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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC02076

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23NC02076


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 15 mai 2023 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de leur remise aux autorités italiennes désignées comme responsables de leurs demandes d'asile et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n°s 2300844 et 2300845 du 26 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Besançon a rejeté c

es demandes.



Procédure devant la cour :



I.) Par une requête enregistrée le 26 juin 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 15 mai 2023 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de leur remise aux autorités italiennes désignées comme responsables de leurs demandes d'asile et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n°s 2300844 et 2300845 du 26 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, sous le numéro 23NC02076, M. A..., représenté par Me Diaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que l'Italie est affectée de défaillances systémiques dans la prise en charge des demandeurs d'asile et que sa compagne est enceinte ; la décision de transfert viole ainsi l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité du transfert.

Les parties ont été informées le 27 novembre 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer compte tenu de l'impossibilité d'exécuter les arrêtés attaqués.

Par un mémoire enregistré le 5 février 2024, le préfet du Doubs soutient qu'il y a lieu de statuer, M. A... ayant été déclaré en fuite, l'Italie est toujours responsable de sa demande d'asile.

II.) Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, sous le numéro 23NC02077, Mme C..., représentée par Me Diaz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que l'Italie est affectée de défaillances systémiques dans la prise en charge des demandeurs d'asile et qu'elle est enceinte ; la décision de transfert viole ainsi l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité du transfert.

Les parties ont été informées le 27 novembre 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer compte tenu de l'impossibilité d'exécuter les arrêtés attaqués.

Par un mémoire enregistré le 5 février 2024, le préfet du Doubs soutient qu'il y a lieu de statuer, Mme C... ayant été déclarée en fuite, l'Italie est toujours responsable de sa demande d'asile.

M. A... et Mme C... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par décisions du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 29 avril 1989, et Mme C..., née le 16 juillet 1990, sont ressortissants ivoiriens et sont entrés irrégulièrement en France à une date indéterminée. Le 24 janvier 2023, ils ont demandé leur admission au séjour en qualité de demandeurs d'asile auprès des services de la préfecture de police de Paris. La consultation du fichier Eurodac a fait ressortir que les intéressés avaient été identifiés en Italie, le 22 décembre 2022. L'administration a saisi les autorités italiennes d'une demande de prise en charge des intéressés, à laquelle elles ont donné leur accord explicite le 23 mars 2023. Le préfet du Doubs, par des arrêtés du 15 mai 2023, a décidé de transférer les intéressés vers l'Italie, Etat membre de l'Union européenne responsable selon lui de l'examen de leur demande d'asile et les a assignés à résidence. Par les deux requêtes ci-dessus visées qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. A... et Mme C..., dont il n'est pas contesté qu'ils ont été déclarés en fuite auprès des autorités italiennes, relèvent appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes du 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) /2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le préfet peut refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile au motif que la responsabilité de l'examen de cette demande relève de la compétence d'un autre Etat membre, il n'est pas tenu de le faire et peut autoriser une telle admission au séjour en vue de permettre l'examen d'une demande d'asile présentée en France.

3. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement et la prise en charge des demandeurs d'asile en Italie seraient affectés de défaillances systémiques, il ressort des pièces du dossier que l'état de grossesse de Mme C... a été pris en compte par le préfet et qu'il n'est pas établi qu'il soit incompatible avec la mesure de transfert envisagée. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne démontrent pas que le suivi de la grossesse de Mme C... ne pourra être assuré en Italie de manière similaire à celui entamé en France, le préfet du Doubs, en s'abstenant de faire usage de la clause dérogatoire prévue par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, n'a pas méconnu les dispositions de l'article 17 de ce règlement.

4. Les requérants qui ne font état d'aucun élément particulier à ce titre, ne démontrent pas l'existence d'un risque avéré pour eux d'être soumis en Italie à des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet du Doubs aurait méconnu ces stipulations doivent être écartés.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité des décisions de transfert à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les assignant à résidence.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme C..., ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. A... et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., M. D... A..., Me Diaz et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 23NC02076 et 23NC02077

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02076
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DIAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc02076 ?
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