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02/07/2024 | FRANCE | N°21NC01914

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 juillet 2024, 21NC01914


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 8 février 2020 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Alfred Dornier lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion définitive du service.



Par un jugement n° 2000613 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 8 février 2020 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Alfred Dornier lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion définitive du service.

Par un jugement n° 2000613 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juillet 2021 et le 28 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Landbeck, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 8 février 2020 par laquelle le directeur de l'EHPAD Alfred Dornier lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion définitive du service ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'EHPAD Alfred Dormier de le réintégrer dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder à la régularisation de sa situation administrative et financière ;

4°) de mettre à la charge du département de l'EHPAD Alfred Dormier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé concernant la matérialité des faits qui sont établis et de ceux qui ne le sont pas ;

- la régularité de la composition du conseil de discipline n'est pas établie ;

- le conseil de discipline n'a pas pris connaissance, en sa présence, du dossier qu'il avait produit et rien n'établit qu'il a été examiné par les membres du conseil, en méconnaissance des droits de la défense ;

- les faits qui lui sont reprochés concernant son état d'ébriété manifeste, les menaces de mort à l'égard de collègues, l'absence d'exécution de toutes ses tâches ne sont pas établis ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, l'EHPAD Alfred Dornier, représenté par la société d'AARPI Themis, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 91-45 du 14 janvier 1991 ;

- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté, par un contrat à durée déterminée du 24 août 2017, en qualité d'agent d'entretien qualifié, par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Alfred Dormier. Son contrat a été renouvelé jusqu'à sa nomination en qualité de stagiaire à compter du 1er juillet 2019 pour une durée d'un an dans le corps des personnels ouvriers au grade d'agent d'entretien qualifié. Il occupait un poste de cuisinier. Reprochant à l'intéressé d'avoir eu un comportement inadapté le 1er janvier 2020 envers le personnel et les résidents, le directeur de l'établissement l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 2 janvier 2020. Après avoir consulté le conseil de discipline, le directeur de l'EHPAD a, le 8 février 2020, prononcé à l'encontre de M. B... la sanction d'exclusion définitive du service à compter du 14 février 2020. Par un jugement du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette sanction disciplinaire. L'intéressé fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des points 10 et 11 du jugement attaqué que les premiers juges ont, par une motivation suffisante, mentionné, parmi les griefs retenus par le directeur de l'EHPAD pour fonder la sanction contestée, ceux qui étaient établis et de nature à constituer une faute justifiant une sanction disciplinaire à l'encontre de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu aux termes de l'article 2 du décret du 12 mai 1997 : " Les agents stagiaires sont soumis aux dispositions des lois du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 susvisées et à celles des décrets pris pour leur application dans la mesure où elles sont compatibles avec leur situation particulière et dans les conditions et sous les réserves prévues par le présent décret ". Aux termes de l'article 20 de ce même décret : " (...) Les sanctions autres que l'avertissement et le blâme sont prononcées après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 34 du présent décret, siégeant en conseil de discipline (...) ". Aux termes de l'article 34 de ce décret : " Les questions d'ordre individuel résultant de l'application des articles 9 et 20 du présent décret sont soumises pour avis à la commission administrative paritaire du corps dans lequel l'agent stagiaire concerné a vocation à être titularisé. / La commission comprend alors, en qualité de représentants du personnel, les membres qui représentent le grade de début du corps et ceux qui représentent le grade immédiatement supérieur (...) ".

5. Aux termes de l'article 43 du décret du 18 juillet 2003 : " Les membres des commissions administratives paritaires départementales et locales sont désignés pour une durée de quatre ans. Leur mandat peut être renouvelé. (...) ". L'article 2 de ce même décret, dans sa version applicable, dispose que " Les corps de fonctionnaires de catégories A, B et C relèvent de dix commissions administratives paritaires distinctes : (...) / 3° Trois commissions pour les corps de catégorie C. / Chacune de ces commissions est constituée d'un groupe unique, ce dernier étant lui-même constitué de sous-groupes rassemblant les corps, grades et emplois hiérarchiquement équivalents, conformément au tableau annexé ci-après. (...) ". L'annexe à ce décret, dans sa version applicable au litige, prévoit pour les corps de catégorie C que la commission administrative paritaire n° 7 compétente pour le personnel de la filière ouvrière et technique comporte un groupe unique composé de deux sous-groupes, le sous-groupe 2 étant compétent, notamment, pour les agents d'entretien qualifiés.

6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour les fonctionnaires de catégorie C relevant de la filière ouvrière et technique, comme le requérant, la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline comprend des représentants du personnel qui appartiennent aux mêmes groupe et sous-groupe que l'agent poursuivi et qui ont le même grade que lui ou celui immédiatement supérieur. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal du conseil de discipline et des documents produits par l'EHPAD à la suite d'une mesure d'instruction, que, s'agissant des représentants du personnel, les deux membres de la CAP n° 7 qui ont siégé au conseil de discipline le 7 février 2020, régulièrement élus lors des élections des représentants du personnel de 2018, appartenaient au même groupe et au même sous-groupe que M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline au regard des articles 34 du décret du 2 mai 1997 et de l'article 43 du décret du 18 juillet 2003 doit être écarté.

7. M. B... soutient également que l'un des représentants du personnel siégeant au conseil de discipline n'aurait pas dû participer à l'examen de son cas. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet agent aurait témoigné contre l'intéressé, qu'il aurait manifesté à son encontre une animosité particulière ou qu'il aurait manqué d'impartialité à son égard. Par suite, la présence de cette personne dans le conseil de discipline n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 7 novembre 1989 : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce même décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte en début de séance à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et du rapport mentionné à l'article 1er. / Ce rapport et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) ".

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a remis, lors de la séance du conseil de discipline, un dossier de plus de cent pages qui n'a pas été lu en sa présence par le président de cette instance, il ressort du procès-verbal, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire et dont les mentions ne sont pas contredites par l'attestation de la personne qui assistait le requérant, que ce dernier et la personne qui l'accompagnait ont été en mesure de formuler oralement des observations au cours de la séance et ont eu la parole en dernier. Par ailleurs, le procès-verbal mentionne que les membres du conseil de discipline ont pris connaissance du dossier remis le jour même de la séance. Dans ces conditions et à supposer même que la lecture d'observations écrites remises dans de telles circonstances constituerait en principe une garantie, M. B... n'a, en tout état de cause, été privé en l'espèce d'aucune garantie. De même, l'absence de lecture en séance dudit dossier n'a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 6 et 9 du décret du 7 novembre 1989 ainsi que des droits de la défense doit être écarté.

11. En dernier lieu, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. Il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement des attestations produites aux débats, que dans la matinée du 1er janvier 2020, M. B... a été vu en cuisine en train de fumer en méconnaissance du règlement intérieur et de consommer de l'alcool à la bouteille. Plusieurs aides-soignantes ont constaté, lors du service du déjeuner et en début d'après-midi, que l'intéressé marchait en titubant et avait un comportement anormal, se manifestant notamment par le fait de danser dans le réfectoire en se caressant le ventre, ou encore de s'allonger, torse nu, sur un charriot en criant qu'il volait. Si la direction de l'établissement tolère, ainsi que le relève M. B..., qu'exceptionnellement, comme en l'espèce le jour de l'an, le personnel boive un verre d'alcool, les attestations produites au dossier établissent suffisamment la consommation excessive d'alcool qui lui est reprochée.

13. Lors de ce service, M. B... a aussi eu un comportement inapproprié à l'égard d'une résidente ainsi qu'à l'égard de ses collègues, notamment en tenant des propos sexistes à l'encontre de l'une d'elles. Le rapport disciplinaire, corroboré par des témoignages, mentionne également que M. B..., après avoir quitté son service, est revenu dans l'établissement dans le milieu de l'après-midi et a adopté un comportement menaçant vis-à-vis de ses collègues, qui, apeurées, se sont retranchées dans une pièce fermée à clef. Les perturbations causées au service par l'intéressé n'ont cessé qu'à la suite de l'intervention des services de gendarmerie appelés par le personnel. Les attestations produites par le requérant provenant de la cuisinière et d'une autre collègue ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité de ces faits et son état d'ivresse manifeste, qui se déduit de sa désinhibition, ainsi que les menaces qu'il a proférées à l'encontre de membres du personnel, qui sont établies par les témoignages précis et concordants produits par l'EHPAD. Par suite et quand bien même l'absence de préparation de plats mixés et de cafés ne serait pas imputable à l'intéressé, les autres faits, dont la matérialité est établie, sont constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

14. Eu égard à la nature et à la gravité du comportement de M. B..., qui était en période probatoire, et des effets que ce comportement a provoqué sur le fonctionnement du service, le directeur de l'EHPAD Alfred Dornier n'a pas pris une sanction disproportionnée en décidant l'exclusion définitive de fonctions du requérant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD Alfred Dornier, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée, au même titre, par l'EHPAD Alfred Dornier.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Alfred Dornier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Alfred Dornier.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01914 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01914
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : LANDBECK

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;21nc01914 ?
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