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23/07/2024 | FRANCE | N°21NC00761

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 23 juillet 2024, 21NC00761


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 1301229 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.



Par un arrêt n° 17NC00781 du 6 décembre 2018, la cour administrative d'appel de

Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Nancy et a prononcé la décharge de la cotisation supplé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1301229 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17NC00781 du 6 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du tribunal administratif de Nancy et a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A... avaient été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des majorations correspondantes.

Par une décision du 11 mars 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 6 décembre 2018 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Productions présentées avant le renvoi :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, M. et Mme A..., représentés par Me Naïm, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301229 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur un moyen soulevé en première instance ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; elle s'est en effet abstenue de communiquer l'ensemble des documents qu'elle a utilisé ;

- la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où le matériel est livré et non l'année où il est raccordé au réseau ; l'administration ne pouvait leur opposer l'absence de raccordement au réseau électrique dès lors que l'installation photovoltaïque est susceptible de fonctionner de manière autonome et qu'EDF ne dispose pas d'un monopole en matière de rachat d'électricité produite par une centrale photovoltaïque ;

- l'administration ne démontre pas qu'il existe une disproportion entre les fonds collectés par la SARL DTD et les investissements effectivement importés ni que les panneaux photovoltaïques ne peuvent pas fonctionner de manière autonome ;

- la société en participation concernée a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sauvage ; le droit de communication que l'administration fiscale a exercé auprès de la société EDF lui a permis d'éviter cette procédure ;

- l'administration fiscale aurait dû mettre en œuvre la procédure de vérification de comptabilité des sociétés en participation avant de notifier les redressements à leurs associés ;

- il résulte de l'instruction BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 n° 140 du 12 septembre 2012 que l'administration ne pouvait prononcer son redressement dès lors qu'il disposait d'une attestation fiscale conforme délivrée par la société DOM TOM Défiscalisation (DTD).

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Productions présentées après le renvoi :

Par des mémoires, enregistrés le 3 septembre 2021 et le 3 octobre 2022, ce dernier non communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut aux mêmes fins et soutient que la procédure d'imposition est régulière les contribuables ayant été informés de l'origine et de la teneur de l'ensemble des documents fondant le redressement et en ayant obtenu copie avant la mise en recouvrement des impositions.

Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2022, M. et Mme A... concluent aux mêmes fins et demandent qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et soutiennent que la procédure d'imposition est irrégulière.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., associés de sociétés en participation gérées par la SARL Dom Tom Défiscalisation (DTD), ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés en Martinique par lesdites sociétés et consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Cette réduction d'impôt opérée au titre de l'année 2008 a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Électricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2008, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de l'année litigieuse. M et Mme A... relèvent appel du jugement n° 1301229 du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008. Sur pourvoi introduit par le ministre de l'action et des comptes publics le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 6 décembre 2018 et a renvoyé l'affaire devant cette même cour.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque l'administration fonde les rectifications envisagées sur plusieurs motifs distincts et autonomes, le défaut de communication des informations utilisées pour établir l'un de ces motifs n'est pas de nature à entacher d'irrégularité, dans son ensemble, la procédure d'imposition, dès lors qu'elle a bien communiqué les informations concernant les motifs justifiant à eux seuls l'imposition.

3. Pour remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée, le service s'est notamment fondé sur les motifs tirés de ce que l'investissement n'avait pas été réalisé à la date du 31 décembre 2008 et que le montant de l'investissement n'était pas conforme aux prescriptions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Dans sa réponse du 31 mai 2012 aux observations de M. et Mme A..., lesquels avaient sollicité la communication de " la totalité des documents " ayant fondé les rectifications résultant de la proposition de rectification du 3 novembre 2011, l'administration s'est bornée à leur adresser la copie des documents obtenus dans l'exercice de son droit de communication, auprès d'Electricité de France (EDF) et de divers services douaniers relatifs, selon le cas, à la livraison des installations de panneaux photovoltaïques ou à leur raccordement au réseau électrique. Si les requérants soutiennent que cette communication était incomplète dès lors qu'ils n'ont pas été destinataires des autres pièces mentionnées par le service, soit les procès-verbaux de mise à disposition du matériel photovoltaïque et les factures émises en 2008 par la société Lynx Industrie à chaque SEP et mentionnant le prix de l'investissement, il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 3 novembre 2011 que la remise en cause de cet avantage fiscal était également fondée sur le motif, distinct et autonome, tiré du défaut de raccordement au réseau électrique des centrales photovoltaïques à la date du 31 décembre 2008 et que l'administration a adressé aux contribuables les documents relatifs au raccordement des installations au réseau électrique obtenus auprès d'Electricité de France les concernant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

4. En second lieu, les requérants font, d'une part, valoir que la SEP au sein de laquelle ils sont associés a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, qui s'est déroulée en méconnaissance des articles L. 47 et suivants du livre des procédures fiscales, dès lors qu'ils n'ont pas reçu d'avis de vérification mentionnant la faculté de se faire assister par un conseil et qu'ils ne se sont pas vu remettre, avant le contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 10 du même livre. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration n'a diligenté aucune vérification de comptabilité à l'encontre de la SEP en question, les rectifications ayant été effectuées dans le cadre d'une procédure de contrôle sur pièces des déclarations de revenus de M. et Mme A.... Ne constitue pas une vérification de comptabilité la comparaison à laquelle procède l'administration entre les déclarations des contribuables et les informations qu'elle a recueilli en exerçant son droit de communication, M. et Mme A... n'apportant aucun élément concret permettant d'établir que le droit de communication exercé par le service aurait dissimulé une vérification de comptabilité. Il suit de là que M. et Mme A... ne sauraient utilement soutenir que l'administration aurait méconnu les articles L. 47 et L. 10 du livre des procédures fiscales.

5. D'autre part, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., l'administration n'était pas tenue d'engager une vérification de comptabilité des SEP dont ils avaient acquis des parts sociales préalablement au contrôle sur pièces dont ils ont fait l'objet, dès lors que les rehaussements en litige ne procèdent pas du rehaussement du résultat de ces sociétés mais de la remise en cause de la réduction d'impôts sur le revenu prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Au demeurant, le droit de communication exercé en l'espèce par l'administration auprès d'EDF est fondé sur les dispositions de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".

7. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., la proposition de rectification du 3 novembre 2011, qui mentionne les conditions requises pour bénéficier du régime de réduction d'impôt au titre de l'année 2008 dans le cadre d'investissements outre-mer sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts, relève que les panneaux solaires en litige n'ont ni été réalisés avant le 31 décembre 2008 ni fait l'objet d'aucun raccordement au réseau EDF à la date du 31 décembre 2008 et que, dans ces conditions, cet investissement ne pouvait être regardé comme un investissement productif pour l'application de l'article L. 199 undecies B du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification du 3 novembre 2011 doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

8. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) ". Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II du même code, dans sa version applicable au litige : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ". Il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département ou le territoire d'outre-mer, l'immobilisation, au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé, peut être effectivement exploitée et par suite être productive de revenus. Le juge de l'impôt se prononce sur l'éligibilité des investissements qui lui sont soumis à la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts au regard des éléments apportés par l'une et l'autre partie.

9. Des panneaux photovoltaïques ne peuvent être effectivement exploités sans être intégrés dans une installation et raccordés au réseau électrique. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une des centrales photovoltaïques au titre de laquelle a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse aurait fait l'objet d'un raccordement au réseau électrique au titre de l'année 2008. M. et Mme A... n'apportent aucun élément de nature à infirmer ce constat sur lequel s'est fondée l'administration. Dans ces conditions, les installations photovoltaïques en cause ne pouvant ni être effectivement exploitées, ni être productives de revenus à la date du 31 décembre 2008 l'administration a pu à bon droit estimer que les investissements déclarés par les requérants, à les supposer même établis, ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2008 et ainsi remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée au titre de cette année. A cet égard, la délivrance d'une attestation fiscale par la société DOM TOM Défiscalisation est sans incidence sur le bien-fondé du redressement en litige tout comme la circonstance qu'il existerait une disproportion entre le montant des fonds collectés par la société DOM TOM Défiscalisation et le montant des investissements effectivement importés par cette société.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin de décharge ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Wallerich, président de chambre,

Mme Guidi, présidente-assesseure,

M.Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Guidi Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 21NC00761 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00761
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;21nc00761 ?
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