La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°22NC01015

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 20 juin 2024, 22NC01015


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Kress Technique des Fluides et des Energies (Kress TFE) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2015 et 2016.



Par un jugement n° 2006998 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.



Procédure devant la

cour :



Par une requête enregistrée le 25 avril 2022 sous le n° 22NC01015 et un mémoire enregistré le 24 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Kress Technique des Fluides et des Energies (Kress TFE) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2006998 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2022 sous le n° 22NC01015 et un mémoire enregistré le 24 mai 2024, la SAS Kress TFE, représentée par Me Comin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'absence de pièce justificative de la dette litigieuse de taxe sur la valeur ajoutée collectée s'explique par son ancienneté et le changement de direction ayant entraîné l'arrivée d'un nouvel expert-comptable ; cette écriture ne correspondant pas à une charge, elle n'a pas à être appuyée de justificatif ;

- conformément au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, la dette litigieuse de taxe sur la valeur ajoutée ne peut pas être réintégrée dans le bénéfice en application du 2 de l'article 38 en ce qu'elle a été maintenue au moins 7 ans avant le 1er janvier 2015 (date d'ouverture du premier exercice non prescrit, ce bilan d'ouverture demeurant intangible) dès lors qu'elle rapporte la preuve que cette dette existait à l'ouverture de l'exercice 2007 ;

- c'est à tort, au prix d'une contradiction au demeurant, que l'administration estime que cette dette a pu être justifiée lors de son inscription et qu'elle ne serait devenue injustifiée qu'à partir du moment où son droit de reprise aurait été prescrit ce qui aurait dû conduire à sa réintégration ; en effet, dès lors qu'en l'absence de certitude sur la date de naissance de cette dette de taxe sur la valeur ajoutée, il est impossible de fixer une date de prescription du droit de reprise de l'administration et, en outre, dans un tel cas de figure, la jurisprudence et la doctrine administrative sont en ce sens que les conditions de la prescription du droit de reprise ne sont pas réunies en l'absence de précision sur la nature, l'origine de la dette, faisant obstacle à l'existence d'une reconnaissance de dette au sens de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré lequel ne peut résulter en l'espèce de l'importance de la somme litigieuse et pas davantage d'une prétendue décision de renouveler l'inscription de cette dette au passif alors que c'est au jour où cette dette a été inscrite au bilan qu'il convient de se placer pour établir un éventuel manquement délibéré.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens invoqués par la SAS Kress TFE n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Kress TFE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Par proposition de rectification du 14 décembre 2018, l'administration fiscale l'a informée qu'elle envisageait de procéder, selon la procédure contradictoire de rectification, à des rehaussements de ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des années 2015 et 2016. En réponse aux observations de la société, l'administration a confirmé ces rectifications. Saisie par la société, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est déclarée incompétente par un avis du 2 décembre 2019. Les impositions supplémentaires, assorties de pénalités pour manquement délibéré, ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2020. La réclamation préalable de la société, portant sur la seule réintégration d'une somme de 226 614,06 euros dans le bénéfice de l'année 2015, a été rejetée le 10 septembre 2020. La SAS Kres TFE relève appel du jugement du 15 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires en tant qu'elles procèdent de la réintégration dans le bénéfice imposable de l'année 2015 d'un passif injustifié de 588 434 euros.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...)/ 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ". Il appartient au contribuable de justifier l'inscription d'une dette au passif de son bilan. En application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan. Lorsque les mêmes erreurs ou omissions se retrouvent dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles que retenues pour la détermination du résultat fiscal, elles doivent y être symétriquement corrigées, pour autant que l'administration n'établisse pas qu'elles revêtent, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré. Ces corrections ne peuvent toutefois affecter le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, à moins que le contribuable n'apporte la preuve que les écritures correspondantes procèdent d'erreurs ou omissions commises au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, dont l'administration n'établit pas qu'elles auraient revêtu un caractère délibéré.

3. Il ressort de la proposition de rectification et il n'est pas contesté que la comptabilité de la société requérante comportait un compte 44570700 " TVA Collectée au 31 décembre 2007 " présentant un solde créditeur de 226 614,06 euros. Interrogée sur ce passif, la société Kress TFE a expliqué que cette somme correspondait à de la taxe sur la valeur ajoutée collectée antérieurement au 1er janvier 2008. Estimant que la réalité de ces explications n'était pas justifiée par la société Kress TFE, le service a réintégré cette somme dans le bénéfice imposable de l'année 2015 en application des dispositions ci-dessus reproduites du 2 de l'article 38 du code général des impôts. Si la société requérante soutient qu'elle n'a pas à justifier de cette écriture dès lors qu'il ne s'agit pas d'une écriture de charge, il résulte des règles ci-dessus rappelées qu'au contraire il incombe au contribuable de justifier l'inscription d'une dette à son bilan tandis qu'il résulte de l'article 54 du code général des impôts que la comptabilité doit être appuyée de toutes les pièces de nature à justifier des résultats déclarés. Par suite, alors au surplus que la société a reconnu à plusieurs reprises, en particulier au stade de la commission susvisée et de la réclamation préalable et dans ses écritures devant cette cour, ne pas pouvoir expliquer la nature de la dette litigieuse, c'est à juste titre que le service a regardé cette somme comme un passif injustifié au sens du 2 de l'article 38 du code général des impôts.

4. Si la société requérante soutient que la somme litigieuse, apparaissant au bilan d'ouverture de l'exercice 2015, a été inscrite au passif de son bilan au cours de l'exercice 2007, c'est-à-dire plus de sept ans avant le 1er janvier 2015, date d'ouverture du premier exercice non prescrit, elle n'en justifie pas par la production d'un extrait de grand livre des comptes généraux présenté comme se rapportant à l'exercice clos le 31 décembre 2007, non accompagné des variations des soldes de ce compte entre les années 2007 et 2015, établi en cours de procédure pour les besoins de la cause et alors qu'elle admet qu'il ne lui est pas possible de déterminer à quelle date exacte cette écriture de passif a été inscrite en comptabilité. Il ressort en outre de la proposition de rectification que la société requérante a, au cours de la vérification de comptabilité, fait obstacle aux traitements informatiques prévus par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales visant à vérifier les montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Il résulte de ces éléments que la société requérante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le passif injustifié litigieux, lequel procède au demeurant, comme le relève le ministre en appel, d'une erreur comptable délibérée, aurait été constitué au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit, obligeant l'administration à corriger également le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Dans ces conditions, le moyen invoqué de ce chef par la société requérante, tiré du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, doit être écarté sans qu'il soit besoin de rechercher si, comme le prétend de manière surabondante l'administration, la somme litigieuse constituerait une dette de taxe sur la valeur ajoutée maintenue par erreur au passif à partir du moment où le délai de reprise serait expiré en vertu des articles L. 169 et suivants du livre des procédures fiscales sur la prescription.

Sur les pénalités :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et de son intention délibérée d'éluder l'impôt.

6. Il ressort de la proposition de rectification qu'afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, le service a estimé que c'était délibérément que la société requérante avait maintenu au passif de son bilan de l'exercice 2015 des dettes injustifiées constituées non seulement de la somme ci-dessus analysée de 226 614,06 euros mais également d'une somme de 361 819, 85 euros correspondant au solde créditeur des comptes " taxe sur la valeur ajoutée collectée " et " taxe sur la valeur ajoutée déclarée " dont l'existence, compte tenu de ces montants significatifs, ne pouvait échapper à ses dirigeants. Par ces éléments l'administration rapporte la preuve que les inexactitudes affectant la déclaration de résultat de l'année 2015 à raison de ce passif injustifié résultent d'un manquement délibéré de la part de la société Kress TFE commis au cours de cet exercice. Par suite, la société requérante, qui a agi de manière délibéré et répétée, n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait maintenu ce passif à son bilan à la suite d'une erreur commise de bonne foi.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Kress TFE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Kress TFEe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Kress Technique des Fluides et des Energies (Kress TFE) et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC01015

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01015
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL MC CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;22nc01015 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award