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06/06/2024 | FRANCE | N°23NC02698

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 06 juin 2024, 23NC02698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2301165 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. r>


Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 11 août 2023, M. B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023, par lequel la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2301165 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2023, M. B..., représenté par Me Mengus, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 19 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 640 euros T.T.C. sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, à défaut de consultation pour avis de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de la durée de son séjour habituel en France ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles impliquent la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

- elle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,

- et les observations de Me Mengus, avocate représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant béninois, né le 19 août 1983, entré sur le territoire français le 7 novembre 2011, sous couvert d'un visa de court séjour valable du 6 au 29 novembre 2011, a présenté au préfet du Val-d'Oise une première demande de titre de séjour en qualité de " visiteur " le 11 décembre 2013, laquelle a fait l'objet d'une décision de refus assortie d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 14 avril 2014, dont la légalité a été confirmé par un jugement définitif du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 18 juin 2015. Le 20 juin 2018, M. B... a présenté au préfet du Bas-Rhin une demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 313-14 du même code. Par un arrêté du 29 avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. La légalité de cet arrêté a été confirmé par un jugement définitif du tribunal administratif de Strasbourg du 3 octobre 2019. En dernier lieu, le 30 août 2021, l'intéressé a présenté à la préfète du Bas-Rhin, par l'intermédiaire de son avocate, une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 19 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 18 juillet 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision de refus de titre de séjour mentionne les textes dont il est fait application, et en particulier les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète relève que l'intéressé ne démontre pas que ses liens personnels et familiaux en France, appréciés au vu de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. La décision précise enfin que la situation personnelle de M. B... ne permet pas une admission exceptionnelle au séjour, dès lors que sa présence continue en France n'est pas avérée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté. Il en va de même, pour les motifs ainsi exposés, du moyen tiré du défaut d'examen particulier, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la préfète n'aurait pas rappelé l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle de M. B....

4. Aux termes de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

5. En deuxième lieu, il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions de délivrance de l'un des titres prévus par les dispositions précitées de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code, qui justifient résider en France habituellement depuis plus de dix ans, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète a estimé que les documents produits par M. B... ne justifiaient pas de façon probante sa présence habituelle continue en France depuis 10 ans. Il ressort des pièces du dossier que si l'intéressé est entré régulièrement en France le 7 novembre 2011, et s'y est maintenu irrégulièrement jusqu'en 2019, les pièces produites s'agissant de la période la plus récente, notamment en ce qui concerne les années 2020 et 2022, à savoir la carte relative à l'aide médicale d'Etat valable du 1er décembre 2020 au 30 novembre 2021, un avis de non-imposition adressé en 2020 au domicile de son oncle par alliance et une facture établie par une enseigne d'hypermarché le 28 janvier 2022 comportant son nom et une adresse ne correspondant à aucune de ses adresses de domiciliation, ne permettent d'établir, au mieux, qu'une présence ponctuelle sur le territoire français pendant chacune de ces années. Le requérant, n'est par suite, pas fondé à soutenir que la préfète ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sans avoir saisi pour avis, au préalable, la commission du titre de séjour, en application des dispositions précitées au point 4.

7. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché d'une erreur de fait la décision de refus de titre de séjour contestée en considérant que M. B... ne démontrait pas le caractère ininterrompu de son séjour habituel en France, ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, M. B... soutient qu'il justifie de motifs d'admission exceptionnelle au séjour dès lors qu'il a désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, qu'il n'a plus de contacts avec ses deux enfants qui résideraient avec leur mère au Congo et qu'il est bien inséré dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B..., entré en France à l'âge de 28 ans, qui s'est maintenu irrégulièrement en France et s'est soustrait à l'exécution de deux mesures d'éloignement édictées à son encontre, à tout le moins à celle du 14 avril 2014, et dont le caractère continu du séjour à compter de 2020 n'est pas avéré, est célibataire et sans charge de famille en France. Sa situation personnelle n'est ainsi pas de nature à caractériser l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'une carte de séjour mention " vie privée et familiale " doit dès lors être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Pour les motifs évoqués au point 8, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour opposée à M. B... n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La préfète du Bas-Rhin n'a, par suite, en prenant cette décision, méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui précède, que la préfète du Bas-Rhin aurait, en rejetant la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. B... et en l'assortissant d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. En dernier lieu, pour les motifs précédemment exposés, le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. B... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Hélène Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC02698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02698
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23nc02698 ?
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