exercée une activité d'hôtellerie et de restauration. A ce bail était annexée une convention signée entre la commune et la société civile immobilière précitées, par laquelle l'établissement thermal de la ville de Salins-les-Bains donnait la jouissance de sa piscine-baignade jouxtant le Grand hôtel des bains à ce dernier de 13 h à minuit durant la période d'ouverture de l'établissement thermal. Cette convention prévoyait que, de même durée que le bail emphytéotique, elle serait révisée annuellement et de plein droit en cas de cession par la société civile immobilière du droit au bail. Cette convention d'utilisation de la piscine a été révisée le 19 janvier 1995. La nouvelle convention, valable jusqu'à l'expiration du bail emphytéotique, prévoyait que la SCI pourrait faire bénéficier les clients de l'hôtel de la piscine de 10 h à 12 h et de 13 h à 21 h 30. Le 22 juin 2000, la société financière C..., représentée par M. A... C..., a acquis l'intégralité des parts de la SCI. A compter du 1er avril 1985, la société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains a donné à bail commercial le Grand hôtel des bains à la société par actions simplifiée (SAS) Grand hôtel des bains, représentée par M. B... C..., pour une durée de neuf ans, renouvelée en dernier lieu le 1er avril 2012. Ce bail commercial ne porte pas sur l'utilisation de la piscine de l'établissement thermal jouxtant l'hôtel. A compter de 2002, la commune de Salins-les-Bains a conclu une convention annuelle d'utilisation de la piscine-baignade des thermes jouxtant l'hôtel avec la société Grand hôtel des bains, représentée par M. B... C.... Aux termes de cette convention, le Grand hôtel des bains pouvait utiliser la piscine de l'établissement thermal tous les jours de 10 h à 12 h et de 13 h à 21 h 30 et dès 8 h 30 en semaine en période de cure médicale, avec une restriction horaire les mercredis et samedis après-midi pour permettre l'utilisation de la piscine par une maison d'enfants spécialisée. La commune de Salins-les-Bains a décidé de transférer les thermes dans un nouvel établissement situé à l'entrée de la ville et de fermer la piscine des anciens thermes au 31 décembre 2016. Par un courrier du 6 avril 2017, le conseil de la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains a demandé à la commune de Salins-les-Bains de revenir sur sa décision de fermer la piscine-baignade de l'ancien établissement thermal et de remettre cette piscine à sa disposition dans le délai d'un mois. Par un courrier du 21 août 2017, le conseil de la société Grand hôtel des bains a demandé, devant les difficultés et délais d'une remise en eau thermale, que la piscine des anciens thermes soit réalimentée via le réseau de distribution d'eau potable et remise à sa disposition dans le délai d'un mois. En l'absence de réouverture de la piscine des anciens thermes et de sa remise à disposition des clients de l'hôtel, par un courrier en date du 18 mai 2018, le conseil de la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains, invoquant des difficultés financières induites par la baisse de la fréquentation du Grand hôtel des bains, a adressé à la commune de Salins-les-Bains une demande indemnitaire préalable aux fins d'obtenir réparation du préjudice commercial et financier qu'elle estime avoir subi à hauteur de 100 000 euros. Par un courrier du 11 juillet 2018, le maire de la commune de Salins-les-Bains a rejeté cette demande indemnitaire. La SCI immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune de Salins-les-Bains à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la fermeture de la piscine-baignade de l'ancien établissement thermal de la commune au 31 décembre 2016. La SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains relève appel du jugement n° 1801569 du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande au motif de son irrecevabilité.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement du tribunal administratif de Besançon a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains au motif que celle-ci, ne disposant plus de l'autorisation conventionnelle de l'utilisation de la piscine, n'avait pas intérêt à agir.

3. Toutefois, en première instance la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains invoquait la méconnaissance des stipulations particulières figurant dans le bail emphytéotique de 1985 relatives à la mise à disposition de la piscine. Cette méconnaissance est reprise en appel, la SCI se prévalant en particulier de la circonstance que la dénonciation de la convention annexe au bail emphytéotique, sans information de la part de la commune et en l'absence de novation du bail emphytéotique, n'a pas pu entraîner de substitution de la société Grand hôtel des bains à la SCI pour la jouissance de la piscine. Ainsi, tant en première instance qu'en appel, la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains a fait valoir sa qualité de co-contractante du bail emphytéotique et la méconnaissance des stipulations particulières de ce bail par la commune de Salins-les-Bains pour solliciter une indemnisation. Elle avait donc intérêt à agir.

4. Par suite, c'est à tort que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Salins-les-Bains et a ainsi rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement du 17 juillet 2020 est dès lors irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains en première instance.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Pour solliciter une indemnisation à hauteur de 100 000 euros, la requérante fait valoir que par la décision de fermer la piscine au 31 décembre 2016, la commune a méconnu les stipulations du bail emphytéotique qui prévoient, au nombre des conditions particulières, l'exploitation de la piscine et renvoient à une convention annexe. Toutefois la cessation de la mise à disposition de la piscine au bénéfice de la SCI ne résulte pas de la décision de la commune de fermer la piscine mais de la convention signée avec la société Grand hôtel des bains qui est devenue à compter du 1er janvier 2002 la seule bénéficiaire de la mise à disposition. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de la commune de fermer la piscine méconnaît les stipulations du bail emphytéotique relatives à cet équipement ou aurait entraîné sa résiliation.

7. Par ailleurs et en tout état de cause, le préjudice invoqué par la requérante est hypothétique et insuffisamment direct, la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains ne justifiant ni d'une baisse du montant des loyers perçus de la société Grand hôtel des bains en relation avec l'absence de piscine, ni d'un lien entre cette baisse de loyers et la baisse du chiffre d'affaires de la Société Grand hôtel des bains, à la supposer avérée, résultant de l'absence de piscine.

8. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande, la société civile immobilière du Complexe Immobilier de l'Hôtel des Bains n'est pas fondée à demander à être indemnisée des préjudices nés de la fermeture de la piscine au 31 décembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Salins-les-Bains qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du Complexe immobilier de l'hôtel des bains, une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Salins-les-Bains au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801569 du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande de la société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : La société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains versera à la commune de Salins-les-Bains une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière du Complexe immobilier de l'hôtel des bains et à la commune de Salins-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet du Jura ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy.

2

N° 20NC02734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02734
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;20nc02734 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award