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26/09/2024 | FRANCE | N°23NC03822

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 26 septembre 2024, 23NC03822


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier pour motif économique.



Par un jugement no 1801897 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Par un arrêt n°

20NC00696 du 7 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel présenté par M. A..., annulé c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier pour motif économique.

Par un jugement no 1801897 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20NC00696 du 7 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel présenté par M. A..., annulé ce jugement et cette décision et a mis à la charge de l'Etat et de la société Ardennaise Industrielle la somme de 1 000 euros chacun.

Par une décision n° 467389 du 28 décembre 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Ardennaise Industrielle, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 7 juillet 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Productions présentées avant le renvoi :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 17 mars 2020, 18 novembre 2021 et 28 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Medeau de la SCP Medeau Lardaux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 9 juillet 2018 ;

3°) de lui accorder une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation, tant en ce qui concerne la confusion entre la société SAI et la société EHPF que le périmètre des recherches de reclassement ;

- elle est entachée d'erreur de droit, l'autorité administrative n'étant pas liée par le jugement irrégulier du tribunal de commerce qui n'était pas compétent pour autoriser les licenciements ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors que le motif économique n'est pas réel, la société SAI étant une société fictive tandis que l'employeur réel poursuit son activité ;

- il appartenait à l'inspectrice du travail de vérifier la réalité de la suppression de son poste compte tenu de l'application des critères d'ordre des licenciements ;

- l'autorité administrative n'a pas vérifié l'existence et la teneur des recherches individualisées et personnalisées de reclassement ;

- l'obligation de reclassement a été méconnue, d'une part, en l'absence de recherche individualisée de reclassement et de preuve que des offres de reclassement lui ont été adressées, d'autre part, en l'absence de preuve que les courriers de recherche ont été adressés à toutes les sociétés du groupe et de ce que les recherches se sont prolongées jusqu'à la décision de l'administration ;

- le périmètre des recherches de reclassement interne aurait dû être étendu à la société EHPF ;

- les recherches de reclassement externe étaient insuffisantes ;

- les obligations de reclassement externe prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ont été méconnues, dès lors que la cellule de reclassement n'a pas été mise en place avant les licenciements ;

- l'employeur ne justifie pas avoir sollicité les commissions territoriales compétentes, conformément aux dispositions prévues dans le PSE pour le reclassement conventionnel.

Par des mémoires, enregistrés les 19 novembre 2020, 27 décembre 2021 et 27 janvier 2022, la société Ardennaise Industrielle, représentée par Me Bordier du cabinet Capstan LMS, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.

Productions présentées après le renvoi :

Par des mémoires, enregistrés les 1er février et 3 avril 2024, M. A..., représenté par Me Medeau de la SCP Medeau Lardaux, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Il développe les mêmes moyens et fait valoir les mêmes arguments que dans ses précédentes écritures et ajoute qu'il n'a pas reçu les mêmes propositions de reclassement interne et externe que les autres salariés appartenant à la même catégorie professionnelle que lui.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024, et deux mémoires enregistrés le 5 juillet 2024 et non communiqués, la société Ardennaise Industrielle, représentée par Me Bordier et Me Lafage du cabinet Capstan LMS, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,

- les observations de Me Lafage, avocat de la société Ardennaise Industrielle.

Considérant ce qui suit :

1. En procédure de redressement judiciaire depuis un jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 3 janvier 2018, la société Ardennaise Industrielle a fait l'objet d'un plan de cession partielle au profit de la société Delta Dore arrêté par un jugement du même tribunal du 16 mai 2018, par lequel était également autorisé le licenciement des cent cinquante-sept salariés non inclus dans le périmètre de la reprise. Par une décision du 30 mai 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est a homologué le document unilatéral relatif au projet de licenciement économique collectif de l'entreprise société Ardennaise Industrielle. Le 13 juin 2018, l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Compiègne pour représenter la société a sollicité l'autorisation de licencier dix-neuf salariés protégés sur les vingt-cinq que comptait l'entreprise. Par une décision du 9 juillet 2018, l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité départementale des Ardennes a autorisé le licenciement pour motif économique de M. A..., qui était protégé au titre de son mandat de représentant syndical au comité d'entreprise et de correspondant sécurité au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Par un jugement du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 7 juillet 2022, la cour administrative de Nancy a annulé la décision du 9 juillet 2018. Sur pourvoi introduit par la société Ardennaise Industrielle, le Conseil d'Etat a, par une décision du 28 décembre 2023, annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire devant la même cour.

Sur la légalité de la décision de l'inspectrice du travail :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Les dispositions de l'article R. 2421-5 du code du travail, dans leur version en vigueur à la date de la décision en litige, prévoient que : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ".

4. D'une part, il ressort de la décision en litige qu'elle mentionne, au titre des éléments relatifs à la situation de l'entreprise, le jugement du 3 janvier 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Ardennaise Industrielle ainsi que le jugement du 16 mai 2018 par lequel cette même juridiction a arrêté le plan de cession partielle de la société, a ordonné la reprise de vingt-quatre contrats de travail et autorisé le licenciement pour motif économique du personnel non inclus dans le périmètre de reprise et vise la décision d'homologation du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de la DIRECCTE du 30 mai 2018. L'inspectrice du travail indique que le motif économique est avéré. Contrairement à ce que le requérant soutient, l'autorité administrative n'avait pas à faire état du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne avait étendu la procédure de redressement judiciaire à la société Electrolux Home Products France (EHPF), dont l'exécution provisoire a été suspendue par une ordonnance de la présidente de la cour d'appel d'Amiens du 26 avril 2018, ni, en tout état de cause, compte tenu de sa date, de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 17 juillet 2018.

5. D'autre part, en ce qui concerne l'obligation de reclassement, la décision en litige, qui vise les recherches effectuées au sein du groupe Selni auquel appartient la société Ardennaise Industrielle, indique que celles-ci n'ont pas permis de proposer de possibilité de reclassement au salarié. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du motif économique du licenciement :

6. Dans le cas où la demande de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparaît que le contrôle de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s'il est établi qu'une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié.

7. En premier lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que, pour estimer que le motif économique était avéré, l'inspectrice du travail a tenu compte de ce que, par le jugement du 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Compiègne avait autorisé la suppression des cent cinquante-sept postes non repris par la société Delta Dore. L'autorité attachée à la chose jugée par le tribunal de commerce interdisait à l'autorité administrative de contrôler à nouveau l'existence du motif économique. Par ailleurs, et en tout état de cause, contrairement à ce que le requérant soutient, il n'appartenait à l'autorité administrative d'apprécier ni la régularité ni le bien-fondé de ce jugement. En outre, la circonstance que les salariés ne disposent pas de voie de recours pour contester ce jugement du tribunal de commerce est sans incidence sur le contrôle exercé par l'autorité administrative sur le motif économique du licenciement. Enfin, le requérant ne saurait ainsi utilement soutenir, pour contester la décision en litige, que le tribunal de commerce n'était pas compétent pour autoriser les licenciements, ni que les postes de la branche d'activité reprise par la société Delta Dore dans le cadre du plan de cession validé par ce même jugement n'avaient pas été valablement supprimés. Est également sans incidence la circonstance que la société SAI n'était pas encore liquidée et qu'elle demeurait en période d'observation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'inspectrice du travail dans son contrôle ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, M. A... soutient que la société EHPF est le véritable employeur des salariés de la société Ardennaise Industrielle. Toutefois, d'une part, il ne saurait utilement se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 17 juillet 2018, qui étendait la procédure de redressement judiciaire de la SAI à EHPF au motif que la première était fictive et la seconde la seule maître de l'affaire, dès lors que cet arrêt n'a été rendu que postérieurement à la décision en litige. Au demeurant, la Cour de cassation a, par un arrêt du 11 mars 2020, cassé et annulé cette décision d'extension de la procédure judiciaire à la société EHPF. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'exécution du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne avait déjà étendu la procédure de redressement à EHPF était suspendue lorsque l'inspectrice du travail a procédé au contrôle du motif économique avancé pour justifier les licenciements des salariés de la société Ardennaise Industrielle. Enfin, en se bornant à faire état des décisions du tribunal de commerce puis de la cour d'appel, le requérant ne fait état d'aucun élément permettant d'établir que la société EHPF, qui a certes créé la société Ardennaise Industrielle, serait le véritable employeur des salariés de celle-ci, laquelle appartient au demeurant à un autre groupe. Par suite, le moyen tiré de ce que la transparence de la société Ardennaise Industrielle faisait obstacle à ce que la cessation de son activité soit considérée comme totale et définitive doit être écarté.

S'agissant de la suppression du poste :

9. Il ressort de la décision en litige que le poste de travail occupé par M. A... ne lui permettait pas, compte tenu de l'application des critères d'ordre négociés par les partenaires sociaux, de figurer sur la liste des salariés transférés au sein de la SAS Delta Dore. Ainsi, l'inspectrice du travail a, contrairement à ce que le requérant soutient, vérifié que la suppression de son poste impliquait son licenciement. Par suite, le moyen tiré de l'absence de vérification que le poste du salarié était supprimé manque en fait et doit être écarté.

S'agissant du reclassement interne :

10. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / (...) / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

11. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé, jusqu'à sa décision, à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié sur des emplois disponibles sur le territoire national, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

12. En outre, lorsque l'employeur est tenu de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures destinées à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de s'assurer que la procédure de consultation des représentants du personnel a été respectée, que l'employeur a rempli ses obligations de reclassement et que les salariés protégés ont accès aux mesures prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires. Il ne lui appartient pas, en revanche, d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors que l'autorisation de licenciement ne fait pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction compétente.

13. Par ailleurs, pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de possibilités de reclassement mise en œuvre par une entreprise pour laquelle une procédure collective a été ouverte, il appartient, le cas échéant, au juge administratif de rechercher au préalable si, au vu des éléments communiqués par l'administrateur judiciaire, les difficultés économiques rencontrées par les sociétés du groupe ou, le cas échéant, les spécificités de leur activité, emportaient, à ce stade, l'absence de nouveau poste disponible pour les salariés concernés et faisaient ainsi obstacle à ce qu'il réitère auprès d'elles ses recherches de possibilités de reclassement avant l'intervention de la décision d'autorisation de licenciement.

14. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision de l'inspectrice du travail, qu'après avoir visé les recherches de reclassement interne réalisée au sein du groupe Selni auquel la société Ardennaise Industrielle appartient, il est fait état de ce que ces recherches ont permis de proposer au salarié trois postes sur le site de Veigne en Indre-et-Loire. Il ressort en effet du courrier du 31 mai 2018 produit par la société Ardennaise Industrielle que M. A... s'est vu proposer le poste d'opérateur régleur sur ligne d'assemblage robinets à sécurité et indiquer que, dans l'hypothèse où il disposerait d'autres qualifications que celles liées au poste qu'il occupait alors, il pouvait également postuler à l'emploi lié au poste d'opérateur régleur sur ligne d'assemblage robinets à sécurité et le poste de technicien maintenance / automaticien, disponibles dans la société Sourdillon, dont les caractéristiques étaient précisées. Ces trois postes sont les mêmes que ceux proposés à d'autres salariés relevant de la même catégorie professionnelle que lui. Par suite, le moyen tiré de ce que l'inspectrice du travail ne se serait pas assurée, dans le cadre du contrôle auquel il lui appartient de procéder, de la réalité des recherches de reclassement opérées par l'employeur n'est pas fondé.

15. En deuxième lieu, le requérant soutient ne pas avoir reçu le courrier susmentionné du 31 mai 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle avait remis en mains propres à M. A... le 5 juin 2018 un courrier le convoquant à un entretien préalable avant licenciement le 12 juin 2018 qui mentionnait la proposition de reclassement qui lui avait été faite afin d'éviter son licenciement et lui rappelait le délai de réflexion dont il disposait pour l'accepter. A supposer que l'intéressé n'ait pas déjà reçu ces offres, il ne s'est pas manifesté auprès de l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle pour s'enquérir du courrier les lui proposant. Il n'a d'ailleurs contesté ni lors de son entretien préalable ni lors de l'enquête contradictoire conduite par l'inspectrice du travail avoir reçu ces offres.

16. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle s'est adressé, par un courrier du 21 février 2018 envoyé en recommandé ainsi que par voie électronique, à la société Selni Investissement, à la société Selni Epierre, à la société Idema, à la société Selni Group, à la SCI d'Epierre, à la société nouvelle Sourdillon et à la société Selni, afin de connaître l'existence d'emplois disponibles correspondant à ceux occupés par les salariés qui ne pourraient pas être repris. Il y était précisé que ces emplois devaient être compatibles avec la qualification des salariés, équivalents moyennant une formation adaptée de courte durée, ou bien des emplois de catégorie inférieure, et le cas échéant de courte durée. Etaient annexés à ces différents courriers l'état des catégories professionnelles ainsi que la liste des informations individualisées concernant le personnel. Ces éléments joints permettent d'établir le caractère suffisamment ciblé des recherches de reclassement.

17. Par ailleurs, en ce qui concerne le périmètre des recherches de reclassement interne, si la société Ardennaise Industrielle a été créée par la société EHPF en novembre 2013, elle a été cédée à la société Selni Investissements le 1er novembre 2014 et appartenait depuis au seul groupe Selni. Ainsi qu'il ressort du plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans le document unilatéral homologué le 30 mai 2018, le périmètre des recherches de reclassement interne était par conséquent circonscrit aux autres sociétés du groupe Selni. Le requérant ne saurait ainsi utilement soutenir que les recherches de reclassement devaient s'étendre à la société EHPF ou au groupe Electrolux. Par ailleurs, ni le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 23 février 2018, au demeurant suspendu à la date de la décision en litige, ni l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 17 juillet 2018, au demeurant postérieur à cette décision, n'ont eu pour objet ou pour effet d'impliquer une modification du périmètre de ces recherches.

18. Enfin, il n'est pas contesté que seule la société Sourdillon a indiqué disposer de postes non pourvus à offrir au titre du reclassement interne, tandis que les sociétés Selni Group et Selni Investissement ont répondu, par des courriers annexés au document unilatéral du 30 avril 2018, ne pas en avoir. Si la société Ardennaise Industrielle ne produit pas les accusés de réception qui permettraient d'attester que les courriers de recherche sont bien parvenus aux autres sociétés du groupe Selni, il ressort du document unilatéral établi par cette dernière et homologué par la DIRECCTE qu'il a été justifié de ces recherches sérieuses de reclassement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la société Selni, dont l'établissement était situé à Nevers, avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire dès le 21 mars 2018, d'autre part que la société Idema a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire postérieurement, le 17 septembre 2018. Ces procédures collectives qui ont abouti au cours de la même année 2018 établissent la réalité des difficultés économiques rencontrées par les sociétés du groupe Selni et la raréfaction corollaire de potentiels postes de reclassement au sein du groupe. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que les sociétés Idema et Selni Epierre avaient pour domaines d'activité respectifs la recherche et développement et l'électronique, selon les mentions portées sur le document unilatéral, dont il n'est pas établi qu'ils permettraient la permutation de tout ou partie du personnel de la société Ardennaise Industrielle. Dans les conditions particulières de l'espèce, et alors même qu'il n'y a pas eu de réitération des recherches de reclassement, l'employeur de M. A... doit, à la date de la décision de l'inspectrice du travail, être regardé comme ayant procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement au sein des entreprises du groupe Selni auquel la société Ardennaise Industrielle appartenait.

19. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du périmètre des recherches de reclassement et de la situation des différentes sociétés appartenant au groupe Selni, M. A..., qui n'allègue pas que d'autres postes de reclassement auraient existé et a refusé les offres de reclassement qui lui avaient été faites, n'est pas fondé à soutenir que son employeur aurait méconnu son obligation de reclassement interne.

S'agissant du reclassement externe :

20. Au titre du contrôle qui lui incombe, l'inspecteur du travail doit uniquement vérifier si l'employeur a satisfait à son obligation procédurale en matière de recherche de reclassement externe, qu'elle soit légale, conventionnelle ou résulte, le cas échéant, du document unilatéral homologué ou de l'accord collectif validé par la DIRECCTE. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation substantielle de reclassement externe, et notamment le caractère suffisant des recherches accomplies à ce titre.

21. En premier lieu, il ressort des mentions de la décision en litige que, dans le cadre de son contrôle de la régularité de la procédure suivie par l'employeur, l'inspectrice du travail a vérifié que des recherches de reclassement externe avaient été réalisées et que la commission paritaire nationale et la commission régionale de l'emploi et de la formation professionnelle de l'UIMM avaient été saisies le 9 mai 2018. La société Ardennaise Industrielle produit d'ailleurs les courriers que son administrateur judiciaire a adressés aux commissions territoriales compétentes afin de les informer de la procédure de licenciement collectif en cours ainsi que la liste des entreprises situées notamment dans les Ardennes dont les activités sont connexes, qui ont été consultées afin de connaître les éventuels postes disponibles susceptibles d'être proposés aux salariés licenciés. Si le requérant soutient qu'il n'est pas justifié que ces courriers ont été réceptionnés, il ressort au contraire des pièces du dossier que la société Ardennaise Industrielle a reçu un certain nombre de propositions de postes dans des entreprises de la région. Elle en a d'ailleurs joint la liste en annexe au courrier du 31 mai 2018 relatif aux propositions de reclassement interne qu'elle lui a adressées, l'invitant à candidater dans la mesure où il disposerait des qualifications requises. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au motif de la méconnaissance des dispositions procédurales du document unilatéral doit être écarté.

22. En deuxième lieu, il n'est pas contesté qu'une cellule de reclassement a été mise en place par l'administrateur judiciaire, conformément à l'obligation procédurale inscrite au point 7 - 3 du document unilatéral homologué par la DIRECCTE le 30 mai 2018. La circonstance que cette cellule de reclassement ne serait pas intervenue avant les licenciements, ce qui ne méconnaît pas au demeurant les prescriptions de ce document unilatéral, est sans incidence sur le respect par l'employeur de la formalité lui incombant en vertu de ces dispositions. L'inspectrice du travail a pu s'en assurer sans en faire expressément mention dans la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit également être écarté.

23. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 20 du présent arrêt, il n'appartient pas à l'inspectrice du travail de contrôler le caractère suffisant de la recherche de reclassement externe. Par suite, le requérant ne saurait utilement soutenir que les recherches de reclassement externe étaient insuffisantes.

24. En dernier lieu, M. A... soutient avoir été discriminé par rapport à l'un de ses collègues, qui s'est vu proposer quatre postes de reclassement externe. Toutefois, le requérant, qui occupait un poste d'agent de fabrication, n'établit pas qu'il était dans la même situation que son collègue, qui était lui régleur. Leurs postes n'ont d'ailleurs pas été classés dans la même catégorie professionnelle dans le plan de sauvegarde de l'emploi, tandis qu'il n'est pas contesté que ce dernier pouvait prétendre à ces postes de reclassement externe après une courte formation préalable. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait, à raison de son mandat, été empêché d'accéder à des offres de reclassement externe.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 9 juillet 2018.

Sur les frais liés au litige :

26. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Ardennaise Industrielle, qui ne sont pas les parties perdantes, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

27. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par la société Ardennaise Industrielle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Ardennaise Industrielle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Ardennaise Industrielle et à la ministre du travail et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 23NC03822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03822
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SCP LEOSTIC MEDEAU LARDAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;23nc03822 ?
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