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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC02117

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23NC02117


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 18 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2202896 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de B... a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 28 juin 2023, M. A..., représenté par Me J...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 18 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2202896 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de B... a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juin 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour, à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat des sommes de 2 000 euros au titre des frais de première instance et de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour : est insuffisamment motivé ; est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit en ce que l'autorité administrative s'est refusée à examiner sa demande sur les fondements sur lesquels elle était présentée et sur celui de son pouvoir de régularisation ; méconnaît les articles L. 421-3 et R. 5221-3, R. 5221-20 et R. 5221-35 du code du travail en ce qu'il disposait déjà d'une autorisation de travail, L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée ; viole les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les observations de Me Jeannot, assistant M. A....

Une note en délibéré, enregistrée au greffe le 31 mai 2024 et non communiquée, a été présentée pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité camerounaise, né le 1er février 2000, est entré en France le 22 avril 2017. Il a été confié définitivement au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle, par un jugement d'assistance éducative du juge des enfants de B... du 17 décembre 2017, et ce jusqu'à ses dix-huit ans. Par un arrêté du 12 juin 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, et l'a obligé à quitter le territoire français, ces décisions ayant été annulées par le tribunal administratif de B.... M. A... s'est alors vu délivrer un titre de séjour " travailleur temporaire " renouvelé jusqu'au 21 juin 2022. Il en a sollicité le renouvellement les 27 avril, 25 mai et 12 juin 2022. Par un arrêté du 18 août 2022 le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... séjourne en France depuis sa majorité en 2018 sous couvert de titres de séjour en qualité de travailleur temporaire et a toujours occupé un emploi salarié. Il a, en outre, entrepris avec succès une formation lui ayant permis d'acquérir la qualification d'agent de sécurité privée et justifie pouvoir occuper un emploi sous réserve de son droit au séjour. En dépit de ce qu'il est célibataire et sans charges de famille, il justifie, par ailleurs, eu égard aux éléments significatifs qu'il a produits, de son insertion dans la société française et des liens personnels qu'il y a tissés. Dans ces conditions, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour au motif qu'il n'avait pas reçu une autorisation de travail pour un contrat de travail à durée indéterminée, la préfète de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que la préfète de Meurthe-et-Moselle délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié ". Il y a lieu, par suite, de lui enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... ayant été admis à l'aide juridictionnelle, son avocat peut prétendre au bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot, sous réserve qu'elle renonce au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, de la somme globale de 2 000 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans l'instance devant le tribunal administratif et dans la présente instance d'appel s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de B... du 26 janvier 2023 et l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 18 août 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Jeannot, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridique, la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., Me Jeannot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC02117

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02117
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc02117 ?
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