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06/06/2024 | FRANCE | N°23NC01883

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23NC01883


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 de la préfète du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.



Par un jugement n° 2207603 du 29 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01883 le 13 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 de la préfète du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans.

Par un jugement n° 2207603 du 29 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01883 le 13 juin 2023, M. B..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2022 de la préfète du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et de son comportement qui ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- le tribunal n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tchadien, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour en France pendant trois ans par un arrêté du 14 octobre 2022 de la préfète du Bas-Rhin. M. B... relève appel du jugement du 29 novembre 2022, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. B..., ressortissant tchadien, est entré en France en septembre 2015 pour solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juillet 2016 et la Cour nationale du droit d'asile le 21 avril 2017. En 2020, il a sollicité le bénéfice d'un titre de séjour en tant que conjoint français, demande qui a été rejetée le 10 novembre 2020 par la préfète du Bas-Rhin. Le 9 mai 2022 l'intéressé a fait une nouvelle demande d'un titre de séjour en tant que conjoint de français. Le 11 juillet 2022 M. B... a été incarcéré à la maison d'arrêt de Strasbourg après une condamnation par le tribunal correctionnel de Strasbourg pour vol avec violence en récidive. Il est par ailleurs défavorablement connu des services de police. S'il fait valoir qu'il est marié avec Mme A..., il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine dans lequel réside sa mère et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Eu égard à la menace pour l'ordre public que constitue le comportement de M. B... et aux conditions de son séjour en France, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

4. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

5. Pour interdire à M. B... le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur la circonstance selon laquelle aucun délai de départ volontaire ne lui était accordé et qu'il ne justifiait pas de circonstances humanitaires particulières. Pour fixer le délai de l'interdiction de retour, la préfète a relevé que M. B... dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine et que son comportement en France constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard du droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01883
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ELSAESSER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23nc01883 ?
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