Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2304279 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et durant cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; sa tante, de nationalité française, lui apporte assistance au quotidien compte tenu de sa cécité ;
- la préfète a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; son état de santé a évolué très défavorablement depuis le 2 août 2022, date de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la date de la décision litigieuse ; son état de santé ne permet plus un retour dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
sur l'illégalité de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, est entré en France selon ses dires le
1er janvier 2021, muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Il a sollicité le 22 mars 2022, son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 17 mai 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination. Le requérant a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cet arrêté. M. B... relève appel du jugement du 10 octobre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg en tant que celui-ci qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 mai 2023 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. B... la délivrance du titre de séjour demandé en sa qualité d'étranger malade, la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation et a notamment mentionné l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le fait que le requérant soit célibataire et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. La seule circonstance que la décision litigieuse ne mentionne pas l'assistance quotidienne de sa tante compte tenu de sa cécité, n'est pas de nature à établir que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen attentif et particulier de la situation personnelle de l'intéressée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Par un avis du 2 août 2022, le collège de médecins du service médical de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à savoir le Maroc.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a levé le secret médical, souffre d'un diabète de type 1 compliqué de rétinopathie responsable de malvoyance.
7. Pour remettre en cause l'appréciation de la préfète du Bas-Rhin selon laquelle il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le requérant fait valoir que son état de santé s'est considérablement dégradé entre le 2 août 2022, date de l'avis du collège des médecins de l'office et le 17 mai 2023, date de la décision litigieuse prise par la préfète. Alors qu'il souffrait d'une rétinopathie diabétique, il soutient qu'il est désormais également atteint d'un décollement rétinien tractionnel total de l'œil droit qui ne lui permet plus d'avoir une prise en charge médicale adaptée dans son pays d'origine. Si le requérant produit de nombreux certificats médicaux attestant de sa pathologie, de la nécessité d'une surveillance et de l'aide d'une tierce personne, il n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à établir que cette évolution fasse obstacle à ce qu'il soit pris en charge dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors qu'aucune pièce du dossier ne démontre que le requérant ne serait pas en mesure de bénéficier d'un traitement effectif dans son pays d'origine, le requérant ayant au demeurant été opéré au Maroc en 2018 pour cette pathologie, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux précisés au point 7, le requérant, qui ne se prévaut à l'appui de ce moyen que de son état de santé, n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations.
10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. En l'espèce, le requérant soutient qu'il réside habituellement en France depuis le 1er janvier 2021. Toutefois, la durée du séjour est récente et il n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour. Par ailleurs, il n'est pas établi que le requérant serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident sa mère et une partie de sa fratrie selon les écritures non contestées de la préfète. En outre, il ne démontre pas avoir noué des liens stables et intenses en France en dehors de sa sphère familiale ni s'être intégré dans la société française. S'il est constant que sa tante chez qui il réside en France lui apporte une assistance quotidienne, il n'établit pas qu'une autre personne résidant au Maroc ne serait pas susceptible de lui donner une aide identique. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, la préfète, en prenant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel la décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, les moyens dirigés contre le refus de son admission au séjour ayant été écartés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut pas être accueilli.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) ; 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...). ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".
14. Le second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où elle fait notamment suite à un refus de délivrance d'un titre de séjour.
15. En l'espèce, le refus de titre de séjour opposé au requérant qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivé. Dès lors, et alors notamment que la décision litigieuse mentionne les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, qui constitue le fondement légal de la décision litigieuse, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision fixant un pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut pas être accueilli.
18. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 mai 2023 de la préfète du Bas-Rhin.
19. Les conclusions de la requête à fin d'injonction, sous astreinte, et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Airiau.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Guidi, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC03378