Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2208566 du 6 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai et le 21 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Thalinger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation sous astreinte de 155 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ; il a présenté une demande de titre de séjour en cours d'instruction ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le 1° dans la mesure où il avait déposé une demande de titre de séjour le 11 mai 2022 complétée le 15 décembre 2022, pour laquelle il n'a pas reçu de réponse ; il aurait dû se voir délivrer un récépissé de demande de titre de séjour en vertu de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la mesure d'éloignement ne pouvait être fondée sur le 2° dès lors que cet alinéa ne s'applique qu'aux étrangers entrés régulièrement sur le territoire français ; elle ne pouvait davantage être fondée sur le 5° dès lors qu'il est présent en France depuis plus de 3 mois et ne peut être considéré comme se trouvant en situation irrégulière dès lors qu'il a déposé une demande de titre de séjour en cours d'instruction, par ailleurs l'arrêté attaqué n'indique pas en quoi sa présence constituerait une menace à l'ordre public, alors au demeurant que les pièces produites ne font état d'aucune condamnation définitive ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; à la date de l'arrêté attaqué il était présent en France depuis plus de 13 ans ; ses parents sont décédés en Algérie ;
En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La préfète du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 8 mai 1985, est entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, en août 2009. Il a fait l'objet de mesures d'éloignement édictées les 11 mars 2014, 1 février 2019, 26 mai 2020 et 24 octobre 2021, auxquelles il n'a pas déféré. Par un arrêté du 20 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an. Par un jugement du 6 février 2023, dont l'intéressé relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a adressé au bureau des titres de séjour de la préfecture du Bas-Rhin une demande datée du 9 mai 2022, reçue le 11 mai 2022, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle a pour objet la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien modifié. Si la préfète indique, dans l'arrêté litigieux, qu'une demande de titre de séjour présentée par l'intéressé aurait fait l'objet d'un refus le 28 juillet 2022, elle ne produit pas cette décision de rejet, dont l'existence est contestée. Toutefois et en tout état de cause, la demande de l'intéressé du 11 mai 2022 doit être regardée comme ayant fait l'objet d'un refus implicite en date du 11 septembre 2022 par application des dispositions combinées des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors que la seule production, par M. B..., de l'accusé de réception postal d'un pli par la préfecture le 15 décembre 2022 ne permet pas de tenir pour établi qu'il aurait, à cette date, présenté une nouvelle demande de titre de séjour, l'intéressé, qui est entré irrégulièrement en France, ne peut ainsi être regardé comme pourvu, à la date de la décision litigieuse le 22 décembre 2022, d'un titre de séjour en cours de validité. Il entrait ainsi dans les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité qui permettaient de l'obliger à quitter le territoire français, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la mesure d'éloignement pouvait également être fondée sur le 2° ou le 5° de cet article. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il résulte des termes de la décision attaquée que la préfète a examiné la situation de l'intéressé avant de prononcer la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le doit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.
7. Il ressort des pièces du dossier que la durée de présence en France de l'intéressé est pour l'essentiel due à son maintien irrégulier sur le territoire en dépit de quatre mesures d'éloignement. M. B..., célibataire et sans enfants, ne justifie pas de l'intensité de ses attaches privées et familiales en France et n'établit ni même n'allègue avoir rompu ses liens avec son pays d'origine où résident ses frères et sa sœur. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont la décision attaquée serait entachée au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité des autres décisions attaquées :
8. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
9. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 février 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Wurtz, président,
Mme Bauer, présidente-assesseure,
M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC01465 2