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06/06/2024 | FRANCE | N°23NC01824

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23NC01824


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, subsidiairement de réexaminer sa situation, et dans l'att

ente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, subsidiairement de réexaminer sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2202893, 2202894 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

M. F... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 4 aout 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois , subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2202893,2202894 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01824 le 6 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 4 aout 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de vice de procédure et d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de traitement approprié à son état de santé et celui de ses enfants dans son pays d'origine ; elle est entachée d'erreur de droit le préfet s'étant estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII sans procéder à un examen particulier de sa situation ; la décision méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; elle est contraire à l'article L. 611-9 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une décision de refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales ; elle est insuffisamment motivée ; elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 et 18 septembre 2023 le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC01825 le 6 juin 2023, M. E..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 4 aout 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de vice de procédure et d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de traitement approprié à l'état de santé de son épouse et celui de ses enfants dans son pays d'origine ; elle est entachée d'erreur de droit le préfet s'étant estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII sans procéder à un examen particulier de leur situation ; la décision méconnait les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; elle est contraire à l'article L. 611-9 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une décision de refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français illégales ; elle est insuffisamment motivée ; elle est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 et 18 septembre 2023 le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... et M. E..., ressortissants nigérians, sont entrés en France en 2018 pour y présenter une demande d'asile rejetée en dernier lieu le 3 mai 2022. Ils ont présenté une demande de titre de séjour en raison de leur état de santé et de celui de leurs enfants. Par deux arrêtés du 4 aout 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... et M. E... relèvent appel du jugement du 22 décembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...). ". L'article R. 425-13 dudit code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...). ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté précité du 27 décembre 2016 : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueilli au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Il n'appartient pas au préfet de Meurthe-et-Moselle de produire à l'instance le dossier médical constitué devant l'OFII et notamment les rapports médicaux sur le fondement desquels le collège des médecins de l'OFII a rendu son avis, ces éléments relevant du secret médical.

5. L'avis du collège des médecins de l'OFII prévu par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 425-11, R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions de refus de titre de séjour seraient entachées d'un vice de procédure en l'absence d'authentification des signatures des membres du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.

6. Il ressort de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII en date du 11 mai 2021 relatif à la situation de M. E... qu'il a été signé par les docteurs Mbomeyo, Ortega et Cizeron. Par une décision du 7 juin 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017, portant désignation au sein du collège des médecins à compétence nationale de l'OFII, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, le directeur général de l'OFII a inscrit ces trois médecins sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale. Par suite, les moyens tirés de ce que l'avis de l'OFII ne serait pas signés par trois médecins membres du collège régulièrement désignés manque en fait. Par ailleurs, le rapport médical a été établi par le Dr C..., qui ne siégeait pas au sein du collège des médecins de l'OFII.

7. Il ressort de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII en date du 11 mai 2021 relatif à la situation de Mme A... qu'il a été signé par les docteurs Mbomeyo, Fepart-Chatton et Ortega. Par une décision du 7 juin 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017, portant désignation au sein du collège des médecins à compétence nationale de l'OFII, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, le directeur général de l'OFII a inscrit ces trois médecins sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale. Par suite, les moyens tirés de ce que l'avis de l'OFII ne serait pas signés par trois médecins membres du collège régulièrement désignés manque en fait. Par ailleurs, le rapport médical a été établi par le Dr C..., qui ne siégeait pas au sein du collège des médecins de l'OFII.

8. Il ressort de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII en date du 11 mai 2021 relatif à la situation de la fille de Mme A... et de M. E... qu'il a été signé par les docteurs Mbomeyo, Bernard et Horrach. Par une décision du 7 juin 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017, portant désignation au sein du collège des médecins à compétence nationale de l'OFII, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, le directeur général de l'OFII a inscrit ces trois médecins sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale. Par suite, les moyens tirés de ce que l'avis de l'OFII ne serait pas signés par trois médecins membres du collège régulièrement désignés manque en fait. Par ailleurs, le rapport médical a été établi par le Dr C..., qui ne siégeait pas au sein du collège des médecins de l'OFII.

9. Il ressort de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII en date du 11 mai 2021 relatif à la situation du fils de Mme A... et de M. E... qu'il a été signé par les docteurs Mbomeyo, Delprat-Chatton et Quilliot. Par une décision du 7 juin 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017, portant désignation au sein du collège des médecins à compétence nationale de l'OFII, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, le directeur général de l'OFII a inscrit ces trois médecins sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale. Par suite, les moyens tirés de ce que l'avis de l'OFII ne serait pas signés par trois médecins membres du collège régulièrement désignés manque en fait. Par ailleurs, le rapport médical a été établi par le Dr C..., qui ne siégeait pas au sein du collège des médecins de l'OFII.

10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes des décisions contestées que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait à tort cru en situation de compétence liée par les termes de ces avis pour prendre les décisions de refus de titre de séjour qu'il a opposé aux requérants.

11. En troisième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. Pour refuser de délivrer les titres de séjour sollicités par les requérants, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur les quatre avis du collège des médecins de l'OFII relatifs à la situation des membres de la famille. Le collège des médecins a estimé que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié. Aux termes d'un deuxième avis, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé du fils de Mme A... et de M. E... nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au terme du troisième avis, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de la fille de Mme A... et de M. E... nécessite une prise en charge dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier d'un traitement approprié. Aux termes du dernier avis relatif à M. E..., son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

13. Pour contester ces décisions, les requérants font valoir que Mme A... souffre d'une pathologie thyroïdienne nécessitant un traitement à vie et produisent des certificats médicaux précisant que l'intéressée doit faire l'objet d'un suivi endocrinologique et biologique et d'un traitement hormonal. En faisant valoir que les structures sanitaires et sociales du Nigéria ne lui permettraient pas de bénéficier d'un tel suivi, alors que le préfet produit la fiche MedCoi mentionnant la disponibilité du traitement au Nigéria, Mme A... n'établit pas qu'elle ne pourrait y bénéficier d'une prise en charge adaptée. S'agissant du fils des requérants, qui souffre d'un trouble du spectre autistique et d'une anomalie génétique de l'œil qui a nécessité des interventions chirurgicales et généré des difficultés respiratoires, il ressort des certificats médicaux produits qu'il souffre d'une déficience visuelle et de trouble du développement et se trouve dans l'attente d'une prise en charge au sein d'un institut médico éducatif. En faisant valoir que les structures sanitaires et sociales du Nigéria sont défaillantes, alors que le préfet établit la disponibilité des médicaments requis par son état de santé, les requérants n'établissent pas que l'offre de soins ne permettrait pas une prise en charge médicale adaptée. En ce qui concerne la fille des requérants qui souffre d'asthme, le préfet établit également la disponibilité au Nigéria des médicaments requis par son état de santé. Enfin, M. E..., souffre de fistules anales récidivantes, est atteint de gonalgie gauche et de douleurs articulaires et d'anxiété chroniques. Les éléments produits par l'intéressé ne remettent pas en cause l'appréciation portée par le préfet selon laquelle le défaut de prise en charge n'est pas susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation des requérants doit être écarté.

14. En quatrième lieu, les requérants n'ayant pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Les requérants sont entrés en France en novembre 2018 pour présenter une demande d'asile dont ils ont été déboutés. S'ils font valoir leur volonté d'intégration en France, ils ne soutiennent pas être dépourvus d'attaches personnelles et familiales au Nigéria où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels les décisions ont été prises.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

18. La circonstance que les enfants des requérants présentent des problèmes de santé et que leur fils soit en outre atteint d'autisme ne constitue pas un motif exceptionnel ou des circonstances humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

20. Ainsi qu'il a été dit, les enfants des requérants pourront bénéficier d'un traitement médical approprié au Nigéria. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de leur intérêt supérieur tel que défini par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

21. En premier lieu, les requérants n'établissent pas l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que les obligations de quitter le territoire français sont fondées sur des décisions de refus de titre de séjour illégales doit être écarté.

22. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 13, 16 et 20, les moyens tirés de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'atteinte au droit de mener une vie familiale normale et de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et des obligations de quitter le territoire français soulevé à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi doivent être écartés.

24. En deuxième lieu, ces décisions comportent l'énoncés des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit être écarté.

25. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains ou dégradants ".

26. Les requérants soutiennent qu'en cas de retour au Nigéria leurs enfants seraient exposés à des traitements inhumains et dégradants en raison d'une insuffisante prise en charge médicale et du risque d'excision de leur fille. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les traitements médicaux adaptés à leur état de santé sont disponibles au Nigéria. Par ailleurs, les éléments apportés par les requérants ne suffisent pas à établir le risque d'excision qu'encourrait leur fille, alors au demeurant que leurs demandes d'asile ont été rejetées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

27. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 20, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

29. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... et de M. E....

Sur les frais liés à l'instance :

30. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

31. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... et M. E... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme A... et de M. E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à M. F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01824-23NC01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01824
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23nc01824 ?
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