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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC01710

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23NC01710


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Moselle

pour une durée de quarante-cinq jours.





Par un jugement n° 2302740 du 2 mai 2023, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2302740 du 2 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juin 2023, M. B..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 mai 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 18 avril 2023 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation administrative dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Blanvillain, avocat de M. B..., de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les arrêtés préfectoraux ne sont pas suffisamment motivés ;

s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales les décisions portent une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- il ne présente pas de risque de fuite ;

s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet a commis une erreur d'appréciation de la durée de l'interdiction de retour ;

s'agissant de la décision d'assignation à résidence :

- la mesure est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 28 octobre 1990, est entré régulièrement en France en septembre 2022 sous couvert d'un visa court séjour valable du 13 août au 12 septembre 2023. Par un arrêté du 18 avril 2023, le préfet de la Moselle a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Moselle a assigné M. B... à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 2 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

2. Les décisions contestées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent les fondements. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, d'interdiction de retour sur le territoire français et d'assignation à résidence sont suffisamment motivées contrairement à ce qu'allègue le requérant.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi :

3. En premier lieu, il ne ressort ni des termes des décisions contestées, qui mentionnent l'existence d'un projet de mariage de l'intéressé avec une ressortissante française, ni des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé récemment en France et ne justifie par aucune pièce antérieure à la date des décisions contestées l'existence d'attaches personnelles ou familiales intenses et stables sur le territoire français. Si M. B... justifie, à hauteur d'appel, avoir épousé le 3 mai 2023 une ressortissante française avec laquelle il partagerait une communauté de vie, cette circonstance est postérieure aux décisions contestées. Dans ces conditions, compte tenu de l'extrême brièveté de la relation de M. B... avec cette ressortissante française à la date des décisions contestées, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi n'ont pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait commis une appréciation manifestement erronée des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est maintenu sur le territoire au-delà de la validité de son visa. Il se trouvait ainsi entrer dans le cas prévu au 2° de l'article L. 612-3 précité, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui avait été faite de quitter le territoire français. En se bornant à indiquer qu'il possède un passeport, une résidence effective et de garanties de représentation, M. B..., qui ne critique pas utilement le motif retenu par le préfet pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, ne justifie pas de circonstances particulières permettant de regarder le risque de fuite comme non établi. Le moyen tiré de l'absence de risque de fuite, qui n'est opérant qu'à l'égard de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, doit donc être écarté.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.

10. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision contestée, M. B... ne justifiait pas de l'existence de liens personnels ou familiaux sur le territoire français. Par suite, même en l'absence de menace à l'ordre public ou de précédente mesure d'éloignement, en fixant à une année, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. Le cas échéant, s'il s'y croit fondé, M. B... peut solliciter l'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français en se prévalant de son mariage avec une ressortissante français.

Sur la décision d'assignation à résidence :

11. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

12. En se bornant à soutenir que la décision portant assignation à résidence est disproportionnée, sans plus de précision et sans faire état de circonstances particulières, M. B... n'établit pas que le préfet de la Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en l'assignant à résidence dans le département de la Moselle pour une durée de quarante-cinq jours.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Blanvillain et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC01710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01710
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BLANVILLAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc01710 ?
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