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06/06/2024 | FRANCE | N°22NC00205

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 06 juin 2024, 22NC00205


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de la commune de La Francheville sur sa réclamation préalable et de condamner la commune de La Francheville à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des divers préjudices qu'elle estime avoir subis et la somme de 250 euros au titre de la prime dite " covid ".



Par un jugement n° 2100174 du 30 novembre 2021, le t

ribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.



Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de la commune de La Francheville sur sa réclamation préalable et de condamner la commune de La Francheville à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des divers préjudices qu'elle estime avoir subis et la somme de 250 euros au titre de la prime dite " covid ".

Par un jugement n° 2100174 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 janvier et le 8 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Medeau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 novembre 2021 ;

2°) de condamner la commune à lui verser la somme totale de 10 000 euros en réparation du préjudice moral, une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices matériel et professionnel qu'elle estime avoir subis et une somme de 250 euros au titre de la prime dite " covid " ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- elle a été privée de ses fonctions au sein de la restauration scolaire à compter du 22 juin 2020 en méconnaissance des stipulations de son contrat ;

- le préavis prévu à l'article 38-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 n'a pas été respecté alors qu'il est de deux mois avant le terme de l'engagement pour les agents recrutés pour une durée supérieure à deux ans ;

- la commune a commis une faute en prolongeant irrégulièrement la durée de son engagement au moyen de deux contrats à durée déterminée ;

- si elle ne peut se prévaloir des droits relatifs au contrat à durée déterminée, la rupture de son engagement doit être regardée comme un licenciement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ;

- elle a subi des préjudices moral et matériel en ce qu'elle a été licenciée de manière brutale alors qu'aucun reproche ne lui avait été formulé ;

- elle doit se voir attribuer la prime " covid " due à tous les agents en service pendant la crise sanitaire.

Par un mémoire enregistré le 9 juin 2022, la comme de La Francheville conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par la commune de La Francheville comme agent contractuel pour exercer des activités de restauration à la cantine scolaire et d'entretien de l'école maternelle. A ce titre, elle a été employée du 27 août 2015 au 26 août 2018 par trois contrats uniques d'insertion successifs et, du 27 août 2018 au 31 août 2020, par deux contrats successifs en raison d'un accroissement temporaire d'activité. Par un courrier du 23 juillet 2020, le maire de La Francheville a informé l'intéressée de son intention de ne pas la renouveler dans ses fonctions. Par un courrier reçu le 24 septembre 2020, Mme A... a formulé une demande d'indemnisation auprès de la commune qui l'a implicitement rejeté. Mme A... relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable et à la condamnation la commune de La Francheville à lui verser la somme de 20 250 euros, au titre des divers préjudices subis et de la prime dite " covid ".

Sur la responsabilité de la commune :

En ce qui concerne la modification de ses attributions en juin 2020 :

2. Il ressort des stipulations du contrat portant sur la période du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 que Mme A... a été engagée pour réaliser les tâches suivantes : " assurer le service de restauration scolaire, effectuer le nettoyage et l'entretien des locaux de l'école maternelle et l'espace culturel ". Ainsi, si à compter du 29 juin 2020, au retour de l'agente titulaire du poste au sein du service de restauration, la requérante n'a plus assuré de fonctions au sein de ce service mais uniquement des activités de ménage, celles-ci entraient dans le champ de son contrat. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui confiant de telles missions, la commune de La Francheville aurait procédé à un retrait de fonctions susceptible d'être assimilé à une rupture anticipée de son contrat ou à un licenciement. Enfin, à supposer que l'agente titulaire au sein du service de restauration était l'épouse d'un membre du conseil municipal qui a pris ses fonctions en mars 2020, soit plusieurs mois avant son non renouvellement, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer l'existence d'un détournement de pouvoir.

En ce qui concerne la régularité de son contrat :

3. Aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " I. - Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : / (...) 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs ; (...) ".

4. Il résulte de l'instruction qu'après avoir été employée du 27 août 2015 au 26 août 2018 par trois contrats uniques d'insertion successifs en l'application de l'article L. 1242-3 du code du travail, Mme A... a été recrutée en l'application du 1° du I de l'article 3 précité, par un premier contrat de douze mois du 27 août 2018 au 31 août 2019, et par un second contrat du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 sur le même fondement et pour la même durée. En l'engageant par ce second contrat, à compter du 1er septembre 2019 pour une nouvelle période de douze mois alors que le premier contrat courait du 27 août 2018 au 31 août 2019, soit la durée maximale sur une période totale de dix-huit mois consécutifs, la commune a méconnu la condition de délai posée par ces dispositions. En renouvelant irrégulièrement le contrat de Mme A..., la commune a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la nature de ce contrat :

5. Eu égard au caractère temporaire des contrats à durée déterminée successifs dans le cadre desquels la requérante a été employée, celle-ci n'a pas été recrutée pour pourvoir de manière permanente à un emploi permanent de la commune. Il s'ensuit qu'en dépit des contrats qui l'ont précédé, ce second contrat à durée déterminée conclu en raison d'un accroissement temporaire d'activité, conclu au demeurant ainsi qu'il a été dit irrégulièrement, ne saurait être requalifié comme un contrat à durée indéterminée et son non renouvellement ne s'analyse donc pas comme un licenciement.

En ce qui concerne la durée de préavis :

6. L'article 38-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dispose : " I.- Lorsqu'un agent contractuel a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être renouvelée en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité territoriale lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) / -un mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans ; / -deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à deux ans ".

7. Mme A... qui n'avait pas, ainsi qu'il vient d'être dit, droit au renouvellement de son contrat à durée déterminée, n'était plus susceptible, à l'issue du second contrat du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, d'être engagée pour une nouvelle période de douze mois sur le fondement du 1° du I de l'article 3 précité. Elle ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions citées au point précédent pour soutenir que la commune aurait dû l'informer deux mois avant la fin de son contrat de son intention de ne pas renouveler celui-ci.

Sur le lien de causalité :

8. Mme A... soutient avoir subi des préjudices psychologique et matériel en raison du refus de renouvellement de son contrat postérieurement au 31 août 2020. Si, ainsi qu'il a été dit, la commune de La Francheville a commis une faute en renouvelant son contrat à compter du 1er septembre 2019 pour une nouvelle période de douze mois, cette illégalité est sans incidence sur le refus de renouveler le contrat de Mme A... à l'issue de ce second contrat. Les préjudices allégués par la requérante ne peuvent, dès lors, être regardés comme découlant directement du renouvellement fautif par la commune. Il s'ensuit que le lien de causalité entre les préjudices allégués et l'illégalité fautive n'est pas établi et Mme A... n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser des sommes en réparations des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subi.

Sur la prime dite " covid " :

9. Par une délibération du 29 juillet 2020, le conseil municipal de La Francheville a institué une prime à verser aux agents publics employés par la commune qui, durant la période de crise sanitaire du 24 mars au 10 juillet 2020, ont été confrontés à un surcroit significatif de leur activité. Mme A... n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait été en activité durant cette période et aurait été soumise à des contraintes supplémentaires en raison des conditions sanitaires. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la commune aurait dû lui verser cette prime. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à la condamnation de la commune de La Francheville à ce titre doivent être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de La Francheville présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de La Francheville.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC00205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00205
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SCP LEOSTIC MEDEAU LARDAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22nc00205 ?
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