Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022 et des mémoires complémentaires enregistrés le 6 octobre 2022 et le 14 mars 2023, la société Parc éolien des Grands Lazards, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Vatimont ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, de reprendre l'instruction de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 31 janvier 2022 est insuffisamment motivé ;
- le dossier de demande d'autorisation est régulier ;
- l'étude d'impact du projet n'est pas insuffisante ou incomplète s'agissant du volet paysager, du volet avifaunistique et du volet chiroptérologique ;
- le projet ne porte pas d'atteinte au paysage lorrain ;
- le projet ne porte pas d'atteinte à l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la société Parc éolien des Grands Lazards ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Durand, pour la société Parc éolien des Grands Lazards.
Une note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2024, a été présentée pour la société Parc Eolien des Grands Lazards
Considérant ce qui suit :
1. Le 26 juin 2018, la société Parc Eolien des Grands Lazards a sollicité, auprès des services de la préfecture de la Moselle, la délivrance d'une autorisation environnementale en vue d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Vatimont. Par un courrier du 25 juillet 2019, le préfet de la Moselle a adressé à la société pétitionnaire une demande de régularisation en précisant les éléments à compléter pour permettre la poursuite de l'instruction de son dossier. La requérante a transmis, le 1er avril 2021, plusieurs documents afin de compléter ledit dossier. Toutefois, en application du 1° et du 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 31 janvier 2022, a rejeté au stade de l'examen la demande d'autorisation environnementale en raison du caractère incomplet ou irrégulier du dossier. La société Parc éolien des Grands Lazards a saisi la cour d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 31 janvier 2022 :
En ce qui concerne le moyen tiré su défaut de motivation :
2. Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. (...) La décision de rejet est motivée ".
3. L'arrêté du 31 janvier 2022 vise les 1° et 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement et précise que le dossier de demande de la société Parc éolien des Grands Lazards est incomplet sur différents aspects malgré une demande de régularisation et les compléments apportés. L'arrêté attaqué relève, entre autres, l'insuffisance des études, ne permettant pas de mesurer correctement les enjeux liés à la faune volante, l'insuffisance des mesures d'évitement des impacts proposées dans le dossier ainsi que l'absence de mesure de réductions susceptibles d'être mises en œuvre. L'arrêté du 31 janvier 2022 comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.
En ce qui concerne les insuffisances de l'étude d'impact :
4. aux termes de l'article R. 181-16 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. Toutefois, lorsque le dossier est déposé par voie de la téléprocédure prévue au troisième alinéa de l'article R. 181-12, l'accusé de réception est immédiatement délivré par voie électronique. / Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. / Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément. Le délai d'examen peut également être suspendu par le préfet dans l'attente de la réception de la réponse à l'avis de l'autorité environnementale prévue au dernier alinéa du V de l'article L. 122-1. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, / (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; (...) ".
5. En l'espèce, le préfet de la Moselle a demandé à la société Parc Eolien des Grands Lazards de compléter son dossier de demande, en sollicitant une étude spécifique relative au milan royal selon un protocole plus précis et complet, une réévaluation de l'enjeu lié à la cigogne noire, un complément de l'étude de l'état initial de l'avifaune en périodes migratoires, à l'échelle de l'aire d'étude rapprochée, des informations concernant la présence de gites de chiroptères, l'étude des voies de déplacement entre l'aire d'étude immédiate et des sites d'intérêt chiroptérologiques proches, une actualisation des enjeux écologiques liés aux chiroptères, une correction de l'évaluation des impacts, une évaluation de l'impact du projet en termes de dérangement sur les chiroptères en phase d'exploitation, des justifications concernant l'absence de variante d'implantation avec toutes les éoliennes en zone à enjeu qualifié de faible, un réexamen des variantes d'implantation sur les secteurs à enjeux en prenant en compte le diamètre du rotor des éoliennes, une lecture cohérente des parcs éoliens les uns par rapport aux autres, la prise en compte des enjeux paysagers, comme ceux liés à l'habitat, à la topographie, au relief local particulier du paysage du plateau et une révision de l'emplacement des éoliennes tel que proposé, qui ne permet pas une lecture simple.
6. Si la société requérante a produit un complément à son dossier le 1er avril 2021, il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci aurait été suffisant compte tenu de l'implantation du projet dans une zone de forte sensibilité environnementale, ainsi que cela ressort de l'évaluation des incidences du projet de l'office des données naturalistes (ODONAT) de la région Grand Est. En effet, le secteur est marqué par la présence d'habitats naturels d'intérêt communautaire, de nombreux corridors écologiques et de réservoirs de biodiversité. L'aire d'étude immédiate est située au sein d'une zone spéciale de conservation dénommée " les secteurs halophiles et prairies humides de la vallée de la Nied " et deux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1 y sont identifiées, d'une part la " Vallée de la Nied française de Landroff à Landonvillers " et d'autre part les " Etangs de Holacourt, de Bouligny, de Fau Weise, de Pic-vic à Holacourt et Many ". En outre, à une distance d'environ 9,5 kilomètres, à l'est de l'aire d'étude immédiate, se trouve la zone de protection spéciale " Plaine et étang du Bischwald ". Ces zones de protection abritent des espèces protégées vulnérables et sensibles à l'éolien justifiant que des études approfondies des incidences du projet sur les différentes espèces soient menées. En particulier, alors qu'un couloir local de migration traverse le centre de la zone d'implantation du projet et que plusieurs espèces protégées d'oiseaux, particulièrement sensibles à l'éolien, sont présentes dans un rayon inférieur à 20 km de la zone, dont des cigognes noires, plusieurs sites de nidification et de zones de gagnage ayant été détectés selon l'association " Lorraine Association Nature " (LOANA), des pygargues à queue blanche, un dortoir hivernal étant situé dans le secteur des étangs de Bouligny, de Holacourt et de Frau Wiese selon l'office des données naturalistes du Grand Est, et des milans royaux, en passage migratoire, en halte ou en phase hivernale dans un secteur situé au cœur de population de Moselle nord selon l'association LOANA, les études réalisées par la société requérante demeurent très insuffisantes, voire lacunaires pour le cas de la Pygargue à queue blanche, pour apprécier l'impact réel du projet sur ces espèces, dont la présence et le caractère très vulnérable à l'éolien sont notoires et ont d'ailleurs été portés à la connaissance de la pétitionnaire. En outre, le réexamen de la séquence ERC (Eviter, réduire, compenser) s'est également avéré insuffisant en raison et au regard des lacunes qui entache l'état initial, les mesures proposées paraissant largement inadéquates et sous-dimensionnées par rapport à l'enjeu de biodiversité qui règne dans le secteur d'implantation projetée des installations. Dans ces conditions, le préfet a pu estimer que le dossier de demande de la société requérante était incomplet, malgré la demande de régularisation qu'il avait adressée, et justifiait ainsi le rejet de l'autorisation sollicitée pour ce motif.
7. Si le préfet de la Moselle s'est fondé sur un autre motif tiré de ce que le projet, compte tenu de sa localisation et de sa nature, présente des dangers et inconvénients pour la protection de la nature et de l'environnement et des atteintes au paysage, qui ne sauraient être prévenus par aucune mesure spécifiée dans une autorisation environnementale, de telle sorte qu'il méconnaît les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, il résulte de l'instruction que l'autorité administrative aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré du caractère incomplet ou irrégulier du dossier de demande d'autorisation environnementale.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Parc Eolien des Grands Lazards n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour exploiter un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Vatimont.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de la société Parc Eolien des Grands Lazards n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de cette société tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet de la Moselle de reprendre l'instruction de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Parc Eolien des Grands Lazards la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Parc Eolien des Grands Lazards est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc Eolien des Grands Lazards, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. WallerichL'assesseur le plus ancien
Dans l'ordre du tableau,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 22NC00805