Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206467 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Andreini, demande à la cour :
1°) avant dire-droit, de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée d'erreur de droit, la préfète ayant méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle est entachée d'erreur de droit, la préfète n'ayant pas apporté la preuve de l'existence des possibilités de traitement approprié au Nigéria ;
- en l'absence d'accès aux éléments sur lesquels le collège des médecins s'est fondé pour rendre son avis, la décision en litige méconnaît le droit à un procès équitable, le principe du contradictoire et l'égalité des armes, tels que garantis par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria, qu'elle doit pouvoir conserver le lien thérapeutique avec son psychiatre, et qu'un retour au Nigéria impliquerait un retour sur les lieux des événements ayant conduit à son état clinique ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La préfète du Bas-Rhin a produit des pièces, enregistrées le 3 août 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, et notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane née en 1979, est entrée régulièrement en France le 30 juin 2015. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 mai 2017. Elle a alors sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 31 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Sa situation médicale ayant été réexaminée, l'intéressée s'est vu délivrer un titre de séjour. Toutefois, par un arrêté du 21 juin 2022, le préfet a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
En ce qui concerne l'état de santé de Mme A... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné à l'article R. 425-11, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que la préfète du Bas-Rhin a procédé à l'examen de la situation de Mme A... et qu'elle a tenu compte notamment de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 10 septembre 2021. Si la requérante soutient que la préfète ne s'est fondée sur aucun autre élément pour rejeter sa demande, elle n'allègue ni n'établit lui avoir communiqué d'éléments de nature médicale dont elle aurait dû tenir compte. La préfète pouvait ainsi, dans le cadre de l'examen auquel elle a procédé, s'approprier les termes de l'avis du collège des médecins de l'OFII sans renoncer à son pouvoir d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle se serait cru en situation de compétence liée par cet avis doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour refuser d'admettre Mme A... au séjour en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 10 septembre 2021 dont il ressort que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Compte tenu du sens de cet avis, il appartient à Mme A... de produire des éléments pour remettre en cause cette présomption et, le cas échéant, à la préfète de les contester, la conviction du juge se déterminant au vu de ces échanges contradictoires. Contrairement à ce que Mme A... soutient, il n'appartient pas à la préfète du Bas-Rhin d'établir la preuve de l'existence des possibilités de traitement approprié à son état de santé au Nigéria. La circonstance qu'un précédent avis du collège des médecins de l'OFII ait été favorable à la requérante sur ce point est sans incidence sur la dialectique de la preuve énoncée au point précédent. Par suite, et sans qu'il soit besoin de soumettre une demande d'avis au Conseil d'Etat, la requérante ne saurait utilement soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ".
8. A cet égard, d'une part, l'annexe à l'arrêté du 5 janvier 2017, également intitulée " bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine " (BISPO) se borne à recenser, le cas échéant avec leur adresse, les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées. Cette liste constitue une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins, ceux-ci ayant cependant la faculté de s'appuyer sur d'autres données issues de leurs recherches. Reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. D'autre part, il ne ressort d'aucune obligation légale ou réglementaire ni que le collège des médecins de l'OFII doive regrouper dans un document l'ensemble des recherches effectuées sur chacun des cas qui lui est soumis pour avis, ni que l'administration soit tenue d'élaborer un tel document en vue de sa communication.
9. La requérante soutient que le débat contradictoire est asymétrique et que l'égalité des armes n'est pas respectée, puisqu'elle n'a pas accès à l'ensemble des données sur lesquelles le collège des médecins de l'OFII s'est fondé pour rendre son avis, en particulier à la section restreinte de la base de données dite MedCOI (Medical Countries of Origin Information). Toutefois, ainsi qu'il a été dit, ni le collège des médecins de l'OFII ni l'autorité préfectorale ne sont tenus de faire état de l'ensemble des documents utilisés et des bases de données consultées pour fonder l'avis du collège, tandis que la conviction du juge se détermine, conformément à ce qui a été dit au point 5 ci-dessus, compte tenu de la présomption d'existence ou d'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine résultant du sens de l'avis du collège des médecins ainsi que des échanges contradictoires entre les parties, éclairés le cas échéant par les mesures d'instruction qu'il juge utiles. Dans ces conditions, le débat contradictoire qui se noue devant le juge, et auquel le ressortissant étranger contribue en contestant le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII et en produisant tout élément qui lui semble utile, ne peut être regardé, en soit, comme portant atteinte au principe du contradictoire, à l'égalité des armes et au droit à un procès équitable. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la présomption de ce qu'elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Nigéria serait irréfragable ni à se prévaloir, et en tout état de cause, des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) " ni de celles de l'article 13 de la même convention aux termes desquelles " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale (...) ". Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes duquel " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ", ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces médicales produites par Mme A... qu'elle souffre d'une psychose hallucinatoire chronique, pour laquelle elle bénéficie d'un traitement par antipsychotique et antidépresseur ainsi que d'un suivi psychiatrique mensuel et d'une polyarthrite rhumatoïde immuno-positive, diagnostiquée à l'été 2018, traitée par Salazopyrine compte tenu de son désir de grossesse et nécessitant un suivi biologique ainsi qu'un contrôle semestriel au service rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. D'une part, Mme A... ne conteste pas que les traitements qui lui sont prescrits sont disponibles au Nigéria. Si elle soutient qu'elle n'y aurait pas un accès effectif à son traitement rhumatologique en raison de son prix, les éléments généraux qu'elle produit relatifs notamment à l'absence de couverture de santé généralisée, en particulier pour les personnes qui ne travaillent pas, ne suffisent pas à l'établir, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle avait indiqué avoir été cuisinière dans son pays avant de le quitter en 2015 et qu'il n'est pas allégué qu'elle ne pourrait plus y exercer d'activité professionnelle. Il ressort d'ailleurs des derniers certificats établis par la psychiatre qui la suit régulièrement depuis 2015, alors qu'elle avait été trouvée errante dans la rue, présentant des troubles du comportement avec soliloquie et prostration inquiétante, que son évolution est favorable grâce au traitement psychotrope et à l'étayage social et psychothérapique et qu'elle a notamment pu apprendre le français, s'investir dans des activités bénévoles et exercer une activité professionnelle régulière, comme agent d'entretien. Aussi, si des éléments hallucinatoires restent présents " à bas bruits ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit du faible nombre de psychiatres au Nigéria, Mme A... ne pourrait pas y trouver un thérapeute ni s'y faire prescrire le traitement qui stabilise son état. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le lien thérapeutique entre Mme A... et la psychiatre libérale qui la suit de même que le lien éventuel entre les troubles dont elle souffre et un acte terroriste dont elle aurait été témoin sur la place du marché où elle était commerçante au Nigéria seraient tels qu'ils ne permettraient pas, dans son cas, d'envisager un traitement effectivement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour serait entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la vie privée et familiale de Mme A... :
11. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Mme A..., qui était âgée de 42 ans à la date de la décision en litige, résidait sur le territoire français depuis sept ans. Elle se prévaut d'une activité de bénévolat auprès de la banque alimentaire, dont il ressort qu'elle l'a exercée à raison de trois fois par semaine entre août et octobre 2019. Autorisée à travailler du fait de la délivrance de son titre de séjour le 16 avril 2020, elle justifie avoir été employée à partir du 14 septembre 2020, en qualité d'agent d'entretien, sous contrat à durée déterminée à temps partiel de 2 ans auprès d'une entreprise d'insertion. Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas, alors qu'il n'est pas contesté que Mme A... ne dispose pas d'attaches familiales en France, à considérer qu'elle aurait désormais ancré l'essentiel de sa vie privée sur le territoire. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
No 23NC02088