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06/06/2024 | FRANCE | N°21NC01150

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 06 juin 2024, 21NC01150


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes, mises à leur charge au titre de l'année 2010.



Par un jugement n° 1501480 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé une décharge partielle des cotisations supplémentaires de contributions soci

ales et a rejeté le surplus de leur demande.



Par un arrêt n° 17NC02396 du 4 juillet 2019, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des pénalités correspondantes, mises à leur charge au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1501480 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé une décharge partielle des cotisations supplémentaires de contributions sociales et a rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 17NC02396 du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête d'appel formé par M. et Mme E....

Par une décision du 20 avril 2021, F... statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. et Mme E..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 4 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Productions présentées avant le renvoi :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 3 octobre 2017 et 27 février 2019, M. et Mme E..., représentés par Me Gilbert, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501480 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande de décharge ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a nécessairement mais implicitement entendu se fonder sur les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscale, relatives à l'abus de droit, sans appliquer la procédure spéciale qu'elles prévoient ; par suite, la procédure d'imposition est irrégulière ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'un écart significatif entre la valeur des actions cédées et leur prix de cession et de la volonté pour la société civile (SC) Flodrine d'octroyer une libéralité à M. E..., d'autant que le rôle de ce dernier n'a consisté qu'à suppléer les banques pour financer l'acquisition des parts de la société anonyme (SA) Vermont par M. B... ; le prix de cession retenu de 23,35 euros par action correspond à celui qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande ; le 23 février 2010, M. B... a cédé ses participations minoritaires dans le capital de la SA Vermont au prix de 30 euros l'unité ; des cessions d'actions de la SA Vermont ont été effectuées en 2008 au prix de 30 euros l'unité ; la société par actions simplifiée (SAS) Vermont, en charge du projet " tube " était en situation d'échec ; l'adoption par le Parlement de l'interdiction des ampoules à incandescence, issue du " Grenelle de l'environnement ", et l'envolée du cours des matières première ont également fragilisé la situation de la SA Vermont ;

- M. E... s'est contenté de participer à un portage destiné à permettre le rachat des titres de la SA Vermont par M. A... M. qui n'a pu obtenir un prêt bancaire que pour financer la moitié de l'acquisition des titres de la SA Vermont ; l'acquisition de la moitié des titres de la SA Vermont par M. E... a été suivie d'une cession immédiate de ces titres au profit de M. A... M., assortie d'un crédit-vendeur et d'une reconnaissance de dette ; M. E... n'en a retiré aucun bénéfice ;

- l'administration a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une lettre du 27 février 2019, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire durant le premier semestre 2019 et que l'instruction était susceptible d'être close à partir du 15 mars 2019 sans information préalable.

Par une ordonnance du 1er avril 2019, une clôture immédiate d'instruction a été décidée.

Un mémoire, présenté par M. et Mme E..., représentés par Me Gilbert, a été enregistré le 16 juin 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Productions présentées après le renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2021, M. et Mme E... soutiennent que :

- M. E... n'a pas accepté de libéralité de la part de la société Flodrine mais est intervenu comme le financeur de la cession par cette société de la totalité de ses titres de la société Vermont à M. C... ;

- en l'absence d'intention libérale de la part de la société Flodrine en sa faveur, l'administration le taxe sur un revenu dont il n'a pas disposé, ce qui constitue une violation du droit de propriété et des principes de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- ne pas tenir compte de l'absence d'intention libérale en sa faveur reviendrait à taxer deux contribuables différents sur une même assiette imposables pour les mêmes impôts ;

- l'administration ne démontre pas, en tout état de cause, l'intention libérale qui aurait animé la société Flodrine.

Par un mémoire enregistré le 9 aout 2021, le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- l'existence d'une convention de portage de titres entre M. E... et M. C..., à la supposer établie, est sans incidence sur l'imposition entre les mains de M. E... de l'avantage consentie par la société Flodrine en lui cédant des titres à un prix délibérément minoré dans une intention libérale ;

- subsidiairement, il y a lieu de procéder à une substitution de motifs et de fonder le redressement en litige sur les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 février 2010, M. E... a acquis auprès de la société civile (SC) Flodrine 7 490 actions de la société anonyme (SA) Vermont pour un prix de 174 891 euros, soit 23,35 euros par action. M. et Mme E... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, effectué dans le cadre de la procédure contradictoire, à l'issue duquel l'administration a notamment évalué les actions de la SA Vermont à 99,50 euros l'unité et procédé, en conséquence, à des rappels d'impôt sur le revenu de 570 364 euros en base, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et des rappels de contributions sociales, au titre de l'année 2010. M. et Mme E... ont contesté ces rappels devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Par un jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé une décharge partielle des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge et rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme E... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande. Sur pourvoi introduit par M. et Mme E... F... a annulé l'arrêt de la cour du 4 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant cette même cour.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédure fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure en litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ". En vertu de ces dispositions, l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables les actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé de tels actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le redressement est justifié par l'existence d'un acte anormal de gestion.

3. Pour estimer que le prix de vente des actions de la SA Vermont par la SC Flodrine au profit de M. E... avait été minoré de 570 364 euros et que cette minoration était imposable entre les mains de M. et Mme E... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration n'a, à aucun moment de la procédure, soutenu, même implicitement, que la cession de ces actions intervenue le 23 février 2010 aurait été fictive ou inspirée par le seul motif d'éluder l'impôt, mais s'est bornée à considérer qu'en procédant à cette cession à un prix minoré, la SC Flodrine avait consenti une libéralité au profit des requérants représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts. Dès lors, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'ils auraient été imposés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

5. La valeur vénale des titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. En l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l'appréciation de la valeur vénale est faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue.

6. En premier lieu, M. et Mme E... font valoir qu'il existe des transactions comparables à celle en litige : d'une part, la vente le 7 janvier 2008 par la société Axel de 7 550 actions de la SA Vermont, correspondant à 10,05 % du capital de cette société, pour un prix unitaire de 30 euros et, d'autre part, la cession de 300 actions de la SA Vermont, effectuée le 23 février 2010 par M. E... à MM. Eric et A... C... pour le même prix. La première cession dont M. et Mme E... se prévalent ne peut servir de terme de comparaison dès lors qu'elle est antérieure de deux ans à celle qui est en litige alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été effectuée dans un contexte économique équivalent. S'agissant de la seconde cession dont se prévalent les requérants, celle-ci est également dépourvue de caractère pertinent dès lors qu'elle ne portait que sur 300 actions, soit 0,4 % du capital de la SA Vermont. En outre, le 8 janvier 2009, soit un an après la première des deux cessions invoquées par M. et Mme E... et un peu plus d'un an avant la vente en litige, les actionnaires de la SA Vermont, parmi lesquels figure M. E..., ont confié un mandat de recherche exclusive à la société à responsabilité limitée (SARL) GMBA Ingenierie, afin qu'elle trouve des acquéreurs pour les titres de la SA Vermont. Il ressort des stipulations de ce mandat que le prix de cession ne pouvait être inférieur, sauf à parfaire, à 7,5 millions d'euros, soit un prix unitaire de 99,85 euros. Il résulte également de l'instruction que le 29 décembre 2010, soit dix mois seulement après la cession en litige, l'intégralité des parts de la SA Vermont a été vendue au prix de 108,50 euros par action. La circonstance que le tribunal de grande instance de Troyes a estimé, dans un jugement rendu le 17 mai 2019 à la demande de M. A... C..., auquel M. E... a cédé ses parts de la SA Vermont, qu'il existait des transactions comparables à celle en litige ne lie pas la cour dans son appréciation sur le point en litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé de tenir compte des deux cessions de parts invoquées comme éléments de référence par M. et Mme E... pour évaluer les titres de la SA Vermont.

7. En deuxième lieu, M. et Mme E... ne contestent pas les modalités de calcul résultant de la méthode d'évaluation retenue par l'administration, consistant à additionner la valeur mathématique, la survaleur (" goodwill ") et le double de la valeur de productivité et à diviser le résultat obtenu par quatre. Ils se bornent à faire valoir que la SAS Vermont, filiale à 100 % de la SA Vermont, en charge du projet " tube ", destiné à la commercialisation d'ampoules pour automobiles, était en situation d'échec, en raison notamment des difficultés qu'elle a rencontrées pour trouver un site de production et s'approvisionner et des problèmes de santé de son dirigeant. Les requérants soutiennent également que l'adoption par le Parlement de l'interdiction progressive de la vente des ampoules à incandescence issue du " Grenelle de l'environnement " et l'envolée du cours des matières premières ont également fragilisé la situation de la SA Vermont. Cependant, si les requérants produisent les comptes de l'exercice 2009 de la SAS Vermont, qui font état d'une perte de 113 878 euros, le rapport du président de la SAS Vermont à l'assemblée générale des actionnaires du 4 mai 2010 indiquait que la ligne de transformation " tubes " était devenue opérationnelle, qu'elle devait poursuivre sa montée en puissance et que les commandes du " client pilote " étaient confirmées pour 2010. Il ressort en outre des éléments produits par les requérants, et notamment d'une analyse effectuée par un expert-comptable, qu'un partenaire pour la fabrication des ampoules avait été trouvé par la SAS Vermont le 30 juillet 2010, qu'en septembre 2010 une production de 160 tonnes d'ampoules avait été engagée, que le chiffre d'affaires des ventes de l'année 2010 s'était élevé à un million d'euros environ, pour une production entamée en septembre de cette année, et que la trésorerie de la SAS Vermont avait augmenté d'un million d'euros par rapport à l'année précédente. Il ne résulte pas de l'instruction que l'interdiction progressive de la vente des ampoules à incandescence ait eu un impact négatif sur la situation financière de la SA Vermont. L'administration fait enfin valoir que les actionnaires de la SA Vermont ont refusé, un mois avant la cession en litige, une offre d'achat à 106,50 euros par action et que l'intégralité des parts de cette société a été vendue au prix de 108,50 euros par action le 29 décembre 2010, ainsi qu'il vient d'être dit. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les actions de la SA Vermont pouvaient être évaluées à 99,50 euros par unité à la date du 23 février 2010 et, par suite, comme démontrant l'existence d'un écart significatif entre cette valeur et le prix de vente stipulé entre la SC Flodrine et M. E....

8. En troisième lieu, pour établir l'intention de la société cédante d'octroyer et celle de M. E... de recevoir une libéralité, l'administration a relevé, d'une part, qu'un écart existait entre le prix de cession des titres de la société Vermont et leur valeur évaluée par le vérificateur et, d'autre part, que M. E... avait exercé les fonctions de président du conseil d'administration de la société Vermont de 2003 à 2011. Il résulte toutefois de l'instruction que, dans le cadre d'une convention de portage conclue dans un contexte de restructuration du capital de la société Vermont, M. E... n'avait acquis les titres de la société Vermont qu'en vue de les revendre immédiatement et au même prix à M. C... en lui accordant un crédit-vendeur, compte tenu de l'impossibilité pour M. C... de contracter un emprunt bancaire d'un montant permettant de financer intégralement l'acquisition de la totalité des titres de la société Vermont. Dans ces conditions, ni l'intention de la société cédante d'octroyer à M. E... une libéralité ni celle de M. E... de recevoir une telle libéralité ne peut être regardée comme établie.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

10. Devant la cour, l'administration fiscale demande une substitution des motifs du redressement en litige en faisant valoir que la cession des parts sociales détenues par la SC Flodrine dans la société Vermont à M. E... à un prix minoré doit être regardée comme un acte anormal de gestion impliquant l'imposition au nom de M. E... d'une distribution sur le fondement du 1° de l'article 109 du code général des impôts. Si la convention de portage conclue entre la SC Flodrine, M. E... et M. C... est exclusive de l'intention de la société cédante d'octroyer et celle de M. E... de recevoir une libéralité, elle n'a cependant, ni pour objet ni pour effet de conférer à la SC Flodrine un intérêt propre à la réalisation de la cession de ses parts sociales dans la société Vermont à un prix inférieur à leur valeur réelle. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'en a retiré aucun bénéfice, l'administration apporte la preuve d'un acte anormal de gestion au profit de M. E... et il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Droit à un procès équitable / 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

12. Les stipulations précitées ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Il s'ensuit que le contentieux de l'assiette de l'impôt n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 précité. Dès lors, dans la mesure où le présent litige se limite à une contestation portant sur l'établissement de l'impôt, à l'exclusion du contentieux propre aux pénalités, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite ledit moyen doit être écarté comme inopérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin de décharge ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 21NC01150 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01150
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. FIDUFRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;21nc01150 ?
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