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06/06/2024 | FRANCE | N°23NC02051

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23NC02051


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l

'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de la Mose...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2207830 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02051 le 26 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Cissé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les délais respectifs d'un mois et quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante béninoise née le 28 janvier 1959, est entrée en France le 15 août 2016 munie d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Elle a bénéficié d'un titre de séjour qui a été renouvelé jusqu'au 3 août 2019 dont elle a sollicité le renouvellement le 19 septembre 2019. Par un arrêté du 20 février 2020, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa requête par un jugement du 25 juin 2020 confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy du 12 novembre 2020. Mme A... a de nouveau sollicité le 26 janvier 2022 la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 8 juillet 2022, le préfet de la Moselle a refusé d'y faire droit, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 17 janvier 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 juillet 2022 :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :

2. L'arrêté du 8 juillet 2022 énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors à l'obligation de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-3 de ce code : " Lorsque la rupture du lien conjugal ou la rupture de la vie commune est constatée au cours de la durée de validité de la carte de séjour prévue aux articles L. 423-1 ou L. 423-2, cette dernière peut être retirée. Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française. ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. ".

4. Mme A... soutient que la communauté de vie avec son époux a cessé le 13 août 2019 lorsqu'elle a déposé plainte contre ce dernier pour violences conjugales. Toutefois les plaintes déposées par la requérante en 2019 et 2020 ont fait l'objet d'un classement sans suite le 13 janvier 2022. Mme A... se prévaut d'une nouvelle plainte déposée le 10 mai 2022 et produit des attestations établies par l'ex-épouse de son conjoint, les enfants et des membres de la famille de ce dernier. Toutefois, ces seules attestations, rédigées dans des termes généraux, ne permettent pas à elles seules de tenir pour établie la réalité des allégations de la requérante. Par ailleurs, la requérante produit un certificat médical, daté du 20 août 2019, mentionnant des douleurs au niveau du massif facial, des dermabrasions et douleurs cervico-dorsales, toutefois, ce document ne suffit pas à attester de la réalité de violences conjugales. Enfin, si Mme A... soutient que son ancien conjoint aurait déclaré son décès le 24 octobre 2018 aux autorités béninoises, il ne ressort pas des pièces versées au dossier, et en particulier de la seule copie conforme d'extrait d'acte de décès qui y figure, qu'il serait à l'initiative de cette déclaration. Dans ces conditions et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis 2016, de son insertion dans la société et de ses liens avec la famille de son conjoint. Toutefois, Mme A... n'est entrée en France qu'à l'âge de cinquante-sept ans. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Bénin où résident ses parents et ses quatre enfants majeurs. Par suite la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ". Il est constant que la vie commune de Mme A... avec son époux est rompue. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A... porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée par Mme A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. En deuxième lieu, pour les motifs exposés aux points 6, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A....

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC02051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02051
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23nc02051 ?
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