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11/07/2024 | FRANCE | N°22NC00104

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 22NC00104


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, pour un montant global de 5 114 euros.



Par un jugement n° 2007961 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Benoit, demande à la cour :



1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, pour un montant global de 5 114 euros.

Par un jugement n° 2007961 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Benoit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de rectification est irrégulière en l'absence de communication des documents relatifs à l'activité de sa société que l'administration a obtenus auprès de l'autorité judiciaire ;

- ayant opté pour le régime du micro-BIC et de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée, il n'était astreint à aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ; pour estimer qu'il dépasse le seuil fixé à l'article 293 B du code général des impôts, l'administration omet de prendre en compte les cessions de véhicules au Togo et intègre des cessions qu'il n'a pas effectivement réalisées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... exerçait une activité d'achat-revente de véhicules légers par le biais d'une entreprise individuelle " JP A... Auto " sous le régime des micro-entreprises prévu par l'article 50-0 du code général des impôts et avait opté pour le prélèvement libératoire à l'impôt sur le revenu et pour le régime de la franchise en base de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. En l'absence de comptabilité, l'administration a procédé à une reconstitution de recettes et lui a notifié le 27 septembre 2019, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, les bases d'imposition. Elle lui a notamment réclamé un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période vérifiée, d'un montant, en droits et pénalités, de 5 114 euros. Ces impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 16 décembre 2019. M. A... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

3. Alors qu'il ressort de la notification du 27 septembre 2019 que M. A... a été informé que l'administration a obtenu communication des documents comptables relatifs à la micro-entreprise " JP A... Auto " saisis par l'autorité judiciaire auprès du tribunal de grande instance de Sarreguemines, il ne résulte pas de l'instruction et pas davantage des éléments produits par le contribuable qu'il en ait demandé la production à l'administration avant la mise en recouvrement. Par suite, le requérant, qui n'établit au demeurant pas même avoir formulé une telle demande au cours de la procédure contentieuse antérieure à la présente instance, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. L'article L. 66 du livre des procédures fiscales dispose : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Selon l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

5. D'une part, l'article 50-0 du code général des impôts dans sa version alors applicable dispose : " 1. Sont soumises au régime défini au présent article pour l'imposition de leurs bénéfices les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au cours de l'année de référence, respecte les limites mentionnées au 1° du I de l'article 293 B, (...) ". Selon l'article 293 B du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France, à l'exclusion des redevables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsqu'ils n'ont pas réalisé : 1° Un chiffre d'affaires supérieur à : a) 82 200 € l'année civile précédente ; / b) Ou 90 300 € l'année civile précédente, lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a pas excédé le montant mentionné au a ; (...) / II. - 1. Le I cesse de s'appliquer : a) Aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse le montant mentionné au b du 1° du I ; (...) / 2. Les assujettis visés au 1 deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Selon l'article 262 du même code : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; " L'article 266 de ce code dispose : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, (...) ". Aux termes de l'article 297 A : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Enfin, il ressort du b. du III de l'article 298 sexies du code général des impôts que les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois après la première mise en service ou qui ont parcouru plus de 6 000 kilomètres constituent des véhicules d'occasion.

7. En l'absence de tout document comptable, l'administration a procédé à une reconstitution de recettes de la société " JP A... Auto " en se fondant sur les achats réalisés auprès de la société WKDA et sur les documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire. Pour déterminer le montant des ventes réalisées, l'administration a pris en compte les prix de vente dont elle avait connaissance et pour les autres véhicules vendus, elle a appliqué un taux de marge moyen, calculé en fonction des marges de trois entreprises exerçant une activité similaire et a abouti à une marge bénéficiaire de 1,09 pour l'exercice clos en 2016 et 1,21 pour l'exercice clos en 2017. L'administration a ainsi établi que le chiffre d'affaires de M. A... s'établissait à 133 706 euros au titre de l'année 2016 et à 171 472 euros au titre de l'année 2017. En se bornant à soutenir que le chiffre d'affaires établi par l'administration en se fondant sur les prix d'acquisition des véhicules auxquels elle a appliqué un taux de marge serait erroné car ce taux serait injustifié, M. A..., qui ne propose pas de méthode de reconstitution de recettes alternative, ne démontre pas que la méthode utilisée est radicalement viciée ou excessivement sommaire. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a estimé que le chiffre d'affaires de la société dépassait les seuils fixés à l'article 293 B précité au titre des années 2016 et 2017 et a considéré que le requérant ne bénéficiait pas d'une franchise le dispensant de payer la taxe sur la valeur ajoutée et aurait dû souscrire des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée à compter du premier jour du mois au cours duquel ce seuil a été dépassé.

8. En l'absence de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, les impositions assignées à M. A... ayant été régulièrement établies d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, celui-ci supporte, en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.

9. S'agissant de véhicules d'occasion, l'administration a déterminé la taxe sur la valeur ajoutée collectée selon le régime applicable, celui de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l'article 297 A du code général des impôts et a réclamé à M. A... un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 5 114 euros au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. Si M. A... estime que l'administration n'a pas exclu du champ de la taxe sur la valeur ajoutée les exportations qu'il a réalisées au Togo en application du 1° du I de l'article 262 du code général des impôts, il se borne à produire deux factures de sa société à la société Oy sise à Lomé et un tableau récapitulatif manuscrit faisant état d'exportations au Togo. Ce faisant, faute d'éléments probants produits, le requérant ne peut être regardé comme apportant l'un des documents prévus au d) du 1 de l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts pour bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée en cas d'exportation en dehors de l'Union européenne. En outre, si certaines cessions réalisées par la société étaient effectuées de telle sorte que celle-ci n'apparaisse pas en tant que propriétaire du véhicule cédé, il ressort des documents communiqués par l'autorité judiciaire que la société a acheté les véhicules cédés à des clients français à la société WKDA et en était donc bien propriétaire. Enfin, les pièces produites, à savoir deux assignations et un avis d'immobilisation d'un véhicule qui ne sont pas adressés au requérant mais à son fils M. B... C..., ne permettent pas à elle seules de démontrer que la vente de ces véhicules a été comptabilisée à tort dans les comptes de la société " JP A... Auto ". Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions en litige.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions y compris celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : C. Mosser Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC00104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00104
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SCP ORIENS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22nc00104 ?
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