Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé à la cour l'exécution du jugement n° 1403621 du tribunal administratif de Strasbourg du 16 février 2017, confirmé par l'arrêt de la cour n° 17NC00897 du 26 mars 2019.
Par une ordonnance du 14 janvier 2022, la présidente de la cour a ordonné l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur sa demande d'exécution.
Par un arrêt n° 22NC00103 du 29 décembre 2022, la cour a enjoint à l'établissement public de santé Alsace Nord, avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification de cet arrêt et sous astreinte de deux cents euros par jour de retard, de prendre les mesures appropriées en vue, d'une part, de placer rétroactivement Mme A... en congé de maladie imputable au service pour l'ensemble des périodes couvertes par des arrêts de travail justifiés par sa pathologie, d'autre part, de maintenir, pour ces mêmes périodes, après déduction des sommes perçues par l'intéressée en conséquence de ces arrêts de travail, l'intégralité de son traitement et de ses rémunérations accessoires, à l'exception des primes et indemnités liées à l'exercice des fonctions ou présentant le caractère d'un remboursement forfaitaire, enfin, de constituer ses droits à la retraite, notamment en versant à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales le montant des cotisations dont elle a été privée durant les périodes en cause. Elle a également jugé que les sommes versées à Mme A... porteront intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement au greffe, le 13 septembre 2021, de ses conclusions à fin d'exécution et qu'ils seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Procédure devant la cour :
Par une requête et quatre mémoires complémentaires, enregistrés les 3 août 2023, 5 septembre 2023, 13 novembre 2023, 12 décembre 2023 et 16 janvier 2024, Mme B... A..., représentée par Me Placidi, demande à la cour de procéder, sur le fondement de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, à la liquidation de l'astreinte prononcée dans son arrêt n° 22NC00103 du 29 décembre 2022 et de mettre à la charge de l'établissement public de santé Alsace Nord la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- l'arrêt n° 22NC00103 du 29 décembre 2022 aurait dû être exécuté au plus tard le 31 mars 2023 ;
- l'établissement public de santé Alsace Nord ne peut justifier la non-exécution de cet arrêt dans le délai imparti de trois mois suivant sa notification par la complexité du dossier, l'ancienneté des faits, par l'importance de la période concernée et par la difficulté de reconstituer une carrière avec des pièces en grande partie archivée, dès lors que, dans le cadre du dossier de demande d'allocation temporaire d'invalidité adressé à Mme A..., l'employeur avait, le 7 décembre 2020, établi des tableaux récapitulatifs de l'ensemble des arrêts de travail de son agent ;
- il a fallu, compte tenu la dégradation de son état de santé, que son conseil saisisse l'établissement public de santé Alsace Nord, par un courrier du 20 juillet 2023, pour que le dossier avance concrètement ;
- le certificat administratif la plaçant rétroactivement en maladie imputable au service n'a été rédigé que le 9 août 2023 ;
- c'est son conseil qui a procédé au calcul des intérêts capitalisés et qui l'a transmis à son employeur le 2 août 2023 ;
- s'agissant des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, ainsi que du remboursement des soins, l'exécution de l'arrêt n° 22NC00103 du 29 décembre 2022 est intervenue après des démarches laborieuses, qui justifient la liquidation de l'astreinte ;
- s'agissant de la reconstitution des droits à la retraite, les diligences effectuées par l'établissement public de santé Alsace Nord s'avèrent incomplètes ;
- si l'établissement public de santé Alsace Nord produit un courrier daté du 5 octobre 2023 indiquant qu'il a transmis à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales un dossier complet lui permettant de procéder à la révision de la pension de retraite de Mme A..., la caisse l'a informée de ce qu'elle ne disposait pas, au 19 décembre 2023, des éléments nécessaires pour procéder à l'étude de ses droits à rente d'invalidité.
Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 2 octobre 2023, 28 novembre 2023 et 19 janvier 2024, l'établissement public de santé Alsace Nord, représenté par Me Clamer, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que :
- il s'est montré soucieux d'exécuter pleinement les arrêts du 29 décembre et du 26 mars 2019, dans un délai raisonnable, avec les moyens à sa disposition, eu égard à la complexité du dossier, à l'ancienneté des faits, à l'importance de la période concernée et aux difficultés à reconstituer une carrière avec des pièces pour une grande partie archivée ;
- le montant exact des droits à rémunération de Mme A... au titre de son plein traitement et de ses primes de service s'élève, sur la période considérée, à 16 831,07 euros avant impôt, soit une somme de 14 419,96 euros après prélèvement à la source au taux marginal d'imposition de 11 % ;
- un mandat de 14 419,96 euros a, en conséquence, été émis le 21 novembre 2023 par la trésorerie de l'établissement ;
- deux autres mandats, d'un montant respectif de 1 279,14 et de 323,84 euros, ont également été émis le 21 novembre 2023 au titre du versement des intérêts au taux légal pour la période du 13 septembre 2021 au 31 août 2023 et au titre du remboursement de dépenses de santé exposées par Mme A... en relation avec son congé de maladie imputable au service ;
- le dossier concernant la rente pour invalidité de Mme A... a été transmis par la directrice de l'établissement public de santé Alsace Nord le 5 octobre 2023 et a été instruit par la Caisse nationale des agents des collectivités locales le 11 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Placidi représentant Mme A... et de Me Le Tily représentant l'établissement public de santé Alsace Nord.
Considérant ce qui suit :
1. Exerçant les fonctions d'aide-soignante au sein de l'établissement public de santé Alsace Nord (EPSAN), Mme B... A... a subi, dans le cadre de l'obligation vaccinale liée à cette activité professionnelle, trois injections d'un vaccin contre le virus de l'hépatite B en octobre et novembre 1992 et en janvier 1993, puis un rappel de ce vaccin le 24 novembre 1993. Par une décision n° 345696 du 6 novembre 2013, le Conseil d'Etat a considéré que la sclérose en plaques, développée par Mme A... dans les suites de cette vaccination, pouvait être regardée comme étant imputable à celle-ci. Par un jugement n° 1403621 du 16 février 2017, confirmé par un arrêt de la cour n° 17NC00897 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 6 mai 2014, par laquelle le directeur de l'établissement public de santé mentale Alsace Nord a refusé de faire droit à la demande de la requérante tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie et a enjoint à l'administration, dans un délai de deux mois suivant sa notification, de reconnaître cette imputabilité et d'en tirer toutes les conséquences de droit.
2. Mme A... ayant demandé l'exécution de ce jugement et de cet arrêt, la cour, par un arrêt n° 22NC00103 du 29 décembre 2022, a enjoint à l'établissement public de santé Alsace Nord, avant l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et sous astreinte de deux cents euros par jour de retard, de prendre les mesures appropriées en vue, d'une part, de la placer rétroactivement en congé de maladie imputable au service pour l'ensemble des périodes couvertes par des arrêts de travail justifiés par sa pathologie, d'autre part, de maintenir, pour ces mêmes périodes, après déduction des sommes perçues par l'intéressée en conséquence de ces arrêts de travail, l'intégralité de son traitement et de ses rémunérations accessoires, à l'exception des primes et indemnités liées à l'exercice des fonctions ou présentant le caractère d'un remboursement forfaitaire, enfin, de reconstituer ses droits à la retraite, notamment en versant à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales le montant des cotisations dont elle a été privée durant les périodes en cause. Elle a également jugé que les sommes versées à l'intéressée porteront intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement au greffe, le 13 septembre 2021, de ses conclusions à fin d'exécution et qu'ils seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
3. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ".
4. Ces dispositions confèrent à la juridiction saisie d'une demande de liquidation d'une astreinte précédemment prononcée, dont la finalité est, non de sanctionner une faute ou de réparer un préjudice, mais de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, le pouvoir de la modérer ou même de la supprimer, y compris au cas d'inexécution constatée, compte tenu notamment des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée.
5. Il résulte de l'instruction que l'établissement public de santé Alsace Nord n'a pas exécuté l'arrêt de la cour n° 22NC00103 du 29 décembre 2022 dans le délai de trois mois suivant sa notification, qui lui était imparti. Si l'établissement justifie ce retard d'exécution par la complexité du dossier, l'ancienneté des faits, la durée de la période à prendre en considération et la difficulté de reconstituer la carrière d'un agent sur la base de pièces en grande partie archivées, de telles allégations sont contestées par Mme A..., qui indique, sans être contredite sur ce point, que, lors de la constitution de son dossier de demande de l'allocation temporaire d'invalidité, son employeur a fourni, le 7 décembre 2020, des tableaux récapitulatifs de l'ensemble de ses arrêts de travail. De même, la requérante fait valoir que le certificat administratif la plaçant rétroactivement en maladie imputable au service n'a été rédigé que le 9 août 2023, soit plus de sept mois après la notification de l'arrêt de la cour du 29 décembre 2022, que son dossier n'a pu avancer concrètement qu'à la suite de la dégradation de son état de santé et du courrier adressé par son conseil le 20 juillet 2023 à son administration et que, confronté à l'inertie de celle-ci, ce même conseil s'est trouvé dans l'obligation de calculer lui-même les intérêts capitalisés et de lui transmettre les résultats de son calcul le 2 août 2023. S'il est vrai que l'établissement public de santé Alsace Nord, en remplacement de trois précédents mandats datés des 5 juin et 9 août 2023, a émis, le 21 novembre 2023, au bénéfice de Mme A..., trois nouveaux mandats, d'un montant respectif de 14 419,96 euros, de 323,84 euros et de 1 279,14 euros, correspondant aux traitements et primes de service, dont la requérante avait été indûment privée, au remboursement des soins exposés par l'intéressée et au versement des sommes afférentes aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation, il est constant que le dernier mandat relatif aux intérêts ne couvre que la période allant du 13 septembre 2021 au 31 août 2023. Enfin, alors que Mme A... produit un courrier de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales l'informant que, à la date du 19 décembre 2023, elle ne disposait pas des éléments nécessaires pour procéder à l'étude de ses droits à rente d'invalidité, il n'est pas démontré que, par son courrier du 5 octobre 2023, son employeur aurait transmis à cette caisse, ainsi qu'il le fait valoir, un dossier complet permettant de calculer ses droits à pension, ni, à plus forte raison, que ce dossier aurait été instruit dès le 11 octobre.
6. Dans ces conditions, à la date du présent arrêt, l'établissement public de santé Alsace Nord ne peut être regardé comme ayant intégralement exécuté l'arrêt de la cour n° 22NC00103 du 29 décembre 2022. Il y a donc lieu de prononcer la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période allant du 31 mars 2023 au 23 juillet 2024, soit 479 jours. Les diligences cependant accomplies par l'employeur depuis l'été 2023 en vue de l'exécution de la chose jugée justifiant une modération de l'astreinte prononcée à titre provisoire par la cour en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, l'établissement public de santé Alsace Nord doit être condamné à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros.
Sur les frais de justice :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public de santé Alsace Nord le versement à Mme A... de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'établissement public de santé Alsace Nord est condamné à verser à Mme A... la somme de 25 000 euros au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période allant du 31 mars 2023 au 23 juillet 2024.
Article 2 : L'établissement public de santé Alsace Nord versera également à Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement public de santé Alsace Nord.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
La présidente,
Signé : S. BAUER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC02748 2