Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 décembre 2022 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'instruire sa demande de délivrance d'un titre de séjour et a procédé au classement sans suite de cette demande.
Par un jugement n° 2301164 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande et procédé au retrait de l'aide juridictionnelle accordée par la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 février 2023.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2023, M. B... A... A..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301164 du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2023 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 6 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle d'enregistrer et d'instruire sa demande de titre de séjour pour soins du 6 juillet 2022 et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens nouveaux soulevés dans un mémoire en réplique déposé avant la clôture de l'instruction le 18 juin 2023 ;
- la décision en litige du 6 décembre 2023 est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa demande de titre de séjour était complète et ne présentait pas un caractère abusif ou dilatoire ;
- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé le retrait total de l'aide juridictionnelle dès lors que sa demande n'était pas manifeste dilatoire ou abusive, ni manifestement irrecevable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2024, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... A... est un ressortissant pakistanais, né le 23 septembre 1987. Il est entré irrégulièrement en France, le 20 juin 2021. L'intéressé ayant sollicité, le 12 juillet 2021, la reconnaissance du statut de réfugié, il a été mis en possession d'une attestation de demande d'asile. Le 6 juillet 2022, le requérant a présenté une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 6 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'instruire cette demande et a procédé à son classement sans suite. M. A... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2022. Il relève appel du jugement n° 2301164 du 7 juillet 2023 qui rejette cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le mémoire en réplique de M. A..., enregistré au greffe du tribunal administratif de Nancy le 18 juin 2023, soit la veille de la clôture automatique de l'instruction survenue trois jours francs avant l'audience publique du 22 juin 2023, comportait des éléments nouveaux auxquels il n'aurait pas été répondu dans les motifs du jugement contesté. Par suite, alors même que les premiers juges ont visé ce mémoire, sans l'analyser, le moyen tiré de la régularité de ce jugement ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La détention d'un document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour, d'une attestation de demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sous réserve des exceptions prévues par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle. ". Aux termes R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 431-2, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation de ces documents. ". Aux termes de l'article R. 431-11 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 431-12 du même code : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) ". En vertu du point 47 de l'annexe 10 du même code, l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 doit notamment présenter, au soutien de sa demande, un justificatif d'état civil, un justificatif de nationalité et un justificatif de domicile datant de moins de six mois. En outre, en cas de première demande, il doit notamment fournir des justificatifs permettant d'apprécier la durée de sa résidence habituelle en France depuis au moins un an.
5. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Le refus d'enregistrer une telle demande motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet, en l'absence de l'un des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou lorsque l'absence d'une pièce mentionnée à l'annexe 10 à ce code, auquel renvoie l'article R. 431-11 du même code, rend impossible l'instruction de la demande. L'enregistrement de la demande de titre de séjour d'un étranger ayant présenté une demande d'asile qui n'a pas été définitivement rejetée ne peut être refusé au motif de l'absence de production des documents mentionnés à l'article R. 431-10.
6. Il résulte des motifs de la décision en litige du 6 décembre 2022 que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'enregistrer et d'instruire la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. A... le 6 juillet 2013 sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé n'avait pas fourni de justificatifs de nationalité et d'état civil, mais uniquement des traductions ne permettant pas d'établir de l'existence des documents qu'elles sont censées transcrire. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile déposée par le requérant le 12 juillet 2021 aurait été définitivement rejetée. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur de droit en lui opposant l'absence de production de documents mentionnés à l'article R. 431-10. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 6 décembre 2022 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré son dossier comme incomplet et ont rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation en tant qu'elles étaient dirigées contre un acte ne faisant pas grief.
7. La demande présentée en première instance par le requérant n'étant pas manifestement irrecevable, c'est également à tort que le tribunal a procédé au retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée par la décision du 9 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nancy.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent jugement implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, d'enregistrer et d'instruire sa demande de titre de séjour pour soins du 6 juillet 2022 et de délivrer à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour.
Sur les frais de justice :
9. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kipffer, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2301164 du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : La décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 6 décembre 2022 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, d'enregistrer et d'instruire la demande de titre de séjour pour soins du 6 juillet 2022 et de délivrer à M. A... un récépissé de demande de titre de séjour, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait.
Article 4 : L'Etat versera à Me Kipffer, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... A..., à Me Kipffer et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03668 2