Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1903332 du 25 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a prononcé une réduction des impositions contestées, en droits et pénalités, au titre des années 2014 et 2015 et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 août 2022 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers les remboursements de frais de déplacement qui ont été alloués à M. A... par la SARL PIDC sur le fondement de l'article 111, c du code général des impôts alors que le caractère personnel des déplacements n'est pas démontré et qu'ils justifient de l'utilisation professionnelle du véhicule personnel de M. A... ;
- subsidiairement, si ces sommes devaient néanmoins être regardées comme imposables, elles ne sont susceptibles de l'être que dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts, ce qui impliquerait une réduction des compléments d'impôt sur le revenu et une décharge des compléments de contributions sociales mis à leur charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les remboursements de frais de déplacement dont le caractère professionnel n'est pas justifié sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement des articles 79 et suivants du code général des impôts, s'agissant des sommes allouées à un gérant de fait égalitaire ; il est demandé à la Cour de substituer cette base légale en lieu et place de celle initialement retenue, l'article 111, c du code général des impôts ; cette substitution de base légale ne prive les contribuables d'aucune garantie ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par courrier du 6 mai 2024, les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du juge administratif pour procéder à une substitution de base légale s'agissant des contributions et prélèvements sociaux qui porteraient alors sur des revenus d'activité et non des revenus du patrimoine si la cour faisait droit à la demande de substitution de base légale demandée par le ministre et fondée sur les dispositions des articles 79 et suivants du code général des impôts pour l'impôt sur le revenu.
Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.
Le ministre indique renoncer à demander la substitution de base légale invoquée dans son mémoire en défense du 20 février 2023, soutient que la rectification en litige était fondée à bon droit sur les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et demande, à titre subsidiaire, que leur soient substituées celles du 2° du 1 de l'article 109 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL PIDC, créée le 1er avril 2012, dont M. A... détient les parts à hauteur de 50%, exerce une activité de travaux de peinture et de vitrerie. Cette société, en liquidation judiciaire depuis le 1er décembre 2020, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue du contrôle, par une proposition de rectification du 5 décembre 2017, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, notamment, à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de la période vérifiée, M. A... ayant été regardé comme le gérant de fait de cette société. Parallèlement, M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2014 à 2016. A l'issue du contrôle, par deux propositions de rectification du 14 décembre 2017 et du 28 février 2018, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour l'ensemble des années contrôlées. Les suppléments d'imposition mis à la charge de M. et Mme A... ont été réduits par le service et mis en recouvrement les 31 janvier 2019, 31 mars 2019 et 30 juin 2019 pour un montant total, en droits et pénalités, de 54 508 euros en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 à 2016. M. et Mme A... ont présenté les 13 mars, 17 mai et 5 juillet 2019 trois réclamations visant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires. Ces réclamations ont fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 17 septembre 2019. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 25 août 2022, en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de leur demande.
2. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 80 ter du même code : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. / b Ces dispositions sont applicables : (...) 2° Dans les sociétés à responsabilité limitée : aux gérants minoritaires ". Aux termes de l'article 81 de ce code : " Sont affranchis de l'impôt : / 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet ". Les dirigeants de sociétés mentionnés à l'article 80 ter du code général des impôts qui entendent bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 1° de l'article 81 à raison de sommes que leur a versées leur entreprise, doivent être en mesure de justifier que ces sommes ne constituent pas des allocations forfaitaires et viennent en remboursement de frais effectivement exposés.
4. La SARL PIDC a versé à M. A..., des remboursements de frais kilométriques au cours des années 2014 et 2015 à raison de l'utilisation par ce dernier de deux véhicules personnels dans le cadre du suivi des chantiers menés par la société, correspondant à une distance parcourue, respectivement de 41 192 kilomètres en 2014 et de 50 401 kilomètres en 2015. L'administration a initialement regardé l'ensemble de ces sommes comme constituant des bénéfices distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, en l'absence de justificatifs démontrant la réalité des distances parcourues dans l'intérêt de l'entreprise et le règlement par M. A... des frais, objets des remboursements en litige. Par la suite, tenant compte des justificatifs complémentaires apportés par la société, le service a admis le caractère professionnel des seuls trajets correspondant aux réunions de chantier auxquelles avait participé M. A... et a considéré que les remboursements en cause avaient été exposés dans l'intérêt de l'entreprise à hauteur de 35%.
5. Les requérants soutiennent que les attestations qu'ils versent au dossier corroborent les tableaux détaillant les déplacements professionnels effectués par M. A... ainsi que les dates, lieux et objets des réunions. Ils estiment que, dans ces conditions, les remboursements de frais sont exemptés d'impôt, en application des dispositions du 1° de l'article 81 du code général des impôts. Toutefois, et alors au demeurant que les attestations confirment la participation de M. A... aux réunions de chantiers déjà prises en compte par l'administration, en l'absence de justificatifs démontrant l'utilisation effective à titre professionnel de ses véhicules par le gérant de fait, tels que, notamment, des tickets de péage et des factures de carburant acquittés par ce dernier, les seuls documents versés ne démontrent pas que le surplus des remboursements alloués par la SARL PIDC correspond au remboursement de frais professionnels exonérés d'impôt.
6. Il résulte des dispositions des articles 80 ter, 39 et 111 du code général des impôts que les remboursements de frais de déplacements perçus par un gérant minoritaire de société à responsabilité limitée, auquel sont assimilés les gérants, en droit ou en fait, égalitaires, constituent, en principe, même en l'absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable, en application de l'article 80 ter du code général des impôts, dans la catégorie des rémunérations allouées aux gérants minoritaires de société à responsabilité limitée, sauf si l'administration établit que les sommes correspondantes n'ont pas fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés au personnel ou que leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Dans chacun de ces deux derniers cas, ces sommes sont imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement, respectivement, des c et d de l'article 111 du même code. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les sommes litigieuses ont fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés à M. A... à titre de frais professionnels. Par suite, ces sommes ne pouvaient être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, comme l'a fait le service.
7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".
8. L'administration demande toutefois à titre subsidiaire que les sommes litigieuses soient imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Cette substitution peut en l'espèce être faite sans priver M. et Mme A... d'aucune des garanties prévues par la procédure d'imposition contradictoire qui a été suivie.
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve que les sommes allouées à M. A... à titre de remboursements de frais en litige étaient dépourvues de justificatifs et qu'en l'absence de ces éléments probants, elles étaient dépourvues de tout caractère professionnel. Ces dépenses sont dès lors insusceptibles de se rattacher aux fonctions de dirigeant social de M. A... et ne peuvent qu'être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenus distribués. Il est constant que les sommes litigieuses ont été versées à M. A... au cours des années en litige, l'administration établit ainsi qu'il en a été le bénéficiaire. Par suite, le ministre est fondé à demander que les dispositions ci-dessus reproduites du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts soient substituées à celles du c de l'article 111 du même code comme fondement des impositions litigieuses.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC02614