Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301694 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023, Mme C..., représentée par Me Olszakowski, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) de solliciter la communication par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de son entier dossier médical sur la base duquel le collège a rendu son avis ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.
Elle soutient que :
- alors qu'elle a levé le secret médical en première instance en produisant des certificats médicaux, le tribunal administratif n'a pas sollicité auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ( OFII ) la communication de son entier dossier médical au vu duquel le collège des médecins de l'OFII s'est prononcé ; dès lors, elle est fondée à solliciter de la cour cette communication ;
- son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont l'absence est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- alors qu'elle a besoin d'une double transplantation cardiaque et pulmonaire, son pays d'origine, la Géorgie, ne l'autorise pas ;
- l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle sera donc également annulée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 26 janvier 2024 et 27 février 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire en observations de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été enregistré au greffe de la cour le 31 mai 2024 mais n'a pas été communiqué.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les observations de Me Olszakowski, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante géorgienne, née le 19 décembre 1993, a déclaré être entrée en France le 16 décembre 2021, accompagnée de son époux, M. D... C... et de leur fils mineur, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 31 janvier 2023. La demande d'asile déposée par son époux a été également définitivement rejetée. Le 15 mars 2022, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 24 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 mai 2023 :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Par un avis du 3 janvier 2023, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à savoir la Géorgie.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui a levé le secret médical, souffre d'une sclérodermie systémique cutanée diffuse avec atteinte cutanée, cardiaque et pulmonaire et suit un traitement à base d'immunosuppresseurs.
6. Pour remettre en cause l'appréciation du préfet, qui s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins, la requérante produit divers documents et notamment deux certificats médicaux du 20 juillet 2023 et du 17 janvier 2024 d'un chef de clinique en immunologie des hôpitaux universitaires de Strasbourg précisant que son pronostic vital est engagé, que son état s'est aggravé au cours des derniers mois, que des traitements immunosuppresseurs ont été mis en place, qu'une inscription en urgence sur la liste des transplantations cardiaque et pulmonaire est " en cours " compte tenu d'une " d'hypothèse probable d'une transplantation dans les prochains mois ", qu'aucune prise en charge est possible dans le pays d'origine de Mme C... et que cette dernière présente des difficultés à " sortir de chez elle ". Si la requérante produit également différents documents, et notamment une lettre du ministère de la santé géorgien du 11 octobre 2023 précisant que la " transplantation du cœur cadavérique et des poumons cadavériques " n'est pas pratiquée en Géorgie, il ressort donc des termes de ces certificats qu'à la date de la décision litigieuse, la transplantation de la requérante, n'était toujours pas envisagée et qu'elle était toujours domiciliée chez elle et non hospitalisée. Enfin, si la requérante produit une lettre du 11 octobre 2023 de l'" Agence de régulation pour les activités médicales et pharmaceutiques " listant une série de médicaments non disponibles en Géorgie, dont le cellcept ( mycophénolate mofetil), il ressort de la fiche Medcoi produite en défense par la préfète qu'il est disponible en Géorgie, de même que les traitements cardiaques. Dans ces conditions, en l'état des pièces du dossier, ces seuls éléments ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII selon laquelle l'intéressée peut bénéficier des soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. Il résulte du point précédent qu'il n'est pas établi que la décision de refus de séjour serait illégale. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 mai 2023.
9. Les conclusions de la requête à fin d'injonction, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Guidi, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC03508