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11/07/2024 | FRANCE | N°23NC02153

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23NC02153


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire national et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2301947 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à la demande de M. A....r>


Procédure devant la cour :



I) Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, sous le nu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire national et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2301947 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, sous le numéro 23NC02153, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- il ressort du passeport de l'intéressé que celui-ci est d'abord entré en Espagne avant d'entrer en France de sorte qu'il était tenu de se déclarer à son arrivée sur le territoire ; en conséquence, son entrée sur le territoire n'est pas régulière et il ne peut prétendre à un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français ;

- les autres moyens de sa demande ne sont pas fondés.

II) Par une requête enregistrée le 4 juillet 2023, sous le numéro 23NC02154, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2301947 du 14 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien, né en 1977, déclare être entré en France le 23 novembre 2014 muni d'un visa délivré par les autorités espagnoles valable dans les Etats de l'espace Schengen du 10 novembre 2014 au 9 février 2015. Sa demande de titre de séjour formulée sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, du 18 novembre 2015, a été rejetée et assortie d'une obligation de quitter le territoire français le 25 janvier 2017. Le recours contentieux qu'il a formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juin 2017. Le 12 novembre 2020, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien de 1968, en faisant valoir son mariage avec une ressortissante française. Par un arrêté du 13 juillet 2022, la préfète lui a opposé un refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Strasbourg le 19 octobre 2022, pour erreur de droit. Par un arrêté du 15 février 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé d'admettre M. A... au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, la préfète du Bas-Rhin relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 14 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien visé ci-dessus : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " (...) les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises ".

3. Aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) / 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention, modifié par le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 sans toutefois modifier l'économie du régime du code frontière Schengen stipule que : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes peuvent être tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". L'article 21 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, qui s'est pour partie substitué à la convention du 19 juin 1990, dispose que : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un Etat membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". Le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, modifiant notamment le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ainsi que la convention d'application de l'accord de Schengen, ne modifie pas l'économie de ce régime. Aux termes de l'article R. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions de l'article R.621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ". Il résulte de ces dispositions que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

4. La préfète du Bas-Rhin justifie devant cette cour, par la production de son passeport, que l'intéressé est d'abord entré en Espagne, à Alicante, le 21 novembre 2014, avant d'entrer en France. Il est constant que M. A... n'a pas procédé à la déclaration visée par les dispositions et stipulations ci-dessus reproduites lors de son arrivée en France. Par suite, c'est à bon droit que la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'absence d'entrée régulière en France afin de lui refuser le titre de séjour sollicité par M. A... sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que M. A... pouvait se prévaloir d'une entrée régulière sur le territoire français afin d'annuler l'arrêté attaqué. Il y a lieu toutefois pour cette cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... à l'appui de sa demande.

Sur les autres moyens de la demande :

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... vit en France depuis le mois de novembre 2014, qu'il s'y est marié en 2020 avec une française et que la communauté de vie avec sa conjointe est ininterrompue depuis cette date et jusqu'à la décision de refus de séjour attaquée. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé a encore des attaches familiales en Algérie et que sa présence sur le territoire est irrégulière, les décisions attaquées sont de nature, dans les circonstances de l'espèce, à porter au droit à la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... était fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 15 février 2023. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

8. Le présent arrêt s'étant prononcé sur l'appel de la préfète du Bas-Rhin, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée sous le numéro 23NC02154.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète du Bas-Rhin ci-dessus visée sous le numéro 23NC02153 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la préfète du Bas-Rhin ci-dessus visée sous le numéro 23NC02154.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 23NC02153 et 23NC02154

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02153
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;23nc02153 ?
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