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26/09/2024 | FRANCE | N°23NC02303

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 26 septembre 2024, 23NC02303


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2023 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2300361 du 15 juin 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.



Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, le préfet de la Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement et de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2023 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2300361 du 15 juin 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, le préfet de la Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- au 31 janvier 2023, Mme A... n'avait pas encore enregistré sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puisqu'elle ne l'a fait que 2 mars 2023 ; elle ne pouvait donc se prévaloir d'un droit au maintien sur le territoire au sens du 1° de l'article 541 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il n'y avait pas lieu à retrait d'une demande d'asile en application du 2° de l'article L. 541 du même code ; à la date de l'arrêté l'intéressée pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en application du 1° et du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens de la demande ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juillet 2024 la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 2 août 2024 à 12 heures.

Un mémoire enregistré le 2 août 2024 à 14 heures 34, postérieurement à la clôture de l'instruction, non communiqué, a été présenté pour Mme A....

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle par décision du 12 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante monténégrine est entrée sur le territoire français le 13 novembre 2022 sous couvert de son passeport et a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de Moselle le 28 novembre 2022. Elle a été interpellée le 30 janvier 2023 et placée en garde à vue le même jourpour des faits de vol à l'étalage. Par un arrêté du 31 janvier 2023, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ". Aux termes de l'article L. 521-7 du même code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile ".

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est présentée aux services de la préfecture de la Moselle le 28 novembre 2022 afin de déposer une demande d'asile. Elle a été convoquée le 9 décembre suivant au guichet unique de la préfecture de Metz, date à laquelle une attestation de demande d'asile en procédure accélérée lui a été délivrée, valable jusqu'au 8 juin 2023. Si le préfet de la Moselle soutient que l'intéressée n'a complété auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) son dossier de demande d'asile que le 2 mars 2023, après l'expiration du délai de vingt-un jours qui lui avait été imparti pour le faire le 9 décembre 2022, et postérieurement à la mesure d'éloignement du 31 janvier 2023, il ressort des pièces du dossier que l'attestation de demande d'asile ne lui a jamais été retirée, sa demande étant finalement rejetée par l'OFPRA au mois d'avril 2023. Par suite, c'est à juste titre que le jugement attaqué a retenu que Mme A... pouvait encore se prévaloir du droit de se maintenir sur le territoire pour les besoins de sa demande d'asile lorsqu'elle a fait l'objet de l'arrêté attaqué.

5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de son passeport, que Mme A... est entrée au plus tôt le 28 novembre 2022 sous couvert de ce document dans le but de demander l'asile en France. Dès lors, en dépit de ce qu'elle ne disposait pas de son passeport lorsqu'elle a été placée en garde à vue le 30 janvier 2023, elle se trouvait depuis moins de trois mois en France après y être entrée régulièrement. Par suite, le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait obliger l'intéressée à quitter le territoire sur le fondement des 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 31 janvier 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Corsiglia et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC02303

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02303
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : CORSIGLIA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;23nc02303 ?
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