Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant trente-six mois.
Par un jugement n° 2400316 du 12 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy, d'une part, a annulé l'arrêté du 19 janvier 2024, d'autre part, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de l'intéressé d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 3 juin 2024, sous le n° 24NC00564, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400316 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 12 février 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B....
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté du 19 janvier 2024 pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que, compte tenu des faits reprochés à M. B..., de ses condamnations pénales successives et de sa faible présence auprès de sa fille et de ses deux fils, la mesure d'éloignement contestée, qui est nécessaire à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale et à la protection des droits et libertés d'autrui, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni à l'intérêt supérieur des enfants ;
- les autres moyens invoqués par M. B... au soutien de sa demande de première instance ne sont pas davantage fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas défendu dans la présente instance.
II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 3 juin 2024, sous le n° 24NC00565, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement n° 2400316 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 12 février 2024.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués dans sa requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;
- c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté du 19 janvier 2024 pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que, compte tenu des faits reprochés à M. B..., de ses condamnations pénales successives et de sa faible présence auprès de sa fille et de ses deux fils, la mesure d'éloignement contestée, qui est nécessaire à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale et à la protection des droits et libertés d'autrui, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni à l'intérêt supérieur des enfants ;
- les autres moyens invoqués par M. B... au soutien de sa demande de première instance ne sont pas davantage fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas défendu dans la présente instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 24NC00564 et 24NC00565, présentées par la préfète du Bas-Rhin, sont dirigées contre un même jugement et concernent la situation d'un même étranger au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. A... B... est un ressortissant turc, né le 18 août 1983. A la suite de son mariage en Turquie avec une ressortissante française, il serait entré en France en 2009 et a été mis en possession de plusieurs titres de séjour, dont le dernier est arrivé à expiration le 31 mai 2023 et n'a pas fait l'objet d'une demande de renouvellement. Le 21 juillet 2023, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Strasbourg à une peine de six mois d'emprisonnement pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité en récidive. Alors qu'il était écroué à la maison d'arrêt de Strasbourg du 21 juillet 2023 au 1er février 2024, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 19 janvier 2024, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant trois ans. M. B... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement n° 2400316 du 12 février 2024, qui annule cet arrêté et lui enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois suivant sa notification.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. B... fait valoir qu'il est entré sur le territoire français en 2009 à la suite de son mariage en Turquie avec une ressortissante française, que trois enfants de nationalité française, nés à Strasbourg les 4 octobre 2008, 5 novembre 2011 et 17 septembre 2012, sont issus de cette union et que, depuis son arrivée en France, il y a résidé régulièrement sous couvert de plusieurs titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, l'intéressé n'a pas sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour et se maintient illégalement sur le territoire français depuis le 31 mai 2023. Il ne justifie pas avoir travaillé en France, comme il l'allègue, en qualité de maçon, et ne justifie pas d'une intégration dans la société française, alors qu'il résulte en particulier du jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 21 juillet 2023, ainsi que des procès-verbaux de ses auditions en garde à vue des 19 et 20 juillet 2023, qu'il ne maîtrise pas la langue française et a besoin de l'assistance d'un interprète malgré la durée alléguée de son séjour en France. L'intéressé n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. Nonobstant les attestations en sa faveur, établies le 8 février 2024, postérieurement à l'arrêté, par ses enfants et par son ex-épouse, qui a obtenu le divorce le 15 septembre 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui a quitté le domicile conjugal en 2019 pour aller vivre à Nantes pendant un an et qui n'a bénéficié d'aucune visite lors de son incarcération à la maison d'arrêt de Strasbourg du 21 juillet 2023 au 1er février 2024, entretiendrait des relations étroites et régulières avec sa fille et ses deux fils et contribuerait de façon effective à leur entretien et leur éducation. Dans un jugement du 17 janvier 2024, la chambre de la famille du tribunal judiciaire de Strasbourg lui a retiré l'exercice de l'autorité parentale et, dans l'intérêt des enfants, a restreint son droit de visite et d'hébergement, qu'il n'exerçait que très partiellement et à mauvais escient, à un simple droit de visite à la journée après un passage de bras dans un point rencontre. Enfin, il est constant que M. B... a été condamné, les 8 novembre 2019, 21 septembre 2021 et 21 juillet 2023, à des peines d'emprisonnement respectives de six mois, de deux mois et de six mois pour violences aggravées et menaces de mort à l'encontre de son ex-épouse, laquelle a été mise en possession d'un téléphone dit " de grand danger ". Au surplus, ne présentant pas de garanties pour éviter la réitération des faits et ne manifestant pas une réelle prise de conscience du trouble causé, ainsi qu'il ressort des termes du jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 21 juillet 2023, l'intéressé a, postérieurement à l'arrêté en litige du 19 janvier 2024, fait l'objet d'une nouvelle condamnation, le 31 mai 2024, à six mois d'emprisonnement, sans maintien en détention, pour rencontre d'une personne malgré interdiction judiciaire et envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques. Dans ces conditions, eu égard notamment à la menace pour l'ordre public que représente le comportement de M. B... et aux conditions de son séjour en France, la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 19 janvier 2024.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... à l'encontre de cet arrêté dans sa demande de première instance.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :
6. En premier lieu, si M. B... fait valoir que l'arrêté en litige ne lui a pas été notifié dans une langue qu'il comprend, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité des décisions contestées. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé, pour la préfète et par délégation, par Mme C... D..., adjointe au chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière. Or, par un arrêté du 17 novembre 2023, régulièrement publié le même jour au recueil n° des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Bas-Rhin a consenti à Mme D... une délégation à l'effet de signer notamment les obligations de quitter le territoire français, les décisions portant refus d'accorder un délai de départ volontaire, celles fixant le pays de renvoi et les interdictions de retour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
8.En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 19 janvier 2024 énonce, dans ses visas et motifs, pour chacune des décisions qu'il comporte, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
10. En quatrième lieu, il ne résulte ni des motifs de l'arrêté en litige du 19 janvier 2024, ni d'aucune des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. B... avant de prendre à son encontre les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
12. D'une part, M. B... ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse exclusivement, ainsi qu'il résulte des dispositions en cause, aux institutions, organes et organismes de l'Union. Dès lors, ce moyen doit être écarté comme inopérant.
13. D'autre part, si M. B... se prévaut également des principes généraux du droit de l'Union européenne garantissant le droit d'être entendu, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier notifié le 16 janvier 2024 et rédigé en langues française et turque, la préfète du Bas-Rhin l'a informé de son intention de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quarante-huit heures. Par suite et alors qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien auprès des services de la préfecture, ni qu'il aurait été en mesure de fournir des éléments susceptibles d'aboutir à l'édiction d'une décision différente de celle contestée, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
14. En second lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
15. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
16. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
17. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, le comportement de M. B..., qui a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales pour violences aggravées et menaces de mort à l'encontre de son ex-épouse, constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin pouvait, pour ce seul motif, refuser de lui accorder le bénéfice d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant fixation du pays de destination :
18. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
19. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. Si M. B... fait valoir qu'il risque d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour en France d'une durée de trois ans :
21. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français.
22. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
23. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances humanitaires seraient susceptibles de faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur d'appréciation en raison de l'existence de telles circonstances. Compte tenu de l'absence d'intégration de l'intéressé et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France, la préfète n'a pas non plus commis d'erreur d'appréciation en fixant à trois ans la durée de cette interdiction. Par suite, ce moyen doit être écarté.
24. En troisième et dernier lieu, si M. B... se prévaut de la présence et de la scolarisation de ses trois enfants mineurs, il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille et de ses deux fils, ni entretenir des relations étroites et suivies avec eux. Dans ces conditions et alors que, ainsi qu'il a déjà été dit, la chambre de la famille du tribunal judiciaire de Strasbourg, dans un jugement du 17 janvier 2024, a décidé de lui retirer l'autorité parentale et de restreindre considérablement, dans l'intérêt des enfants, son droit de visite, les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 19 janvier 2024, lui a fait injonction de réexaminer la situation de M. B..., ainsi que de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de l'intéressé d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement :
26. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 2400316 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 12 février 2024, les conclusions de la préfète du Bas-Rhin tendant au sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 24NC00565 de la préfète du Bas-Rhin.
Article 2 : Le jugement n° 2400316 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 12 février 2024 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. B... en première instance est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 24NC00564, 24NC00565 2