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17/09/2024 | FRANCE | N°23NC03094

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 17 septembre 2024, 23NC03094


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 27 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301762 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté préfectoral du 27 mars 2023, a enjoint au p

réfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. G... dans un délai de deux ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 27 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301762 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté préfectoral du 27 mars 2023, a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. G... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour et enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser au conseil du requérant.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistré les 16 octobre 2023 et 19 janvier 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 3 du jugement du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nancy.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal administratif est irrégulier car pour annuler son arrêté préfectoral, les premiers juges ont retenu le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. G... alors que ce moyen n'était pas soulevé ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en retenant ce moyen du défaut d'examen particulier de la situation de M. G... car la seule circonstance de ne pas avoir mentionné le courrier du 7 février 2023, dont la réception par ses services n'est au demeurant pas établie, et dans lequel M. G... mentionne les liens amicaux qu'il a développés grâce à ses activités bénévoles ne saurait révèler une carence dans l'examen de la situation personnelle et familiale de M. G... ;

- il convient de substituer les stipulations de l'article 6§7 de l'accord franco-algérien aux dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme base légale de la décision attaquée ;

- les moyens soulevés en première instance par M. G... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2023, M. G..., représenté par Me Jeannot, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 mars 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

3°) à ce qu'il soit enjoint, à titre principal, à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence algérien " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, et subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le même délai, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'avait pas examiné son droit au séjour sur le fondement de l'article 6 (5°) de l'accord franco-algérien :

. son courrier du 7 février 2023 démontre qu'il a présenté une demande de titre de séjour " vie privée et familiale " pour soins et également compte tenu de ses liens personnels importants en France ;

. le refus de séjour est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ; aucun article de l'accord franco-algérien n'est visé ;

- ce défaut de motivation révèle un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée de vices de procédure :

. en l'absence de publication de la " base de données bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) et faute pour le préfet d'avoir produit l'entier dossier de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il n'est pas possible de savoir sur la base de quels éléments le préfet a pu apprécier la disponibilité des soins de sorte que la décision est entachée d'un vice de procédure qui l'a privé d'une garantie ;

. il existe un doute en l'espèce quant à l'identification des médecins de l'OFII qui ont participé à l'élaboration de cet avis ; la signature électronique des médecins de l'OFII n'a pas été authentifiée ; la preuve n'est pas rapportée que les médecins de l'OFII ont été régulièrement désignés ; il appartient au défendeur de produire l'intégralité du dossier médical ayant servi de base à l'avis rendu dans ce dossier afin que la juridiction puisse contrôler la régularité de la procédure et notamment le rapport médical établi ; il est impératif de vérifier si toutes les pathologies et traitements ont bien été pris en compte ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors que les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à un ressortissant algérien ; les stipulations de l'article 6§7 de l'accord franco-algérien ne peuvent être substituées à ces dispositions ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis médical ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 6§7 de l'accord franco-algérien dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans qu'il puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; son traitement médical n'est pas disponible en Algérie ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de ces stipulations ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision doit être annulée par voie de conséquence de la décision portant refus de séjour ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour prendre une décision d'éloignement et l'a prise de manière automatique ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision emporte des conséquences manifestement excessives au regard des buts poursuivis.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les observations de Me Jeannot, représentant M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant algérien, est entré sur le territoire français le 23 décembre 2016. Par un courrier du 25 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Il a alors bénéficié d'un titre de séjour d'une durée d'un an, valable du 11 janvier 2018 au 10 janvier 2019. Par un courrier du 26 décembre 2018, M. G... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 18 novembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Les demandes d'annulation formées par M. G... contre ces décisions ont été rejetées par un jugement du 18 mai 2021 du tribunal administratif de Nancy et un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 15 avril 2022. M. G... a saisi le préfet de Meurthe-et-Moselle d'une nouvelle demande de titre de séjour en raison de son état de santé qui a été implicitement rejetée le 28 juillet 2021. Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté du 27 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de M. G..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. La préfète de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 21 septembre 2023 en tant qu'il a annulé son arrêté préfectoral du 27 mars 2023 et a mis à sa charge la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Pour annuler l'arrêté préfectoral du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a retenu que les mentions de l'arrêté en litige ne permettaient pas d'établir que le préfet de Meurthe-et-Moselle avait procédé à l'examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. G... en s'abstenant de faire référence à son courrier du 7 février 2023 dans lequel il avait indiqué au préfet avoir développé de nombreux liens amicaux grâce à ses activités bénévoles.

3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet a été saisi par M. G... d'une demande de titre de séjour en sa qualité d'étranger malade. Si M. G... a, dans son courrier du 7 février 2023, après avoir longuement exposé son parcours médical, fait mention de ce qu'il est bien intégré dans la société française et qu'il est engagé à titre bénévole auprès de plusieurs associations, il ne ressort pas des termes de ce courrier que le requérant ait sollicité un titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, le préfet, après avoir mentionné dans l'arrêté préfectoral litigieux que M. G... s'était déclaré marié, que selon ses dires son épouse vivait toujours en Algérie et qu'il n'avait aucune charge familiale en France, a considéré que sa décision ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la seule circonstance de ne pas avoir mentionné dans l'arrêté préfectoral litigieux, les liens développés grâce à ses actions de bénévolat, ne saurait relever un défaut d'examen de la situation personnelle et familiale de M. G....

4. Dès lors, la préfète de Meurthe-et-Moselle est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur ce moyen pour annuler son arrêté préfectoral du 27 mars 2023.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 mars 2023 :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, pour rejeter la demande de titre de séjour déposée par M. G... en raison de son état de santé, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France sont régies de manière complète par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. Toutefois, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord, qui peuvent être substituées, comme le demande la préfète de Meurthe-et-Moselle, qui les invoque en défense, à celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, en premier lieu, que la situation de M. G... relève de leur champ d'application, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant notamment été consulté le 6 octobre 2022 et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

8. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle de M. G..., dont les éléments concernant sa santé et ceux relatifs à sa vie familiale. S'il vise à tort, s'agissant du refus de titre de séjour pour raisons médicales, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu, comme il vient d'être dit, de lui substituer les stipulations de l'accord franco-algérien. Dans ces conditions, la motivation de la décision litigieuse est suffisante.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions constituent des règles de procédure, et qui est donc applicable aux ressortissants de nationalité algérienne sollicitant la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) " Aux termes de son article 5 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Aux termes de son article 6 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de 1'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à 1'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à 1'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. "

10. D'une part, en vertu des dispositions précitées, le collège de médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège de médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, une information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. Par suite, le préfet ne pouvait en tout état de cause pas préciser dans sa décision les sources utilisées par le collège des médecins de l'OFII pour considérer que l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. De même, la circonstance que la " base de données bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) ne serait pas publiée dans son intégralité est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII est revêtu du nom et des signatures des trois médecins composant ce collège, le docteur B... E..., le docteur F... C... et le docteur H... D..., qui ont été régulièrement désignés par une décision du 3 octobre 2022 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. La circonstance que les signatures de ces médecins sont des fac-similés n'est pas de nature à remettre en cause leur authenticité ni l'identité des signataires. M. G... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, qui renvoient au I de l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives, dès lors que l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de ces dispositions, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du collège des médecins de l'OFII n'aurait pas été rendu dans des conditions régulières, en ses différentes branches, ne peut qu'être écarté.

12. En quatrième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet se serait estimé lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII pour refuser de délivrer un titre de séjour au requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de droit doit être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

14. En l'espèce, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 6 octobre 2022 que l'état de santé de M. G... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

15. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

16. Pour remettre en cause l'appréciation du préfet de Meurthe-et-Moselle, le requérant, qui a levé le secret médical et qui souffre de plusieurs pathologies dont une hémopathie maligne de type lymphome agressif, produit plusieurs certificats médicaux dont une attestation du 26 septembre 2019 d'un médecin algérien en maladies infectieuses et contagieuses qui se borne à préciser que les " moyens appropriés [ à sa maladie sont ] non disponibles en Algérie ", un certificat du centre hospitalier universitaire (CHU) du 11 décembre 2020 précisant que la durée de traitement du fait de son hémopathie est de six mois avec une période de surveillance de cinq ans, un certificat du 22 décembre 2020 d'un médecin généraliste qui se borne à décrire les pathologies dont souffre M. G..., un certificat du CHU du 7 juillet 2021 précisant que M. G... est suivi régulièrement dans le service d'hématologie pour une immuno-chimiothérapie dans le cadre d'une hématologie ganglionnaire de haut grade de malignité, un autre du CHU du 16 avril 2021 attestant qu'il est atteint d'une hémopathie pour une durée indéterminée et un dernier du 31 mars 2021 attestant qu'il a besoin d'une prise en charge spécialisée avec chimiothérapie et surveillance régulière. Il produit également un certificat du 2 février 2022 d'un médecin généraliste précisant qu'il est suivi pour une pathologie cancéreuse et que son traitement ne peut pas être interrompu, deux autres certificats médicaux postérieurs à la décision litigieuse du 14 novembre 2023 du CHU mentionnant qu'il est suivi depuis 2017 dans le service hématologie et qu'il doit poursuivre un suivi spécialisé et enfin un certificat du 15 novembre 2024 précisant qu'il a besoin d'un suivi spécialisé au moins jusqu'en 2026. Toutefois, si ces nombreux certificats attestent de la nécessité d'un suivi, ils ne remettent pas en cause l'accessibilité d'un traitement effectif dans le pays d'origine de M. G.... Si ce dernier fait également état des documents généraux révélant un système de santé défaillant en Algérie, la préfète produit d'une part, un article relatif au classement mondial des systèmes de santé qui classe l'Algérie au 4ème rang pour toute l'Afrique et d'autre part, un article sur le système de sécurité sociale algérien qui précise que les soins sont accessibles dans le secteur médical public gratuitement avec un règlement juridique d'assurance maladie obligatoire. Ainsi, les documents généraux produits ne permettent pas d'établir que les soins et suivi nécessaires à M. G... ne sont pas disponibles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu, de solliciter la communication de l'entier dossier de l'OFII, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien doit être écarté.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que M. G... a déclaré être entré en France le 20 mars 2017, alors qu'il était âgé de soixante-six ans. Si le requérant se prévaut de ses activités bénévoles et de la présence d'amis et de connaissances en France, les éléments qu'il verse au dossier ne suffisent pas à démontrer ni l'intensité ni la stabilité des liens qu'il aurait tissés sur le territoire français. En outre, il n'est pas contesté que le requérant n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine dès lors que son épouse et ses quatre enfants y résident. Dans ces conditions, le préfet, en refusant le séjour à M. G..., n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché la décision litigieuse d'une erreur d'appréciation.

19. Enfin, si M. G... se prévaut de la méconnaissance du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il aurait sollicité un titre de séjour sur ce fondement, ni des termes de la décision litigieuse que le préfet aurait examiné d'office si l'intéressé était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté comme étant inopérant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

20. En premier lieu, en l'absence d'annulation, par le présent arrêt, de la décision portant refus de séjour, M. G... n'est pas fondé à solliciter l'annulation par voie de conséquence de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

21. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet se soit cru en compétence liée pour prendre une telle mesure d'éloignement.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.(...) ".

23. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, M. G... pouvant bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

24. Enfin, et pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision emporte des conséquences manifestement excessives sur sa situation personnelle doit également être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen d'irrégularité soulevé tiré de ce que le tribunal aurait retenu un moyen non soulevé, que la préfète de Meurthe-et-Moselle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté préfectoral du 27 mars 2023, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. G... et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

26. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. G... aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2301762 du tribunal administratif de Nancy du 21 septembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que les conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Jeannot.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Guidi, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC03094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03094
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23nc03094 ?
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