La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°22NC02160

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 06 juin 2024, 22NC02160


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er mai 2020 portant fin de détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général de l'office public de l'habitat (OPH) du département du Doubs ainsi que la décision du 3 septembre 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2001746 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé ces deux décisions.



Procédure devant

la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 12 août 2022 et 10 mai 2023, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 1er mai 2020 portant fin de détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général de l'office public de l'habitat (OPH) du département du Doubs ainsi que la décision du 3 septembre 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001746 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 12 août 2022 et 10 mai 2023, l'OPH du département du Doubs, représenté par Me Verne de la Selarl Itinéraires Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du 14 juin 2022 en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté du 1er mai 2020 réintégrant M. B... dans les effectifs de l'office et le plaçant en surnombre ;

4°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont à tort accueilli la demande présentée par M. B... comme recevable ;

- les premiers juges ont à tort considéré que le directeur général adjoint n'était pas compétent pour signer la décision du 1er mai 2020 ;

- les moyens présentés par M. B... dans sa demande ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 avril et 14 juin 2023, M. B..., représenté par Me Dufour de la Selarl Julie Dufour, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'OPH du Doubs, ou de tout organisme qui lui succèderait, une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par l'OPH du Doubs ne sont pas fondés ;

- les moyens qu'il a soulevés devant le tribunal sont fondés.

Par une lettre du 15 avril 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que, l'administration étant tenue de réintégrer l'intéressé à l'issue de sa période de détachement, le moyen retenu par le jugement attaqué, reposant sur l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, était inopérant si bien que c'est à tort que les premiers juges se fondés sur ce motif d'annulation.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2024, M. B... a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2024, l'OPH du Doubs a présenté des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- les observations de Me Benyahia, avocate de l'OPH du Doubs,

- les observations de Me Dufour, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Ingénieur des travaux publics d'Etat, M. B... a intégré la fonction publique territoriale le 1er juillet 2002 en qualité d'ingénieur en chef de classe normale. Alors agent du département du Doubs, il a rejoint l'office public de l'habitat du même département sur mutation au 1er juin 2005 pour exercer les fonctions de directeur général adjoint et directeur du patrimoine et du développement. Il a ensuite été détaché sur l'emploi de directeur de l'OPH à compter du 1er octobre 2008 puis, à compter du 1er mai 2010 sur l'emploi de directeur général pour une durée de cinq ans. Son détachement a été renouvelé pour une nouvelle période de cinq ans allant du 1er mai 2015 au 30 avril 2020. Par un arrêté du 1er mai 2020, portant fin de détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général, M. B... a été réintégré dans le cadre d'emplois des ingénieurs en chef hors classe à compter de cette même date. Par sa requête, l'OPH du Doubs relève appel du jugement du 14 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêté du 1er mai 2020 :

2. Aux termes de l'article L. 421-12 du code de la construction et de l'habitation, applicable aux directeurs généraux d'office public de l'habitat : " Le directeur général dirige l'activité de l'office dans le cadre des orientations générales fixées par le conseil d'administration. Il est recruté par un contrat à durée indéterminée. Néanmoins, lorsque le directeur général est recruté par la voie du détachement, la durée du contrat est liée à celle du détachement. Un décret en Conseil d'Etat précise les principales caractéristiques du contrat (...). Ce décret prévoit en outre les conditions dans lesquelles un fonctionnaire relevant de l'office peut être détaché sur l'emploi de directeur général, ainsi que les conditions de sa réintégration, à la fin du détachement, dans un emploi au sein de ce même établissement, par dérogation à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi qu'à l'article 67 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ". Aux termes de l'article R. 421-20-5 du même code : " I. ' Un fonctionnaire relevant de l'office public de l'habitat peut être détaché pour occuper l'emploi de directeur général de cet organisme dans les conditions prévues par l'article 9 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 modifié relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux. / II. ' Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire relevant de l'office sur l'emploi de directeur général, soit à la demande de l'office, soit à la demande du fonctionnaire, celui-ci est réintégré dans son cadre d'emplois ou dans son corps et a droit, le cas échéant en surnombre, à une nouvelle affectation au sein de l'office, dans un emploi correspondant à son grade ".

3. Il résulte de ces dispositions, qui régissent la situation des fonctionnaires relevant de l'office à la fin de leur détachement sur l'emploi de directeur général, par dérogation aux dispositions de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, que l'office est tenu de procéder à leur réintégration dans leur cadre d'emplois ou dans leur corps et de leur donner une affectation au sein de l'office dans un emploi correspondant à leur grade.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... avait, par un courrier du 12 décembre 2019, indiqué ne pas solliciter le renouvellement de son détachement. L'article 1er de l'arrêté en litige du 1er mai 2020 se borne à prendre acte de la fin de ce détachement de M. B... sur l'emploi de directeur général de l'OPH du Doubs au 30 avril 2020, conformément d'ailleurs au contrat qui avait été signé. Par suite, cet article 1er de l'arrêté en litige est dépourvu de caractère décisoire et ne fait pas grief à M. B..., qui n'a pas d'intérêt à en demander l'annulation.

5. En revanche, M. B... est recevable à contester, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'article 2 de cet arrêté qui fixe les modalités de sa réintégration dans le cadre d'emploi des ingénieurs, au grade d'ingénieur en chef hors classe, à compter du 1er mai 2020, que ce soit en matière d'indice, de reliquat d'ancienneté dans l'échelon, d'absence d'affectation sur un poste et précise également qu'en l'absence de poste correspondant à son grade, le fonctionnaire est maintenu en surnombre dans la collectivité pendant un an en application de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984.

6. Il résulte de ce qui précède que l'OPH du Doubs est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges n'ont pas limité la recevabilité des conclusions à fin d'annulation au seul article 2 de l'arrêté du 1er mai 2020.

Sur la légalité de l'article 2 de l'arrêté du 1er mai 2020 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

7. Pour annuler l'arrêté du 1er mai 2020, les premiers juges ont, après avoir indiqué que seul le conseil d'administration de l'OPH pouvait mettre fin aux fonctions de M. B..., retenu que le directeur général adjoint, qui exerçait les fonctions de directeur général par intérim, n'était pas compétent pour signer l'arrêté mettant fin au détachement de l'intéressé.

8. Lorsque le tribunal administratif a fait droit à une demande en se fondant sur un moyen inopérant et que, pour contester le jugement de ce tribunal, l'appelant n'a pas invoqué le caractère inopérant du moyen retenu par les premiers juges, il appartient au juge d'appel de relever d'office cette inopérance pour censurer le motif retenu par le tribunal.

9. Il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'OPH du Doubs, était tenu, en tant qu'administration d'origine, de placer M. B... dans une position régulière à l'issue de son détachement. L'OPH était ainsi tenu de réintégrer le fonctionnaire à compter du 1er mai 2020 dans le cadre d'emplois des ingénieurs en chef hors classe. Par suite, compte tenu de cette situation de compétence liée, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté était inopérant.

10. Il résulte de ce qui précède que l'OPH du Doubs est fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Besançon a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 1er mai 2020.

11. Il y a lieu toutefois pour cette cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif par M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mai 2020.

En ce qui concerne les autres moyens :

12. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation et des erreurs de visas de l'arrêté en litige est inopérant, dès lors que l'OPH du Doubs était en situation de compétence liée pour procéder à la réintégration de M. B... au 1er mai 2020.

13. En deuxième lieu, M. B... ne saurait pas plus utilement soutenir que le conseil d'administration de l'OPH aurait dû être consulté avant qu'il ne soit procédé à sa réintégration. Il n'appartenait pas plus au conseil d'administration de désigner son successeur sur le poste de directeur général avant le prononcé de sa réintégration.

14. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté en litige, et n'est pas contesté par l'OPH du Doubs, qu'il existe une erreur quant au décompte de l'ancienneté de M. B... dans le 7ème échelon d'ingénieur en chef hors classe dans lequel il est réintégré au 1er mai 2020, le reliquat d'ancienneté étant alors de 5 ans, 6 mois et 22 jours. Par suite, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêté dans cette mesure.

15. En quatrième lieu, compte tenu des dispositions spéciales applicables à la situation de M. B..., en particulier de celles du II de l'article R. 421-20-5 du code de la construction et de l'habitation, il ne pouvait être fait application au fonctionnaire de l'OPH des dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, auxquelles les dispositions spéciales dérogent expressément. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la mention de l'arrêté en litige, précisant qu'il sera pris en charge par le centre national de la fonction publique territoriale s'il demeurait sans affectation pendant un an, est entachée d'erreur de droit.

16. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que le poste de directeur général adjoint que M. B... avait occupé entre le 1er juin 2005 et le 1er octobre 2008 n'était pas vacant à la date du 1er mai 2020 et qu'il ne pouvait pas lui être proposé lors de sa réintégration. La circonstance que la personne qui occupait ces fonctions ait ensuite été nommé directeur général de l'office, au demeurant uniquement à compter du 1er octobre 2020, est sans incidence sur l'absence de vacance du poste au 1er mai 2020. M. B..., qui n'allègue pas qu'un autre poste correspondant à son grade aurait alors été vacant, ne saurait utilement contester l'absence de création d'un poste spécifique en vue de son affectation effective à cette date. Il ressort au demeurant des pièces du dossier qu'un tel poste lui a, par la suite, été proposé. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'absence d'affectation au 1er mai 2020 caractériserait un détournement de pouvoir ni que la décision en litige serait entachée de détournement de procédure. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH du Doubs est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'intégralité de l'arrêté du 1er mai 2020 procédant à la réintégration de M. B... au lieu des seules mentions, à l'article 2, relatives au reliquat d'ancienneté et à sa prise en charge par le centre national de la fonction publique territoriale au terme d'une année sans affectation.

Sur les frais de l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, une somme au titre des frais exposés par l'OPH du Doubs et non compris dans les dépens.

19. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OPH du Doubs une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001746 du tribunal administratif de Besançon du 14 juin 2022 est annulé en tant qu'il a prononcé l'annulation totale de l'arrêté du 1er mai 2020 au lieu des seules mentions, à l'article 2, du reliquat d'ancienneté de M. B... dans son échelon et de sa prise en charge par le centre national de la fonction publique territoriale.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'OPH du Doubs est rejeté.

Article 3 : L'OPH du Doubs versera la somme de 2 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat du département du Doubs et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au préfet du Doubs en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC02160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02160
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22nc02160 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award