Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le préfet de Marne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse et leur fils mineur.
Par un jugement n° 2200367 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le préfet de Marne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse et leur fils mineur ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence du signataire de l'arrêté n'est pas établie ;
- l'arrêté contesté comporte une motivation stéréotypée et insuffisante ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à un examen sérieux de sa demande ;
- l'arrêté contesté méconnaît les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant égyptien, titulaire d'un titre d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 18 juillet 2022, a déposé, le 10 mars 2021, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de son fils, mineur. Par un arrêté du 18 novembre 2021, le préfet de la Marne a refusé de faire droit à cette demande. M. B... fait appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'incompétence et insuffisamment motivé. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué et qui n'appellent aucune précision.
3. En deuxième lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de la Marne a, contrairement à ce que soutient M. B..., procédé à un examen de sa situation personnelle avant de rejeter sa demande de regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : / 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; / 2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ". Aux termes de l'article L. 434-8 du même code : " Pour l'appréciation des ressources mentionnées au 1° de l'article L. 434-7 toutes les ressources du demandeur et de son conjoint sont prises en compte, indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. / Ces ressources doivent atteindre un montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, qui tient compte de la taille de la famille du demandeur et doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". L'article R. 434-4 de ce code dispose : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / 1° Cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ".
5. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que pour refuser à M. B... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son fils, le préfet de la Marne s'est fondé sur l'insuffisance de ses ressources. Pour contester cette appréciation, le requérant, qui a la qualité d'autoentrepreneur, fait valoir que son chiffre d'affaires pour l'année 2020 s'élevait à la somme de 20 245 euros et que, s'agissant de l'année 2021, ses revenus, compte tenu de son chiffre d'affaires de 14 000 euros et des salaires qu'il a perçus au cours de cette même année, s'élevaient à un montant total de 17 297 euros, soit, selon ses calculs, un salaire mensuel moyen pour 2020 et 2021 respectivement de 1 687,08 euros bruts et 1 441,41 euros bruts. Toutefois, l'intéressé se prévaut de revenus bruts qui ne tiennent pas compte des charges courantes ainsi que des charges sociales. Il ressort des avis d'imposition de l'intéressé que ses revenus pour l'année 2020, constitués de son chiffre d'affaires, étaient de 11 316 euros, après l'application de l'abattement forfaitaire dont bénéficie le régime de l'auto-entrepreneur, et que ceux de l'année 2021, constitués de son chiffre d'affaires après abattement forfaitaire et de ses salaires, s'élevaient à la somme globale de 10 567 euros, ce qui représente un revenu mensuel net inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance mensuel moyen net de 1 228,05 euros (1 218,60 euros + 1 237/2) sur la période. Dans ces conditions, en rejetant la demande de regroupement familial de M. B... au motif que celui-ci ne disposait pas de ressources suffisantes, le préfet de la Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les instances qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est présent en France depuis le mois de septembre 2006, a épousé, en Egypte, le 13 décembre 2019 une compatriote avec laquelle il a eu un enfant né le 28 septembre 2020. Si l'intéressé ne dispose pas des ressources nécessaires pour bénéficier du regroupement familial, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder la décision en litige comme portant atteinte au respect de sa vie privée et familiale alors qu'il n'invoque aucun élément qui s'opposerait à la poursuite de sa vie familiale, avec son épouse et son enfant, dans son pays d'origine. En outre, l'intéressé, qui ne justifie d'une activité professionnelle que depuis 2019, n'établit pas une intégration particulière sur le territoire français. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".
9. M. B... soutient que le refus de regroupement familial en raison de l'insuffisance de ses ressources constitue une discrimination contraire aux dispositions précitées. Toutefois, cette condition, qui est exigée de tous les candidats au regroupement familial, a pour objet de permettre un accueil décent des personnes souhaitant s'installer en France. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie de l'arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01654 2