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02/07/2024 | FRANCE | N°21NC00263

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 juillet 2024, 21NC00263


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg :

- d'une part, l'annulation de l'arrêté rectificatif du 29 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Cosswiller a délivré à la société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) Amelogis un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement situé rue de l'Eglise et de la décision du 4 octobre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 17 septembre 2019 ;

- d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg :

- d'une part, l'annulation de l'arrêté rectificatif du 29 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Cosswiller a délivré à la société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) Amelogis un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement situé rue de l'Eglise et de la décision du 4 octobre 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 17 septembre 2019 ;

- d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le maire de la commune de Cosswiller a délivré à la SCIC Amelogis un permis d'aménager en vue de la création d'un lotissement situé rue des Prés et de la décision implicite par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 21 novembre 2019.

Par jugement n° 1909057-2002053 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 25 janvier 2021 et le 10 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Forrer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler le permis d'aménager rectificatif délivré le 29 juillet 2019, subsidiairement, ensemble avec le permis du 6 mai 2019 ;

3°) d'annuler le permis d'aménager délivré le 20 septembre 2019 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cosswiller une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête n'est pas tardive dès lors que la requête d'appel a été enregistrée non le 15 février mais le 25 janvier 2021 ;

- elle est motivée et comporte une critique du jugement de première instance conformément à l'article L. 411-1 du code de justice administrative ;

- l'intérêt pour agir s'apprécie au vu des circonstances de droit et de fait à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des circonstances postérieures ;

En ce qui concerne la légalité du permis d'aménager rectificatif du 29 juillet 2019 et du permis d'aménager du 6 mai 2019 :

- le permis d'aménager délivré le 6 mai 2019 n'a pu devenir définitif, l'insuffisance des mentions d'affichage ayant fait obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux ; le tribunal devait ainsi examiner les moyens invoqués par la requérante reprenant ceux du recours gracieux du 17 septembre 2019 ;

- ni l'arrêté initial du 6 mai 2019 ni l'affichage opéré sur le terrain ne faisaient apparaître la raison sociale du pétitionnaire ;

- l'arrêté rectificatif du 29 juillet 2019 doit être regardé comme un permis initial dès lors qu'il procède à une substitution de bénéficiaire, la SCIC Amelogis, distinct de celui choisi par le conseil municipal dans sa délibération du 6 novembre 2017, la société Amelogis ;

- la société bénéficiaire ne disposait pas de la maîtrise des terrains nécessaires, sauf à préjuger du prélèvement ultérieur d'une bande de terrain sur une largeur de 2 mètres sur toute la longueur de la parcelle 844 lui appartenant ;

En ce qui concerne la légalité du permis d'aménager du 20 septembre 2019 :

- l'accès au second terrain de la parcelle n° 870 ne pouvait être assuré que par une emprise de 2 mètres à prélever sur sa parcelle n° 844 contiguë ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le fait que la notice descriptive du projet précise que l'accès à la zone se ferait principalement au croisement de la rue des Prés et de la rue Principale ainsi que grâce à la connexion de la première tranche du projet, n'exclut pas l'accès par la rue de l'Eglise au moyen de l'emplacement réservé empiétant sur sa parcelle n° 844 puisqu'il s'agit principalement de la connexion avec la première tranche du projet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 novembre 2021 et le 19 octobre 2022, la commune de Cosswiller, représentée par Me Muller-Pistré, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive dès lors qu'elle n'a été enregistrée que le 15 février 2021, alors que le jugement a été rendu le 26 novembre 2000 ;

- elle est irrecevable au regard des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance et n'indique pas les motifs de fait et de droit propres à emporter l'annulation du jugement attaqué ;

- la requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir ; ;

- elle n'est par ailleurs plus recevable à attaquer le permis d'aménager initial du 6 mai 2019 ;

En ce qui concerne l'arrêté du 29 juillet 2019 :

- le moyen soulevé tiré de l'absence d'indication de la raison sociale du pétitionnaire ne peut qu'être écarté dès lors qu'il est dirigé contre l'arrêté initial, modifié sur ce point par l'arrêté rectificatif ;

En ce qui concerne l'arrêté du 20 septembre 2019 :

- le moyen tiré de ce que la société n'aurait pas la maîtrise foncière des terrains manque en fait ; Mme B... n'est par ailleurs pas propriétaire de la parcelle n° 871, qui appartient à l'établissement public foncier ; elle ne démontre aucune atteinte à son droit de propriété, et ne se prévaut d'aucune règle d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune et opposable au projet ;

- l'accès au second terrain de la parcelle n° 870 est prévu par un couloir de chaussée de 4 mètres de large longeant le terrain contigu de la parcelle n° 844 de la requérante, cette dernière étant suffisante, la référence dans la note de présentation du projet à un éventuel futur élargissement est sans emport sur la légalité du permis d'aménager, par ailleurs délivré en l'absence de document d'urbanisme en vigueur sur le territoire de la commune et par seule référence au règlement national d'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 21 février 2022, la société Amelogis, représentée par Me Soler-Couteaux, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le permis d'aménager initial du 6 mai 2019 est devenu définitif ;

- la mention d'un élargissement futur de la voie d'accès au terrain d'assiette du lotissement sous couvert de l'emplacement réservé ne figure que dans la notice jointe au dossier de demande de permis d'aménager autorisé par l'arrêté du 6 mai 2019, dont la requérante n'a pas sollicité l'annulation ; la notice descriptive du projet autorisé par l'arrêté du 20 septembre 2019 se borne à préciser que l'accès à la zone se fera principalement au croisement de la rue des Prés et de la rue Principale, ainsi que par la connexion avec la première tranche du projet ; le plan de composition reproduit au sein de cette notice confirme par ailleurs la localisation des accès et la largeur retenue pour les voies internes au lotissement, dont le tracé n'a aucunement vocation à empiéter sur la parcelle cadastrée section A n° 844, dès lors qu'il est intégralement projeté sur la parcelle voisine, cadastrée section A n° 870 ;

- en tout état de cause, la requérante ne se prévaut d'aucune règle d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune et opposable au projet.

Les parties ont été informées, par un courrier du 31 mai 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêté du 6 mai 2019 portant permis d'aménager initial qui sont nouvelles en appel.

Par un courrier du 6 juin 2024, Mme B..., représentée par Me Forrer, a présenté des observations en réponse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 mai 2019, le maire de la commune de Cosswiller a délivré à la société Amelogis un permis d'aménager portant sur la création d'un lotissement dit " A... de village " sur un terrain sis rue de l'Eglise et comportant 2 lots. Mme B... a formé un recours gracieux le 12 juillet 2019 pour en solliciter le retrait, expressément rejeté par une décision du 30 juillet 2019. Par un arrêté du 29 juillet 2019, le maire a rectifié une erreur matérielle contenue dans le permis d'aménager du 6 mai 2019 concernant la dénomination sociale du demandeur. Par un nouveau recours gracieux du 17 septembre 2019, Mme B... a présenté une demande de retrait de l'arrêté portant permis d'aménager rectificatif, rejetée par une décision du 4 octobre 2019.

2. Par un arrêté du 20 septembre 2019, le maire de la commune de Cosswiller a délivré à la société Amelogis un permis d'aménager portant sur la création d'un lotissement dit " A... de village 2 " sis rue des Prés et comportant 14 lots. Mme B... a effectué un recours gracieux le 21 novembre 2019 à l'encontre de cette seconde opération, lequel a été implicitement rejeté.

3. La requérante a sollicité auprès du tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2019 portant permis d'aménager rectificatif relatif à la première opération et de l'arrêté du 20 septembre 2019 portant permis d'aménager pour la seconde. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 26 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêté initial portant permis d'aménager du 6 mai 2019 :

4. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces conclusions, qui ne peuvent être regardées comme ayant été soulevées en première instance, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant permis rectificatif du 29 juillet 2019 :

5. En premier lieu, Mme B... soutient que le permis d'aménager délivré le 6 mai 2019 relatif à la première opération de lotissement n'est pas devenu définitif, de sorte que le tribunal devait ainsi examiner à l'encontre de l'arrêté du 29 juillet 2019 les moyens dirigés contre l'arrêté initial.

6. Toutefois, à supposer qu'elle ait ainsi entendu soulever, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté initial du 6 mai 2019, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que cet arrêté ne constitue pas la base légale de l'arrêté rectificatif, et que ce dernier n'a pas davantage été pris pour son application.

7. L'autorité compétente peut délivrer au titulaire d'un permis d'aménager en cours de validité un permis modificatif tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée et dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Par ailleurs, à l'occasion de la seule contestation du permis modificatif, les moyens tirés des vices propres au permis d'aménager initial devenu définitif sont inopérants.

8. En l'espèce, l'arrêté litigieux du 29 juillet 2019 se borne à rectifier une erreur matérielle de dénomination du pétitionnaire, remplaçant les termes de " SCI Amelogis " par " SCIC Amelogis ". Contrairement aux allégations de la requérante et alors qu'il résulte des délibérations du conseil municipal relatives à l'opération de lotissement qu'aucun doute ne subsiste sur le choix de la société bénéficiaire du permis d'aménager, cet arrêté ne procède pas à une substitution de bénéficiaire et ne modifie en rien l'objet du permis. Il doit donc être regardé comme un permis modificatif, de sorte que la requérante était seulement fondée à se prévaloir des vices propres entachant l'arrêté du 29 juillet 2019. Il s'ensuit que la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir des vices susceptibles d'affecter seulement la légalité de l'arrêté portant permis initial du 6 mai 2019 et relatifs à l'absence alléguée de maîtrise foncière des terrains nécessaires à l'opération par la société Amelogis et à l'atteinte à son droit de propriété.

9. En second lieu, si la requérante a également entendu soutenir que le panneau d'affichage afférent à l'arrêté litigieux du 29 juillet 2019 n'indique pas davantage la dénomination sociale du pétitionnaire, en méconnaissance des dispositions de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme, une telle omission, postérieure à l'arrêté, est en tout état de cause sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté portant permis d'aménager du 20 septembre 2019 :

10. Mme B... se prévaut de l'atteinte à son droit de propriété qu'engendre cette opération, dans la mesure où la desserte du lotissement impliquerait selon elle une expropriation partielle de 2 mètres à prélever sur sa parcelle n° 844.

11. Toutefois, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, la mention d'un éventuel futur élargissement de la voie sur la parcelle 844 de la requérante ne figure que dans le dossier du premier permis d'aménager concernant le lotissement rue de l'Eglise et autorisé par l'arrêté du 6 mai 2019, qui n'a pas été contesté et est devenu définitif. Il ressort du dossier de demande de permis d'aménager du lotissement rue des Prés autorisé par l'arrêté du 20 septembre 2019 qu'il mentionne seulement que l'accès principal au lotissement se fera par la rue des Prés, au sud du site. Si un autre accès est prévu par le dossier de demande de permis en connexion avec la première tranche du projet rue de l'Eglise, il ne saurait en être inféré qu'un empiètement serait prévu à cet effet sur la parcelle n° 844. Le moyen tiré par la requérante de l'atteinte à son droit de propriété ne peut ainsi et en tout état de cause qu'être écarté, alors qu'elle ne se prévaut d'aucune règle d'urbanisme applicable sur le territoire de la commune et opposable au projet.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de

non-recevoir soulevées, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés attaqués.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les conclusions présentées à ce titre par la requérante, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées.

14. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante des sommes de 1 000 euros à verser à la commune de Cosswiller et la société Amelogis au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Cosswiller une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Mme B... versera à la société Amelogis une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., à la commune de Cosswiller et à la société Amelogis.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 21NC00263 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00263
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;21nc00263 ?
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