Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement no 1901124 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Bonhomme, demandent à la cour :
1°) d'annuler partiellement ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées compte tenu d'une réduction, en base, de leurs bénéfices industriels et commerciaux à hauteur de 1 911,40 euros pour l'année 2011, de 57 929,70 euros pour l'année 2012 et de 29 873,14 euros pour l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le recoupement entre les factures d'achat de véhicules d'occasion, la preuve des débits bancaires correspondants, les factures de vente de ces véhicules et la preuve des crédits bancaires correspondants permet d'établir que la marge réalisée lors de la revente de quatre véhicules en 2011 est de 1 075 euros et non de 2 986 euros comme retenu par l'administration, celle réalisée lors de la revente de 63 véhicules en 2012 est de 2 640,50 euros et non de 60 570,60 euros comme retenu par l'administration, et celle réalisée à l'occasion de la revente de 43 véhicules en 2013 s'établit à 12 672,94 euros au lieu de 42 546,48 euros retenus par l'administration ;
- ces recoupements, dont il ressort un taux de marge effectif de 0,87 % en 2012 et de 5,96 % en 2013, années pour lesquelles les échantillons sont représentatifs, permettent d'établir que le taux de marge de 20 % retenu par l'administration pour tous les véhicules sur la période en litige est exagéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Promo Auto, qui exerçait une activité de négociant en véhicules d'occasion et dont M. B... était le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en matière de bénéfices industriels et commerciaux, lesquels sont imposables entre les mains du requérant en vertu de l'article 8 du code général des impôts ainsi que des dispositions du e) du 3. de l'article 206. Compte tenu de l'opposition à contrôle fiscal manifestée par le gérant, les rehaussements ont été déterminés, par une proposition de rectification du 20 octobre 2014, selon la procédure de l'évaluation d'office en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Par des propositions de rectification du même jour, l'administration fiscale a, par ailleurs, également reconstitué, d'une part, le bénéfice industriel et commercial réalisé par M. B... à raison de son activité de loueur de terrains au titre des années 2012 et 2013 et, d'autre part, les revenus fonciers de la SCI 2 avenue Bert dont il est le gérant au titre des mêmes années. M. et Mme B... ont alors été informés des conséquences de ces trois procédures au niveau de leur revenu global, par une proposition de rectification du 21 octobre 2014, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales au titre de l'année 2011 et selon la procédure de taxation d'office au titre des années 2012 et 2013. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011, 2012 et 2013 ont été mises en recouvrement, le 31 janvier 2015, pour un montant total de 61 722 euros. Une première réclamation préalable a été rejetée par une décision du 22 février 2016, puis, par une décision du 14 mars 2019, l'administration a accueilli partiellement la seconde réclamation formée le 29 décembre 2017 par les contribuables, en dégrevant les pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires de l'année de 2012 à hauteur de 896 euros. M. et Mme B... relèvent appel partiel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires mises à leur charge à raison de la reconstitution des bénéfices de l'EURL Promo Auto.
Sur l'étendue du litige :
2. M. et Mme B... demandent que leurs bases imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à raison des résultats de l'EURL Promo Auto soient fixées à 77 518,60 euros pour l'année 2011 au lieu des 79 430 euros retenus par le service, à 5 520,30 euros pour l'année 2012 au lieu des 63 450 euros retenus par le service et à 12 105,86 euros pour l'année 2013 au lieu des 41 979 euros retenus par le service. Leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge est ainsi limitée aux montants des droits et pénalités correspondant aux minorations qu'ils sollicitent en base.
Sur le bien-fondé de l'impôt :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ". Aux termes de l'article L. 73 du même livre : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, (...), lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ". L'article L. 193 du livre des procédures fiscales dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre précise que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
4. Les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. B... au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ont été régulièrement évalués d'office en vertu de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, du fait de son opposition à la vérification de comptabilité de l'EURL Promo Auto, dont il avait été avisé en sa qualité de gérant. Par suite, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions en litige lui incombe en vertu des dispositions ci-dessus reproduites.
5. M. B... ne disposant pas d'une comptabilité régulière et probante, il lui incombe, afin d'établir le caractère exagéré des impositions, de démontrer que la méthode de reconstitution de l'administration est viciée dans son principe ou trop sommaire ou encore de soumettre une méthode plus précise et fiable que celle utilisée par le service.
En ce qui concerne la détermination des bases imposables :
6. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de toute déclaration de résultats déposée par l'EURL Promo Auto, l'administration fiscale a, pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, procédé à partir des crédits bancaires figurant sur le compte de l'entreprise, dont le total, non contesté par les requérants, s'établit, toutes taxes comprises, à 794 298 euros en 2011, à 634 502 euros en 2012 et à 419 792 euros en 2013. Considérant que le pourcentage moyen de bénéfice brut devait être évalué à 20 %, ainsi qu'il avait déjà été mis en œuvre lors du contrôle dont l'entreprise avait fait l'objet au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, l'administration a ainsi déduit du chiffre d'affaires de chaque exercice un montant de 80 % correspondant aux charges d'acquisition des véhicules d'occasion. Elle a encore admis la déduction d'" autres charges ", évaluées en l'absence d'autres éléments ou justificatifs fournis, à un pourcentage de 10 %. Les bases imposables ont ainsi été établies à 79 430 euros au titre de l'exercice 2011, à 63 450 euros au titre de l'exercice 2012 et à 41 979 euros au titre de l'exercice 2013.
7. M. et Mme B... contestent ces bases imposables, dans la limite de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, en se prévalant de tableaux qu'ils ont confectionnés pour les besoins de la cause, visant à établir la marge réelle réalisée sur la vente d'un certain nombre de véhicules d'occasion au cours des années en litige. Les requérants ont retracé les prix d'acquisition puis de vente de ces véhicules sur la base des sommes apparaissant au débit puis au crédit de leur compte bancaire ainsi que des factures correspondantes. Ils en déduisent que la marge réalisée en 2011 à raison de la vente de quatre véhicules pour un chiffre d'affaires de 14 930 euros n'est que de 1 075 euros, que la marge réalisée en 2012 à raison de la vente de 63 véhicules pour un chiffre d'affaires de 302 853 euros serait selon eux de 2 640,50 euros, soit un taux de 0,87 % et que la marge réalisée en 2013 à raison de la vente de 43 véhicules pour un chiffre d'affaires de 212 732,40 euros est de 12 672,94 euros, soit un taux de 5,96 %.
8. D'une part, les requérants ne remettent pas en cause en tant que telle la méthode de reconstitution mise en œuvre par l'administration. Par ailleurs, en restreignant leur démonstration à une partie seulement du montant du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration, ils doivent être regardés comme ayant accepté l'application du taux de 20 % sur l'autre partie et comme ne remettant pas en cause le montant correspondant des acquisitions de véhicules retenu par le service.
9. D'autre part, en ce qui concerne la partie du chiffre d'affaires pour laquelle ils entendent établir la marge brute réellement dégagée, il résulte des factures d'acquisition et de vente de véhicules d'occasion produites qu'il s'agit, pour une majorité d'entre elles, de factures manuscrites qui ne comportent pas les mentions obligatoires prévues à l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts, conformément à l'article 289 du même code. Rédigées selon le même modèle et produites plusieurs années après le contrôle de l'EURL, elles sont dépourvues de force probante. Quant aux quelques factures conformes qu'ils présentent relativement à 24 véhicules acquis en 2012 et à 20 véhicules acquis en 2013, celles-ci ne peuvent pas être corrélées avec certitude avec les factures, non probantes, dont ils indiquent qu'elles sont celles de reventes de ces mêmes véhicules. En outre, les extraits du compte bancaire de l'EURL, qui ne comportent aucune référence précise aux véhicules acquis et cédés, en dehors des mentions manuscrites ajoutées pour les besoins de la cause, ne permettent pas de justifier des montants d'acquisition et de revente des véhicules, ni par suite d'établir le montant de la marge brut réalisée lors de chaque opération. Ainsi, M. et Mme B... ne justifient pas que la marge brute réalisée sur une partie des chiffres d'affaires des exercices clos en 2012 et en 2013 ne serait que de 0,87 % et, respectivement de 5,96%, leur calcul étant au demeurant erroné pour 2012, la marge brute s'établissant selon les chiffres qu'ils avancent à 5,18 %. Les requérants, qui n'entendent en outre pas renoncer à la déduction de 10% de charges telle que pratiquée par le service, ne proposent en appel aucune explication du caractère nécessairement déficitaire de la vente des 122 véhicules retenus dans leur échantillon qui en résulterait. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à remettre en cause le taux de marge brute de 20 % mis en œuvre par l'administration pour reconstituer les bénéfices industriels et commerciaux de l'EURL ni à demander la minoration de ces mêmes bénéfices.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 21NC01330