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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC01740

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23NC01740


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.





Par un jugement n° 2201248 du 25 mars 2022, le magistrat désigné par le président du

tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.

Par un jugement n° 2201248 du 25 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, M. A..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mars 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 février 2022 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'intervalle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- en méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal administratif a commis une erreur manifeste dans l'appréciation en estimant que les informations fournies à l'appui du recours n'étaient ni probantes ni pourvues d'authenticité ;

s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais, né le 17 mai 2003, serait entré en France en août 2021 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Par une décision du 9 novembre 2021, la demande d'asile formée par M. A... a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 2 février 2022, le préfet du Haut-Rhin a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année. M. A... relève appel du jugement du 25 mars 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est entré, à sa majorité, que très récemment en France, au cours du mois d'août 2021. Si la mère de M. A... a bénéficié de l'octroi de la protection subsidiaire le 2 mai 2022 par la Cour nationale du droit d'asile, il ressort toutefois du propre récit de M. A... qu'il n'a pu entretenir que, épisodiquement, des contacts, numériques, à compter de l'année 2020 avec sa mère. Au demeurant, M. A..., jeune majeur, a vocation à constituer sa propre cellule familiale. Par suite, compte tenu de l'extrême brièveté de la présence en France de l'intéressé à la date de la décision contestée et de l'absence de liens intenses et stables noués en France, la décision d'éloignement n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

4. En premier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. En second lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à sa vie ou à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, d'une part et, d'autre part, l'appréciation portée sur eux en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions précitées.

6. M. A... se prévaut de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 mai 2022 accordant le bénéfice de la protection subsidiaire à sa mère pour des violences domestiques et conjugales. Toutefois, M. A... n'établit pas, par son seul récit de vie ainsi que par la teneur des échanges numériques avec sa mère, être personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie. Par ailleurs, M. A..., jeune majeur, qui soutient qu'il ferait l'objet de menaces de mort de la part de son père, n'établit pas que les autorités albanaises refuseraient de le protéger. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin a fixé l'Albanie comme pays à destination duquel M. A... pourra être éloigné, n'a pas méconnu les stipulations précitées.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, comme il vient d'être dit, il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, la décision interdisant à M. A... de retourner sur le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Andreini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC01740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01740
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc01740 ?
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