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11/07/2024 | FRANCE | N°23NC02471

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23NC02471


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2302603 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2302603 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable durant ce réexamen

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la requérante ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée et aux conditions de son séjour ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant dans la mesure où son fils est scolarisé et bénéficie d'une mesure de placement au domicile de ses parents ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour qui en constitue le fondement légal ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de droit dans la mesure où elle pouvait bénéficier d'un titre de plein droit sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'aucun des quatre critères énoncés ne justifie le prononcé de la décision contestée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet examine si la requérante fait état de circonstances humanitaires pour ne pas faire l'objet d'une telle interdiction alors que de telles circonstances sont seulement exigées par l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de protections des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale de protections des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 23 juillet 1980 à Yaoundé, déclare être entrée en France le 21 juin 2017 avec son concubin et leur fils né en 2014. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 17 mai 2019. Le 29 janvier 2019, elle a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé et a obtenu une autorisation provisoire de séjour qui a été renouvelée. Le 28 septembre 2020, elle a sollicité le renouvellement de son droit au séjour pour raisons de santé qui a été refusé par un arrêté du 10 mars 2021. Par un jugement du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté. A la suite du réexamen de sa demande, le préfet du Haut Rhin a, par un arrêté du 21 novembre 2022, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 6 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision refusant de lui octroyer un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

5. Pour refuser d'admettre Mme A... au séjour en raison de son état de santé, le préfet du Haut-Rhin s'est fondée sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 29 septembre 2022 dont il ressort que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé de santé lui permet d'y voyager sans risque. Il est constant que Mme A... souffre notamment de troubles psychiatriques chroniques, pour lesquels elle bénéficie d'un suivi mensuel dans un centre médico-psychologique et d'un traitement médicamenteux composé d'antipsychotiques (respiridone et quetiapine) et d'un antidépresseur (sertraline). Il ressort des fiches MedCOI versées par le préfet que les médicaments antipsychotiques sont disponibles au Cameroun. Si la requérante fait valoir que ces fiches datent de 2016, elles ne démontrent pas que ces médicaments ne seraient plus disponibles depuis lors au Cameroun alors que la liste nationale des médicaments et autres produits pharmaceutiques essentiels établie par le ministère de la santé publique camerounais, à jour du 30 janvier 2017, confirme également la disponibilité de la risperidone et d'autres médicaments psychotropes. En outre, si la fiche pays de l'OMS dont se prévaut Mme A... fait état du faible nombre de psychiatres au Cameroun et du dysfonctionnement des unités spécialisées dans les hôpitaux régionaux, cette fiche date de 2011, tandis que les fiches MedCOI de 2016 produites par le préfet font état de la disponibilité de traitement psychiatrique dans des hôpitaux publics à Yaoundé d'où la requérante est originaire. Dans ces conditions, elle ne démontre pas par la production d'articles de presse généraux plus récents faisant état des difficultés de traitements des maladies psychiatriques au Cameroun, qu'elle n'aurait pas accès à un traitement psychiatrique dans un hôpital public de la capitale. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en juin 2017. Toutefois, la durée de sa présence est due à l'examen de sa demande d'asile puis à son état de santé, les titres de séjour délivrés dans ce cadre ne lui donnant pas vocation à s'installer durablement en France. Si elle souligne qu'elle bénéficie d'un contrat à durée déterminé d'insertion conclu avec l'association Accès qui a été renouvelé le 7 février 2023 et que son fils né en 2014 est scolarisé depuis son arrivée en France, l'intéressée, logée avec son conjoint également en situation irrégulière au centre de stabilisation Adoma, n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts économique et personnel. En outre, le couple est dépourvu d'attache en France alors que sa mère et la mère, le premier fils et les deux sœurs de son conjoint résident dans son pays d'origine où Mme A... a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans et où elle pourrait, ainsi qu'il a été au point 5, bénéficier d'un traitement approprié et où enfin la cellule familiale pourrait se reformer. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à [0]son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées. Par suite, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet du Haut-Rhin n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si Mme A... fait valoir que son fils est scolarisé en France depuis 2017, il n'est pas démontré qu'il ne pourrait pas poursuivre sa scolarité au Cameroun. En outre, son fils placé dans un foyer entre octobre 2019 et avril 2022 eu égard à l'état de santé de sa mère vit désormais de nouveau avec ses parents. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Cameroun, pays dont sont également ressortissant son conjoint, cette décision qui n'implique en elle-même aucune séparation des enfants d'avec leurs parents ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : [...] 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. [...] ".

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7,

Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En quatrième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 7, elle n'est fondée à soutenir ni que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

15. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, la décision en litige ne méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 faisant état de la possibilité de bénéficier d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, sa vie serait menacée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 doit être écarté.

19. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 9, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

20. Aux termes du premier paragraphe de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour". Selon, le premier paragraphe de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. " L'article L. 612-8 du même code dispose quant à lui : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Enfin, l'article L. 612-10 de ce code dispose : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. "

21. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... ne relève ni de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de l'article L. 612-7, de sorte que l'édiction d'une interdiction de retour n'était qu'une simple faculté pour l'administration. Si le concubin de la requérante est également en situation irrégulière, la requérante qui ne représente aucune menace à l'ordre public est entrée en France en juin 2017 avec son fils né en 2014 afin d'y solliciter l'asile. Elle a, ainsi qu'il a été dit, bénéficié d'un droit au séjour pour raison de santé entre janvier 2019 et mars 2021 et n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement puisque l'arrêté dont elle a fait l'objet le 10 mars 2021 été annulé par le tribunal de Strasbourg le 12 juillet 2021. Enfin, son fils est scolarisé en France depuis 2017. Il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le préfet du Haut-Rhin n'a pas pu légalement prendre la décision interdisant à Mme A... de revenir sur le territoire français.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. L'annulation de la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français ne nécessite aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

24. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par l'avocat de Mme A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 6 juin 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Article 2 : L'arrêté du 21 novembre 2022 est annulé en tant qu'il interdit à Mme A... de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB...u A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Berry.

Une copie du présent arrêt sera adressée à le préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC02471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02471
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;23nc02471 ?
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