Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, pour un montant global de 7 892 euros.
Par un jugement n° 2007083 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Benoit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de rectification est irrégulière en l'absence de communication des documents relatifs à l'activité de sa société que l'administration a obtenu auprès de l'autorité judiciaire ;
- il a été soumis à une taxation d'office alors qu'il était incarcéré et ne pouvait produire les documents comptables qui avaient été saisis par l'autorité judiciaire;
- l'administration intègre des cessions qu'il n'a pas effectivement réalisées pour des véhicules ne lui appartenant pas, exploite des comptes bancaires qu'il n'utilisait pas et n'exclut pas les exportations vers le Togo.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... exerçait une activité d'achat-revente de véhicules légers par le biais d'une entreprise individuelle " A... Auto Export ". Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. En l'absence de comptabilité, l'administration a procédé à une reconstitution de recettes et lui a notifié le 31 juillet 2019, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, les bases d'imposition. Elle lui a notamment réclamé un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période vérifiée, d'un montant, en droits et pénalités, de 7 892 euros. Contestées, ces impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 16 décembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
3. Alors qu'il ressort de la notification du 31 juillet 2019 que M. A... a été informé que l'administration a obtenu communication des documents comptables relatifs à sa société " Degre Auto Export " saisis par l'autorité judiciaire auprès du tribunal de grande instance de Sarreguemines et des relevés bancaires de trois comptes ouverts au nom du requérant et utilisés à des fins professionnelles dans trois établissements bancaires différents, il ne résulte pas de l'instruction qu'il en ait demandé la production à l'administration avant la mise en recouvrement, ni même au demeurant au cours de la procédure contentieuse. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées.
4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général ". Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 47 A ".
5. En vertu de l'article 54 précité, la société " A... Auto Export ", passible des impôts commerciaux, était tenue à ce titre d'établir une comptabilité qu'elle devait mettre à disposition des agents de l'administration fiscale. Si M. A... fait valoir que la comptabilité de son activité de commerce de véhicules légers a été saisie par la gendarmerie, il résulte du droit de communication exercé par le service auprès du tribunal de grande instance de Sarreguemines que les documents saisis par la gendarmerie ne comprenaient ni une comptabilité régulière, ni des fichiers informatisés d'écritures comptables. En outre, le requérant n'a fourni à l'administration aucune pièce comptable ou documents extra comptables tels que des factures d'achat ou de vente de véhicules, ou des extraits bancaires. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, constatant l'absence de comptabilité par procès-verbal du 21 février 2019 et eu égard à l'absence caractérisée de coopération du contribuable qui n'a, ainsi qu'il a été dit, produit aucune pièce comptable, l'a taxé d'office en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.
6. Enfin, si M. A... soutient que la procédure est irrégulière dans la mesure où il était incarcéré et ne pouvait répondre à l'administration dans les délais, il résulte de l'instruction que par un mandat du 14 février 2019, le requérant a mandaté son père, M. C... A..., pour le représenter dans le cadre du contrôle fiscal, a accusé réception des propositions de rectification des 31 juillet 2019 les 10 août suivant et a répondu par des courriels des 4 et 7 septembre 2019. M. A... ayant bien eu connaissance de la procédure en cours, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de ce fait doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. Selon l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
8. Les impositions de M. A... ayant été régulièrement établies d'office en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, celui-ci supporte, en application des dispositions de l'article R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.
9. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Selon l'article 262 du même code : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; " L'article 266 de ce code dispose : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, (...) ". Aux termes de l'article 297 A : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Enfin, il ressort du b. du III de l'article 298 sexies du code général des impôts que les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois après la première mise en service ou qui ont parcouru plus de 6 000 kilomètres constituent des véhicules d'occasion.
10. En l'absence de tout document comptable, l'administration a procédé à une reconstitution de recettes de la société " A... Auto Export " en se basant sur les crédits bancaires figurant sur trois comptes bancaires dont le contribuable était titulaire et identifiés comme étant utilisés dans le cadre de son activité professionnelle par l'enquête menée par la gendarmerie et sur le montant du chiffre d'affaires porté par le requérant lui-même dans ses déclarations de chiffres d'affaires. S'agissant de véhicules d'occasion, l'administration a déterminé la taxe sur la valeur ajoutée collectée selon le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l'article 297 A du code général des impôts. Elle a ainsi calculé un taux de marge en prenant en compte les achats et les ventes des véhicules hors taxe déclarés par M. A... et appliqué ce taux à l'excédent des sommes figurant sur les comptes bancaires précités. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'administration a pris en compte des crédits bancaires correspondants à des cessions de véhicules qui n'appartenaient pas à sa société mais à des sociétés tierces. De même, si M. A... estime que l'administration n'a pas exclu du champ de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations qu'il a réalisées au Togo en application du 1° du I de l'article 262 du code général des impôts, il ne justifie pas pouvoir bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée en cas d'exportation en dehors de l'Union européenne. Dans ces conditions, M. A... ne démontre pas que la méthode de reconstitution, fondée sur les crédits constatés sur les comptes bancaires professionnels et sur le taux de marge bénéficiaire résultant de ses propres déclarations, est erronée et que le montant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé serait exagéré.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : C. Mosser Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC00105