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18/06/2024 | FRANCE | N°23NC02927

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 18 juin 2024, 23NC02927


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel la directrice générale des douanes et droits indirects a prononcé sa mutation sur un emploi de la branche des opérations commerciales pour inaptitude définitive à l'exercice de fonctions dans la branche " surveillance " et d'enjoindre à l'administration de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notificati

on du jugement à intervenir, et à titre subsidiaire, de désigner un expert médecin psychi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 par lequel la directrice générale des douanes et droits indirects a prononcé sa mutation sur un emploi de la branche des opérations commerciales pour inaptitude définitive à l'exercice de fonctions dans la branche " surveillance " et d'enjoindre à l'administration de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et à titre subsidiaire, de désigner un expert médecin psychiatre aux fins d'évaluer son aptitude au port d'arme et par voie de conséquence son aptitude aux fonctions de la branche de la surveillance douanière et d'enjoindre à l'administration, en cas de doute sur l'aptitude au port d'arme, de le réaffecter sur l'emploi aménagé sans arme de la branche de la surveillance au centre opérationnel douanier terrestre (CODT) qu'il occupait précédemment à son reversement dans la branche des opérations commerciales.

Par un jugement n° 2105373 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 septembre 2023, 7 janvier 2024, 1er février 2024 et 13 février 2024, M. B..., représenté par Me Icard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2105373 du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur d'appréciation : contrairement à ce qu'affirment les premiers juges, son état de santé a évolué favorablement depuis l'expertise psychiatrique de novembre 2020 ;

- l'administration, en le mutant sur un emploi de la branche des opérations commerciales, n'a pas pris en compte le traitement médicamenteux et le suivi médical dont il bénéficie et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur son aptitude ;

- l'arrêté du 28 mai 2021 prononçant sa mutation d'office ne pouvait légalement intervenir à la suite de l'annulation de l'arrêté du 8 février 2021, sur lequel il se fonde et qui constitue la base légale de l'arrêté du 28 mai 2021, par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mars 2022, n° 2008396-2008397-2102457 ;

- l'arrêté du 28 mai 2021 est entaché d'une erreur de droit car l'avis d'inaptitude temporaire rendu par le médecin agréé lie l'administration : le non-respect de cet avis l'a privé d'une garantie au sens de la jurisprudence Danthony qui est celle d'être revu en expertise au mois d'août 2021, ce que préconisait également le comité médical dans sa séance du 21 janvier 2021.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 décembre 2023, 17 janvier 2024 et 12 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- si le requérant soutient que le jugement contesté est entaché d'une erreur d'appréciation, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le juge de première instance ; si M. B... allègue que " son état de santé a évolué favorablement depuis l'expertise de novembre 2020 ", il se borne à procéder par voie d'affirmation et n'apporte aucun élément médical à l'appui de ses allégations ;

- la décision attaquée du 28 mai 2021 est conforme à l'intérêt du service et l'état de santé du requérant, contrairement à ce qu'il soutient, justifiait qu'il soit muté dans l'intérêt du service dans la branche opérations commerciales ;

- compte-tenu des particularités des fonctions des agents de la surveillance, nécessitant qu'ils soient armés, l'administration était fondée en raison de l'inaptitude médicale de l'intéressé à prononcer la mutation de celui-ci sur un emploi de la branche commerciale ;

- si l'investissement professionnel est relevé par sa hiérarchie, son inaptitude médicale se traduisant par une inaptitude au port d'arme fait obstacle à ce qu'il occupe un poste dans la branche de la surveillance ;

- si le tribunal administratif de Strasbourg a annulé pour vice de procédure l'arrêté du 8 février 2021, cette circonstance intervenue en 2022 ne pouvait pas être prise en compte par l'administration ni lors de la rédaction de l'arrêté du 28 mai 2021 portant mutation dans l'intérêt du service du requérant, ni au moment de la signature de l'arrêté en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le décret n° 95-380 du 10 avril 1995,

- l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitudes physiques particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de M. B..., présent à l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., contrôleur des douanes titulaire, était affecté à la brigade de surveillance intérieure depuis 2013. Il a été placé en congé de longue maladie du 2 avril 2016 au 1er janvier 2018, congé requalifié par la suite en congé de longue durée. À l'issue de ce congé de longue durée, il a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique dans la branche " opérations commerciales et administration générale " des douanes. M. B... a sollicité sa réintégration dans la branche " surveillance " des douanes. Après avis favorable d'un médecin psychiatre agréé sur son aptitude au port et à l'usage des armes, M. B... a été affecté, par une décision du 24 mai 2019 avec effet au 1er juin 2019, au centre opérationnel douanier terrestre (CODT). Le 11 février 2020, le directeur interrégional des douanes et des droits indirects a placé M. B... d'office en congé de maladie ordinaire au regard " de son comportement et de la multiplication des incidents au sein de son service ". Par un arrêté du 28 mai 2021, dont M. B... a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Strasbourg, la directrice générale des douanes et droits indirects a prononcé sa mutation sur un emploi de la branche des opérations commerciales pour inaptitude définitive à l'exercice de fonctions dans la branche " surveillance ". M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitudes physiques particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'affectation dans les corps des agents de constatation des douanes (branche de la surveillance), des contrôleurs des douanes et droits indirects (branche de la surveillance), (...) les candidats doivent être aptes au port et à l'usage des armes. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 22 du décret du 10 avril 1995 fixant le statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects dans sa rédaction applicable au litige : " Les contrôleurs des douanes et droits indirects affectés dans la branche de la surveillance peuvent, à tout moment, être soumis, à l'initiative de l'administration, à examen médical par médecin assermenté, en vue d'établir si leur état de santé est compatible avec l'exercice des fonctions de surveillance. / Dans la négative, ils peuvent être affectés dans la branche du contrôle des opérations commerciales et d'administration générale ; ils peuvent être soumis à une formation professionnelle complémentaire ".

3. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

4. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a pris un arrêté du 8 février 2021 " portant reconnaissance de l'inaptitude à l'exercice des fonctions dans la branche de la surveillance de M. B... ". Cet arrêté du 8 février 2021 a été annulé par le tribunal administratif de Strasbourg le 31 mars 2022 par un jugement n° 2008396-2008397-2102457. Ce jugement, non frappé d'appel, est passé en force de chose jugée.

6. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 8 février 2021, la direction des douanes a informé le chef de la circonscription interrégionale du Grand Est de la nécessité, au vu de cet arrêté du 8 février 2021, de mettre en place la procédure de mutation d'office de M. B... dans l'intérêt du service, dans la branche des opérations commerciales, " indissociable d'une reconnaissance d'inaptitude à la surveillance ". La décision litigieuse du 28 mai 2021 a alors, en application des dispositions de l'article 22 du décret précité, affecté M. B... dans la branche des opérations commerciales. Ainsi, l'arrêté litigieux du 28 mai 2021 est intervenu en raison de l'arrêté annulé du 8 février 2021 déclarant M. B... inapte dans la branche de la surveillance. Dans ces conditions, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 8 février 2021 emporte, par voie de conséquence, l'annulation de la décision litigieuse du 28 mai 2021.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens et notamment celui tiré de l'irrégularité du jugement, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2105373 du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 28 mai 2021 de la directrice des douanes et droits indirects sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne et à la ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC02927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02927
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nc02927 ?
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