Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, en droits et pénalités, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.
Par un jugement no 1907718 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Binder du cabinet Schwob et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la dette inscrite en comptabilité à hauteur de 76 083 euros n'était pas éteinte, dès lors que les échéances prévues au contrat de " crédit-vendeur " du 1er janvier 2011 ont été honorées, que la prescription quinquennale ne pouvait pas commencer à courir avant que la première échéance ne soit exigible tandis que le créancier pouvait toujours agir en recouvrement de sa créance ;
- l'absence d'intérêts et l'absence d'enregistrement et de date certaine sur le contrat ne permettent pas de le disqualifier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... exerce une activité d'exploitant agricole, pour laquelle il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Par une proposition de rectification du 27 avril 2018, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a, notamment, remis en cause un passif injustifié de 76 083euros dont elle a réintégré le montant dans le bénéfice agricole du contribuable au titre de l'année 2016. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement, le 31 octobre 2018, pour un montant de 7 582 euros, en droits et pénalités. Par une décision du 8 août 2019, l'administration fiscale a rejeté la réclamation préalable formée par l'intéressé. M. B... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires mises à sa charge.
2. Aux termes de l'article 72 du code général des impôts : " I. Sous réserve de l'application des articles 71 et 72 A à 73 E, le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales, conformément à toutes les dispositions législatives et à leurs textes d'application, sans restriction ni réserve notamment de vocabulaire, applicables aux industriels ou commerçants ayant opté pour le régime réel ". Aux termes de l'article 38 du même code : " 1. Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toutes natures effectuées par les entreprises (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".
3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article 242 ter du code général des impôts : " 3. Les personnes qui interviennent à un titre quelconque, dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer à l'administration la date, le montant et les conditions du prêt ainsi que les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur ". Aux termes de l'article 49 B de l'annexe III du même code : " 1. Les personnes physiques ou morales qui interviennent, à titre de partie ou d'intermédiaire, dans la conclusion des contrats de prêts ou dans la rédaction des actes qui les constatent sont tenues de déclarer les noms et adresses du prêteur et de l'emprunteur, la date, le montant et les conditions du prêt, notamment sa durée, le taux et la périodicité des intérêts ainsi que les modalités de remboursement du principal. / 2. Ces dispositions ne sont pas applicables : a. Aux contrats de prêts qui sont définis par un arrêté du ministre de l'économie et des finances ; b. Aux contrats de prêts dont le principal n'excède pas un montant fixé par ce même arrêté. Toutefois, lorsque plusieurs contrats de prêts sont conclus au cours d'une année au nom d'un même débiteur ou d'un même créancier et que leur total en principal dépasse le montant visé ci-dessus, tous les contrats ainsi conclus doivent être déclarés. / 3. La déclaration est souscrite par l'intermédiaire ou, en l'absence d'intermédiaire, par le débiteur ; dans la situation visée au b du 2, elle est faite, suivant le cas, par le débiteur ou le créancier au nom duquel l'ensemble des contrats ont été conclus. / (...) / Lorsque le débiteur ou le créancier est tenu de souscrire la déclaration en application des dispositions du premier alinéa, celle-ci est adressée au service des impôts dont il dépend en même temps que la déclaration de ses revenus ou que la déclaration de ses résultats ".
5. Il ressort de la proposition de rectification du 27 avril 2018 que l'administration fiscale a constaté, à la fin de l'exercice 2016, l'inscription d'une somme de 76 083 euros au crédit d'un compte " autres comptes débiteurs ou créditeurs " dans les écritures comptables de M. B.... Tout en admettant que cette somme, présente à la création de l'activité agricole de l'intéressé le 1er janvier 2011, correspondait à la reprise des éléments de cette activité, dont du bétail, du matériel et des outillages, l'administration a cependant estimé qu'en vertu des règles d'une prescription quinquennale applicables, la dette du contribuable était éteinte et que le passif correspondant était dès lors injustifié.
6. Pour justifier de ce que cette créance était toujours exigible, M. B... se prévaut d'un contrat de prêt que son père lui aurait consenti le 1er janvier 2011 en vue de l'achat des actifs susmentionnés et qui prévoyait le remboursement de la dette en sept versements annuels de 10 000 euros, le premier ne devant intervenir que le 31 décembre 2018, et un dernier versement du solde le 31 décembre 2025. Toutefois, ce document manuscrit, qui n'a pas de date certaine faute d'avoir été enregistré, n'a pas fait l'objet de la déclaration prévue par les dispositions du 3 de l'article 242 ter du code général des impôts précité. La facture de vente du bétail et matériel, datée du 1er janvier 2011, qui n'avait pas été produite lors du contrôle sur place, ne comporte aucune mention des modalités de paiement et ne renvoie pas non plus à la conclusion d'un prêt intra-familial. En outre, ainsi que le ministre l'indique en défense, M. B... n'a jamais évoqué l'idée d'un prêt accordé par son père, ni au cours des opérations de contrôle ni d'ailleurs lors de ses observations faites à la suite de la proposition de rectification du 28 avril 2018. La production de ce " contrat de prêt ", pour la première fois lors de la réclamation préalable du 25 juin 2019, alors que la première échéance du remboursement n'intervient, fort opportunément, qu'au 31 décembre 2018, presque huit années après sa conclusion alléguée, permet de considérer qu'il a été rédigé pour les besoins de la cause. La circonstance que le requérant a procédé au remboursement de quatre échéances, un premier chèque, daté du 28 décembre 2018, ayant été encaissé le 2 septembre 2019 soit postérieurement d'ailleurs au rejet de sa réclamation préalable, n'est pas plus de nature à établir l'existence d'un " crédit-vendeur " que son père lui aurait accordé le 1er janvier 2011. Dans ces conditions, M. B..., qui ne conteste pas le principe de la prescription qui lui a été opposée, n'est pas fondé à soutenir, par les moyens qu'il invoque, que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré dans son bénéfice agricole de l'année 2016 le montant de ce passif injustifié.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 21NC03216