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04/06/2024 | FRANCE | N°23NC01922

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 23NC01922


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301227 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour

:



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2023 et le 30 août 2023, M. A..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301227 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2023 et le 30 août 2023, M. A..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement de lui enjoindre de l'admettre provisoirement au séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen sérieux de sa demande ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le droit d'être entendu garanti par les principes dégagés par le droit de l'Union européenne ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré régulièrement en France le 18 août 2017 en vue d'y poursuivre des études. L'intéressé a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant qui a été renouvelé jusqu'au 2 octobre 2019. Après être retourné dans son pays d'origine, il est revenu régulièrement en France le 15 novembre 2019 et a sollicité un titre de séjour, le 26 août suivant, pour y reprendre ses études. Par un arrêté du 13 mai 2020, le préfet du Bas-Rhin a refusé la délivrance de ce titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement du 16 octobre 2020, a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté. Après avoir vainement sollicité son admission au titre de l'asile, M. A... a demandé, le 6 septembre 2021, un titre de séjour en qualité d'étudiant afin de s'inscrire en master 1. Par un arrêté du 19 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté en litige que la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen de la situation de M. A... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Si l'intéressé considère que l'appréciation de la préfète sur le caractère réel et sérieux de ses études est erronée, cette circonstance est sans incidence sur l'existence de cet examen. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

4. Il est constant que M. A..., inscrit au titre de l'année 2017/2018 en master 1 de " géographie, aménagement, environnement et développement ", n'a pas présenté de mémoire d'étude et a été considéré comme défaillant. L'année suivante, il ne s'est présenté à aucune des épreuves d'examen du 1er semestre de ce master et à une partie seulement de celles du second semestre. Il n'a ainsi, au terme de ces deux années universitaires, obtenu aucun diplôme. Ces résultats attestent d'un manque de sérieux de M. A... dans la poursuite de ses études. Contrairement à ce que M. A... soutient, son inscription en vue d'une réorientation en master 1 de " management des organisations et stratégies des entreprises " n'atteste, par elle-même, d'aucune progression. De plus, si l'intéressé se prévaut de la durée excessive d'instruction de sa demande de titre de séjour, celle-ci est sans incidence sur l'appréciation du caractère réel et sérieux des études qu'il avait entamées antérieurement à son changement d'orientation. La préfète du Bas-Rhin n'a, dès lors, pas commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer une carte de séjour portant la mention " étudiant " à M. A....

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A... se prévaut de sa présence en France depuis le 18 août 2017 où il soutient avoir transféré le centre de ses intérêts, notamment en raison de ses études, ainsi que de ses efforts d'intégration. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est entré en France qu'en vue de poursuivre des études et n'avait ainsi pas vocation à y demeurer. Il dispose, par ailleurs, d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son épouse et leurs quatre enfants. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A... au regard du pouvoir de régularisation à titre exceptionnel du préfet.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ". Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français est inopérant et qu'il doit par suite être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

10. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

11. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient M. A..., la préfète du Bas-Rhin n'était pas tenue de l'inviter à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire prise concomitamment au refus de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de l'intéressé doivent être écartés.

Sur la décision portant fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie de l'arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : C. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01922 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01922
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23nc01922 ?
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