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20/06/2024 | FRANCE | N°24NC00705

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 20 juin 2024, 24NC00705


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 5 juillet 2023 par lesquels la préfète des Vosges leur a refusé un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire national, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office, et les a interdits de retour sur le territoire pendant une année.



Par un jugement n°s 2302403 et 2302404 du 7 décembre 2023, la magistrate dési

gnée du tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 5 juillet 2023 par lesquels la préfète des Vosges leur a refusé un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire national, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office, et les a interdits de retour sur le territoire pendant une année.

Par un jugement n°s 2302403 et 2302404 du 7 décembre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête enregistrée le 21 mars 2024, sous le numéro 24NC00705, Mme C... B..., représentée par Me Géhin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, et de lui délivrer dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des frais de première instance et de 1 800 euros au titre des frais d'appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été répondu au moyen de la méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour : a été pris en violation du droit à être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 dont elle remplit toutes les conditions ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard de ces dispositions ; méconnaît les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 relatives à l'insertion par le travail ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est entachée d'erreur de droit en ce que sa demande n'a pas été examinée sur le terrain du pouvoir discrétionnaire de l'administration ;

- l'obligation de quitter le territoire a été prise en violation du droit d'être assisté par un avocat et du droit à être entendu ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; étant entrée régulièrement sur le territoire et étant présente depuis moins de quatre-vingt-dix jours sur le territoire, elle a droit à la libre circulation dans l'espace Schengen et elle ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2024, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

II.) Par une requête enregistrée le 21 mars 2024, sous le numéro 24NC00706, M. A... B..., représenté par Me Géhin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, et de lui délivrer dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des frais de première instance et de 1 800 euros au titre des frais d'appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été répondu au moyen de la méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour : a été pris en violation du droit à être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 dont il remplit toutes les conditions ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard de ces dispositions ; méconnaît les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 relatives à l'insertion par le travail ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est entachée d'erreur de droit en ce que sa demande n'a pas été examinée sur le terrain du pouvoir discrétionnaire de l'administration ;

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise en violation du droit d'être assisté par un avocat et du droit à être entendu ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; étant entré régulièrement sur le territoire et étant présente depuis moins de quatre-vingt-dix jours sur le territoire, il a droit à la libre circulation dans l'espace Schengen et il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2024, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. et Mme B... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par décisions du 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le règlement (UE) n° 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant albanais né le 8 novembre 1974, déclare être entré en France pour la première fois le 27 juin 2016, accompagné de son épouse. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 décembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 23 mars 2017. Le 28 août 2020, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Sa demande a été rejetée et il a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... a fait l'objet d'un placement en rétention et a été éloigné à destination de l'Albanie. Il a toutefois été interpellé le 23 mai 2023 par les services de la gendarmerie de Bruyères (Vosges) et a fait l'objet d'une retenue administrative aux fins de vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 23 mai 2023 la préfète des Vosges l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, la préfète des Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours. M. et Mme B... ont, le 23 mai 2023, sollicité leur admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au titre du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet. Par des arrêtés du 5 juillet 2023, la préfète des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés et, en ce qui concerne M. B..., a également procédé au retrait de l'autorisation provisoire de séjour valable qu'il détenait jusqu'au 8 août 2023 à la suite de l'annulation, par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy par un jugement n° 2301594 du 6 juin 2023, de la décision du 23 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai le concernant. Par les deux requêtes ci-dessus visées qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 7 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement attaqué s'est prononcé sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée eu séjour des étrangers et du droit d'asile qu'ils avaient soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait irrégulier.

Sur la régularité des arrêtés pris dans leur ensemble :

3. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, à l'occasion du dépôt de sa demande, est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

4. Si M. et Mme B... soutiennent qu'ils ont été privés du droit d'être entendu, ils ne se prévalent d'aucun élément pertinent qu'ils auraient été empêchés de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu des décisions attaquées. En outre, il ressort des pièces du dossier que les requérants ont pu faire valoir, antérieurement à l'intervention des décisions en litige, à la fois leurs observations écrites, le 23 mai 2023, et leurs observations orales, le 28 juin 2023. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, invoqué à l'encontre des refus de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. ". Les requérants ne sauraient se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu'ils étaient en droit de bénéficier d'un entretien, assistés de leur avocat. En effet, ces dernières ne sont applicables ni s'agissant d'une demande de titre de séjour, dès lors que la procédure contradictoire qu'elles prévoient ne trouve pas à s'appliquer lorsqu'il est statué sur une demande, ni s'agissant des autres décisions litigieuses, dans la mesure où il ressort des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français.

Sur la légalité des refus de séjour :

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète des Vosges se serait refusée à examiner les demandes de titres de séjour présentées par les requérants et en particulier sur le fondement de son pouvoir de régularisation. Par suite le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

8. En dépit des démarches entreprises par les requérants pour s'intégrer en France, tenant, pour Mme B..., à son engagement bénévole, à l'apprentissage du français et à son implication dans le suivi de la scolarité de ses trois enfants, respectivement âgés de 13 ans, de 11 ans et de 6 ans à la date des décisions attaquées, et, pour M. B..., à la production de promesses d'embauche provenant d'une même société, de formulaires en vue de conclure un contrat de travail avec un salarié étranger, non visés par l'administration, de contrats d'énergie et d'attestations, peu circonstanciées, les requérants n'apportent aucun élément de nature à justifier de l'intensité de leurs relations avec le frère et la sœur de M. B..., bénéficiaires de la protection subsidiaire. Ils n'établissent pas davantage être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie et où rien ne fait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale et à la poursuite de la scolarité de leurs enfants. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de titre de séjour ont méconnu les normes ci-dessus reproduites et qu'elles seraient entachées d'une appréciation manifestement erronée de leur situation.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire :

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité des refus de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire.

10. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

11. Il résulte des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° de cet article. Il en va ainsi tant lorsque la décision relative au séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire interviennent de façon concomitante que, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire.

12. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le requérant s'est vu refuser l'admission au séjour qu'il avait sollicitée le 23 mai 2023 et retirer l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée, en exécution du jugement n° 2301594 précité du 6 juin 2023. M. B... entrait ainsi dans le champ des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en admettant que la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée ne pouvait être prise sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète des Vosges aurait pris la même décision si elle s'était fondée exclusivement sur le motif tiré du retrait de l'autorisation provisoire de séjour et du refus de délivrer à M. B... un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Mme B... ayant fait l'objet d'une décision de refus de sa demande de titre de séjour du 23 mai 2023, elle se trouvait dans le cas prévu par le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'administration peut obliger un étranger à quitter le territoire.

14. Par les mêmes motifs que ci-dessus, les obligations de quitter le territoire ne méconnaissant pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

15. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité des obligations de quitter le territoire à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.

16. Les moyens tirés de ce que les décisions fixant le pays de destination seraient contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont dépourvus de toute précision utile permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ils ne peuvent qu'être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles liées aux frais des litiges.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., M. A... B..., Me Gehin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 24NC00705 et 24 NC00706

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00705
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;24nc00705 ?
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