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23/07/2024 | FRANCE | N°23NC02468

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 23NC02468


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'Union fédérale des syndicats de l'Etat - Confédération générale du travail (UFSE-CGT) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite du directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) des Ardennes rejetant le recours gracieux par lequel elle a demandé l'annulation des opérations électorales du 8 décembre 2022 relatives à l'élection des représentants du personn

el au comité social d'administration de la DDETSPP des Ardennes, et d'annuler les opérations...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union fédérale des syndicats de l'Etat - Confédération générale du travail (UFSE-CGT) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite du directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) des Ardennes rejetant le recours gracieux par lequel elle a demandé l'annulation des opérations électorales du 8 décembre 2022 relatives à l'élection des représentants du personnel au comité social d'administration de la DDETSPP des Ardennes, et d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 8 décembre 2022 en vue de la désignation des représentants du personnel siégeant au sein du comité social d'administration de la DDETSPP des Ardennes.

Par un jugement n° 2300314 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023, l'UFSE-CGT, représentée par Me Parvex, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement et les élections du 8 décembre 2022 ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, à la première ministre, au ministre de la transformation et de la fonction publique et au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'organiser, dans un délai fixé par la cour, de nouvelles élections dans des conditions susceptibles de permettre la garantie de la sincérité des opérations électorales, soit par vote électronique, soit par vote à l'urne et vote par correspondance durant une semaine entière ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les modalités d'organisation du scrutin portent atteinte au principe constitutionnel de participation consacré à l'alinéa 8 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et repris à l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique ;

- ces modalités irrégulières ont conduit à une altération de la sincérité du scrutin eu égard au faible écart entre les voix obtenues par chaque organisation syndicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, en cas d'annulation à ce que les effets de l'annulation de l'élection contestée soient différés de six mois.

Il soutient que les moyens soulevés par l'UFSE-CGT ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 ;

- le décret n° 2011-595 du 26 mai 2011 ;

- l'arrêté du 9 mars 2022 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique ;

- l'arrêté du 9 mars 2022 portant dérogation à l'utilisation du vote électronique en vue du prochain renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique de l'État ;

- l'arrêté du 30 novembre 2022 modifiant l'arrêté du 9 mars 2022 portant dérogation à l'utilisation du vote électronique en vue du prochain renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du scrutin relatif aux élections professionnelles du comité social d'administration de la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations des Ardennes qui s'est tenu le 8 décembre 2022, l'Union fédérale des syndicats de l'Etat - Confédération générale du travail (UFSE-CGT), qui a recueilli 11 voix sur les 35 suffrages exprimés, a obtenu un siège au comité social d'administration, l'UNSA Fonction publique a obtenu deux sièges avec 12 voix et FO un siège avec 6 voix. Le syndicat a formé le 13 décembre 2022 un recours contre les résultats de cette consultation au motif que le vote à l'urne exclusif avait empêché certains électeurs de prendre part au scrutin et avait altéré la sincérité de la consultation. Le directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection populations des Ardennes a rejeté implicitement ce recours. Le syndicat relève appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de ces élections.

2. Le syndicat conteste la modification des modalités d'organisation du scrutin prévoyant un vote en présentiel à l'urne et fait valoir que cette modification tardive a porté atteinte au principe de participation consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris par l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique, et à son effectivité et que cette irrégularité a eu une incidence sur la sincérité du scrutin.

3. Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ". Selon l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique : " Dans les conditions prévues au livre II, les agents publics participent, par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs, à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires régissant les fonctionnaires et des règles relatives aux conditions d'emploi des agents contractuels, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l'examen de certaines décisions individuelles ".

4. Aux termes de l'article 19 du décret du 20 novembre 2020 visé ci-dessus : " La date des élections pour le renouvellement général des comités sociaux d'administration [de direction départementale interministérielle] est fixée par arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre chargé de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce même décret : " I. - Le vote a lieu par voie électronique selon les modalités prévues par le décret du 26 mai 2011 susvisé [relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du vote électronique par internet pour l'élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du personnel de la fonction publique de l'État]. / (...). II. - Toutefois, un arrêté des ministres intéressés et du ministre chargé de la fonction publique peut prévoir, par dérogation au I, que les opérations de vote se déroulent au moyen du vote à l'urne, à titre exclusif ou complémentaire, dans certaines administrations, établissements ou autorités dont ils établissent la liste. / III. - Dans tous les cas, le vote peut avoir lieu par correspondance, dans les conditions fixées par les mêmes arrêtés. / Dans ce cas, les enveloppes expédiées, aux frais de l'administration, par les électeurs doivent parvenir au bureau de vote avant l'heure de la clôture du scrutin ".

5. Si, au sein de la fonction publique de l'État, les opérations de vote se tiennent normalement par voie électronique, un arrêté du 9 mars 2022, pris en application des dispositions de l'article 36 du décret du 20 novembre 2020 citées au point précédent, permet, dans certains cas, d'y déroger. Il comporte à cet effet des annexes fixant la liste des scrutins des administrations, établissements ou services faisant usage de cette dérogation et définissant les modalités de celle-ci pour chaque scrutin, que ce soit au moyen du vote à l'urne, à titre exclusif ou complémentaire du vote électronique, ou au moyen du vote par correspondance. Il résulte de l'instruction que, alors que les scrutins relevant du ministère de l'intérieur et des outre-mer devaient tous se dérouler par voie électronique du 1er décembre au 8 décembre 2022, un arrêté du 30 novembre 2022 a ajouté une annexe 6 à l'arrêté dérogatoire du 9 mars 2022 pour prévoir que les opérations de vote relatives aux comités sociaux d'administration des directions départementales interministérielles (DDI) se dérouleraient finalement au moyen du vote à l'urne à titre exclusif, au cours de la journée du 8 décembre.

6. Il résulte de l'instruction qu'en raison de doutes entachant la fiabilité des listes électorales injectées dans la solution de vote électronique, les organisations syndicales présentes ont refusé de participer au scellement de l'urne électronique du bureau de vote centralisateur. En conséquence, il a été décidé que les opérations de vote relatives aux comités sociaux d'administration des directions départementales interministérielles se dérouleraient finalement au moyen du vote à l'urne à titre exclusif. A cet égard, afin de préciser les conditions de mise en œuvre du changement des modalités de vote, une instruction du secrétaire général du ministère de l'intérieur et des outre-mer a été diffusée le 2 décembre 2022. Cette instruction a prévu des aménagements pour permettre aux agents de se rendre dans leurs bureaux de vote, notamment en termes d'horaires, d'autorisations spéciales d'absence et de reports de jours de télétravail, ainsi que pour adapter localement l'organisation du vote, le cas échéant par la constitution de bureaux de vote spéciaux ou de sections de vote. Par ailleurs, une communication active a été effectuée par l'administration vers les chefs de service, les agents et organisations syndicales concernés. Ainsi, le 1er décembre 2022, la directrice des ressources humaines du ministère de l'intérieur et des outre-mer a diffusé un message directement visible dans l'application informatique de vote pour informer l'ensemble des agents des directions départementales interministérielles que, pour les scrutins des comités sociaux, le vote se ferait à l'urne le 8 décembre 2022. Ensuite, deux visioconférences d'information avec l'ensemble des réseaux territoriaux ont été organisées le jeudi 1er décembre puis le lundi 5 décembre et deux réunions de concertation se sont tenues avec les organisations syndicales candidates aux scrutins le jeudi 1er décembre et le vendredi 2 décembre. Il résulte également de l'instruction que le vendredi 2 décembre, les listes de diffusion nationales " tous agents " ont été réactivées pour permettre aux organisations candidates d'envoyer un message d'information sur le scrutin à l'ensemble des agents concernés. Enfin, les agents de la DDETSPP des Ardennes ont été destinataires de plusieurs courriels dont la teneur n'était pas équivoque sur l'organisation sur place de ce scrutin, et dont l'un comportait une note d'information précisant les modalités du vote à l'urne, même si les autres scrutins devant avoir lieu à la même période se déroulaient en ligne.

7. Si des électeurs n'ont pas voté au scrutin concernant la DDETSPP des Ardennes, rien ne permet de savoir dans quel sens ils se seraient prononcés ou s'ils ne seraient pas, au moins en partie, abstenus, et selon quelles proportions. A cet égard, l'UFSE-CGT produit deux attestations d'électeurs mentionnant avoir été empêchés de voter et soutient que l'attribution d'un des quatre sièges à pourvoir s'est joué à une voix près en sa défaveur. Toutefois, il résulte de l'instruction que le premier auteur de ces attestations était en congé jusqu'au 8 décembre 2022 matin et n'établit donc pas avoir été empêché de voter le même jour. Ensuite, le second agent, placé en situation de congé à compter du 2 décembre 2022, précise n'avoir eu connaissance de la modification des conditions de vote qu'à son retour le 14 décembre 2022 alors même que les opérations de vote devaient se terminer le 8 décembre et que les premiers messages ont été diffusés le 1er décembre précédent, jour initialement prévu pour le début des opérations électorales et avant même son absence. Il ne résulte de l'instruction ni que l'abstention générée par la défection des électeurs aurait affecté plus fortement les rangs du syndicat UFSE-CGT ni, en tout état de cause, que cette abstention aurait été particulièrement préjudiciable aux candidats de cette liste ou qu'un lien de causalité aurait existé entre cette abstention et la répartition des suffrages entre les listes en présence. Et à cet égard, il résulte de l'instruction que le taux de participation, qui s'élève à 47,94 % est très proche du taux de participation enregistrée pour le comité social d'administration centrale, mesuré à 48,50 % et obtenu après un vote électronique.

8. Dans ces conditions, compte tenu des mesures d'information mises en œuvre et du niveau d'abstention constaté localement, et alors que le choix de recourir au vote à l'urne ne conduit pas, par lui-même, à méconnaître le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de délai minimal avant le scrutin pour passer d'un vote électronique à un vote à l'urne et que le niveau d'abstention constaté ne saurait, en l'espèce, être regardé comme ayant conduit à altérer la sincérité du scrutin, les moyens tirés de ce que le principe constitutionnel de participation aurait été méconnu et que cela aurait conduit à altérer la sincérité du scrutin ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que l'UFSE-CGT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Union fédérale des syndicats de l'Etat - Confédération générale du travail est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union fédérale des syndicats de l'Etat - Confédération générale du travail et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 23NC02468 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02468
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL ATLANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;23nc02468 ?
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