Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2202346 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler
4°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de retirer son signalement du système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais de première instance et de 1 800 euros au titre des frais exposés en appel.
Elle soutient que :
- le refus de séjour : est insuffisamment motivé ; ne repose pas sur un examen individuel de sa situation ; porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, viole la circulaire du 28 novembre 2012 ; repose sur une erreur de fait ; est entachée d'erreur de droit en ce que les dispositions de l'articler 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-1 du code du travail, qu'il lui a opposées, sont inapplicables dans le cadre d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour ; viole l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; est entachée d'erreur de droit en ce que l'autorité administrative s'est crue liée par le refus de séjour ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; est entachée d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 8 août 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle par décision du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante arménienne née en 1970, est entrée sur le territoire français le 30 juin 2015 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 juin 2016. Par un courrier du 3 septembre 2020, l'intéressée a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-1 de ce code. Par une décision du 7 octobre 2020, le préfet des Vosges a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement n° 2100104 le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Vosges de réexaminer la situation de l'intéressée. Par un arrêté du 1er juin 2022, le préfet des Vosges a rejeté la demande de titre de séjour et fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :
2. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet des Vosges s'est fondé afin de prendre à l'encontre de Mme A... les décisions litigieuses. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation ne peuvent qu'être écartés.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges se serait refusé à examiner la situation de l'intéressée avant de prendre les mesures litigieuses ou qu'il se serait cru à tort en situation de compétence liée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité du refus de séjour :
En ce qui concerne l'admission exceptionnelle au séjour :
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 421-3 de ce code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
5. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet des Vosges a examiné la demande de titre de séjour de Mme A... successivement au regard des dispositions des articles L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-2 du code du travail relatifs à la carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " puis des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'admission exceptionnelle au séjour. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet s'est fondé sur l'absence de visa long séjour et de contrat de travail pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " et sur sa situation personnelle pour refuser de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit en ce que le préfet aurait appliqué les dispositions des articles L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-2 du code du travail pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A... doit être écarté.
6. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que, d'une part, le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour " travailleur temporaire " après avoir examiné les promesses d'embauche en qualité d'aide de cuisine et d'aide-ménagère et cuisine et après avoir considéré que les promesses d'embauche, datant de 2017, 2019 et 2020, étaient trop anciennes. D'autre part, la décision attaquée mentionne que la circonstance que l'intéressée est titulaire de trois promesses d'embauche en contrats à durée déterminée, dont l'une n'est pas datée et les deux autres n'ont pas de durée précisée, ne constitue pas un motif exceptionnel d'admission au séjour. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'erreur de fait en ne tenant pas compte de ces promesses d'embauche.
7. Il appartient à l'autorité administrative, en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire". Par ailleurs, l'étranger ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., célibataire et sans charge de famille, est entrée irrégulièrement en France en 2015. Si elle produit de nombreuses attestations mentionnant ses activités bénévoles au sein de diverses associations, elle ne peut pas être regardée, par ces seuls documents, comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour. D'autre part, si Mme A... produit des promesses d'embauche datant de 2022 ainsi que trois bulletins de salaires faisant apparaitre de faibles rémunérations, ces seuls éléments, qui ne font ressortir aucune perspective sérieuse de travail à court terme ni d'intensité de liens personnels et familiaux en France, ne sont pas de nature à caractériser une situation justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressée, nonobstant sa durée de séjour en France.
En ce qui concerne la vie privée et familiale de la requérante :
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., hébergée de manière précaire, est célibataire, sans charge de famille en France et ne peut faire valoir aucune intégration particulière en dehors d'activités associatives ou de cours de français. Elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales à l'étranger. Dans ces conditions, le préfet des Vosges n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les normes citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
12. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".
13. Pour les mêmes motifs que ci-dessus, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. En se bornant à faire état de ce qu'elle est une femme isolée, la requérante n'établit pas être exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie ou en Russie en violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Enfin, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas assortis des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ils ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :
17. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
18. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet se serait fondé sur le caractère irrégulier du séjour de l'intéressée en France durant sa procédure d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
19. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 de ce code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
20. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que Mme A... a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français qu'elle n'a pas respectées. Ainsi, en dépit de ce qu'elle est présente en France depuis sept ans, qu'elle a suivi des activités bénévoles et de ce qu'elle ne constitue pas une menace à l'ordre public, le préfet des Vosges n'a pas inexactement appliqué les dispositions citées au point précédent en prenant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an.
21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Jeannot et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC02286
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